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vitant les autres départemens de la république à se confédérer avec eux, déclarant qu'ils voulaient avoir une législature particulière, mais s'engageant à envoyer des députés au congrès général de la Colombie, à supporter sa part de la deite publique et de la dépense fédérale.

C'est en conséquence de cette résolution prise malgré l'opposition de l'intendant de la province et d'autres citoyens, que le général Paez ordonna (13 novembre) aux colléges électoraux de procéder à l'élection des députés qui devaient composer la législature de Venezuela en nombre double de celui qu'ils envoyaient au congrès, et l'ouverture de cette assemblée fut fixée au 10 janvier suivant.

Il y eut à quelques jours de là (le 19 novembre) entre les troupes du général Bermudès qui bloquait Cumana, et les milices de cette ville qui s'étaient déclarées pour le système fédéral, un combat, où le général défenseur de la constitution fut battu et contraint de retourner à Barcelonne; cette action, où il n'y avait guère que 400 soldats contre 8 à goo hommes de milice, est la scule qu'on puisse citer de cette petite guerre civile dont on pouvait craindre tant de malheurs.

Enfin, ce jour-là même (19 novembre), ou la veille, après cinq ans d'absence, pendant lesquels le nom victorieux de Bolivar n'avait jamais cessé d'être à la tête de tous les actes du Gouvernement et dans toutes les bouches, au milieu de la détresse, des embarras et des querelles politiques, le libérateur-président rentra dans Bogota sous des arcs de triomphe, environné des autorités, qui avaient été une lieue au devant de lui, entre deux files de troupes rangées en bataille, au bruit des salves d'artillerie, au son de toutes les cloches et aux acclamatious de la multitude. Il répondit aux félicitations que le vice-président lui adressait en louant la conduite prudente du pouvoir exécutif de la Colombie dans des circonstances si critiques, en invitant la famille colombienne dont on le nommait le père à la concorde, et en assurant qu'il avait dévoué sa vie à l'indépendance et à la liberté de la Colombie, et qu'il mettrait tous ses soins à y maintenir l'union et l'autorité des lois.

Quelques jours après ( le 28 novembre), il rendit ce décret dont l'analyse ne donnerait qu'une idée infidèle :

Simon Bolivar, libérateur, président de Colombie, considérant: 1° l'état d'agitation dans lequel la' république se trouve placée depuis les événemens de Venezuela, par la division d'opinions au sujet de la forme du gouvernement, et l'alarme occasionnée par les craintes d'une guerre civile et d'uue invasion étrangère de la part de nos ennemis communs; 2° qu'il y a un fondement positif de craindre que le Gouvernement espagnol est déterminé à renouveler les hostilités au moyen des forces réunies dans l'ile de Cuba; 3° que le plus grand nombre des départemens ont exprimé l'avis que le président de la république fùt investi des pouvoirs extraordinaires qui peuvent être nécessaires pour rétablir l'intégrité nationale, et sauver Colombie d'une guerre civile et d'une guerre étrangère; 4° que le pouvoir exécutif a déclaré que le cas prévu par l'article 128 de la constitution est arrivé (1), et a en conséquence convoqué une assemblée immédiate du congrès; et désirant d'un côté répondre à la confiance du peuple, et de l'autre, conserver la constitution existante, au moins jusqu'à ce que la nation, par ses organes légitimes et compéteus, dė crète le changement de cette constitution; j'ai, avec le consentement du con seil de Gouvernement, décrété et je décrète ce qui suit:

Art. 1. Par les raisons ci-dessus énoncées, en ma qualité de président de république, je déclare que je suis dans le cas prévu par l'article 128 de la constitution, et que je me suis investi des pouvoirs extraordinaires qui y sont spécifiés, autant pour rétablir la tranquillité intérieure que pour préserver la république de l'anarchie et d'une guerre étrangère.

Art. 2. En mon absence de la capitale, le vice-président de la république sera chargé de l'autorité exécutive, et exercera ces pouvoirs extraordinaires dans toutes les parties de la république où je ne puis les exercer personnellement.

Art. 3. Excepté pour de tels objets, et dans les cas où l'exercice des poavoirs extraordinaires ci-dessus mentionnés pourra être nécessaire, la constitution et les lois continueront d'être observées comme de coutume.

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Art. 4. Il sera rendu compte au prochain congrès de tout ce qui seta fait en vertu du présent décret, et conformément aux conditions dudit art. 128.»

Bolivar investi dans des formes régulières de l'autorité dictato

(1) Voici cet article:

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Art. 128. En cas de commotions intérieures et de révolte à main armée, menaçant la sûreté de la république, aussi bien que dans celui d'une invasion étrangère soudaine, le président sera investi, avec le consentement et l'approbation préalable du congrès, du droit d'ordonner toutes les mesures qui serout indispensablement nécessaires, et qui ne sont point comprises dans la sphère habituelle de ses attributs. Si le congrès n'était pas assemblé, il prendra cette autorité de lui-même ; mais il devra convoquer le congrès dans le plus bref délai, afin de se conformer à la détermination que ce corps prendra. Ce pouvoir extraordinaire sera sévèrement restreint aux lieux et temps néces

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riale que les départemens insurgés lui avaient déférée, annonça l'intention de l'abdiquer aussitôt que la patrie cesserait d'être en danger, et de convoquer une convention ou congrès général qui déciderait de la forme à donner au gouvernement de la république. En portant ses regards sur l'administration des finances, dont il parut peu satisfait, il déclara la ferme résolution de satisfaire aux engagemens pris de payer les intérêts de la dette étrangère, en faisant sur les dépenses du pays toutes les économies possibles.

Comme sa présence seule pouvait rétablir la paix dans les départemens soulevés contre le gouvernement de Bogota, il se hàta d'en partir (25 novembre), en recommandant aux citoyens la paix et la modération, surtout dans l'exercice du privilége accordé aux citoyens de répandre leurs opinions par le moyen de la presse, dont il déplorait d'ailleurs les abus comme une des causes de la discorde.

Arrivé à Maracaïbo (19 décembre), Bolivar déclara qu'ayant été nommé président de la république par le choix du peuple, et tous les partis ayant invoqué sa médiation pour concilier leurs différens, les départemens de Maturin, de Venezuela, de l'Orénoque ét de Zulia resteraient sous ses ordres particuliers, n'obéiraient à d'autre autorité que la sienne. Par un autre décret rendu à Valencia, il confirma le général Paez dans le commandement civil et militaire de Venezuela, déclarant que, loin d'être coupable, il était le sauveur de la patrie; proclamant d'ailleurs un oubli sincère, une amnistie générale sur tous les événemens qui s'étaient passés, et interdisant tous actes d'hostilité comme faits de haute trahison.

Ainsi, toutes les dissensions, toutes les calamités qui avaient affligé ce malheureux pays semblaient être terminées à l'approche du libérateur, dont le voyage à Maracaibo, à Porto-Cabello, Valencia et Caraccas ne fut qu'une suite de fêtes et réjouissances publiques, au milieu desquelles perçait toutefois une vive inquiétude sur le dénouement de cette affaire.

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Bolivar, que nous venons de laisser occupé à concilier les facţions qui déchiraient le sein de sa patrie, était au commencement

de l'année dans le Haut Pérou, où il jetait les fondemens de la république nouvelle qui devait prendre son nom (Bolivia), et de préparer les esprits à la constitution qu'il voulait lui donner. C'est pendant son absence que le drapeau de l'Espagne disparut du seul point du continent où il flottait encore, et que le fort de Callao, si important à la sûreté et au commerce de Lima, fut rendu aux Péruviens en vertu d'une capitulation conclue le 22 janvier.... On se souvient que cette place était retombée au pouvoir des Espagnols par la sédition d'un bataillon de noirs envoyé de BuenosAyres; mais on n'a pas dit que cette sédition avait été fomentéc par le marquis de Torretagle, ancien président du Pérou, et par Berindoaga, ex-ministre de la guerre, tous deux attachés naguère au parti patriote, mais ennemis jurés de Bolivar. Ils étaient enfermés dans la place avec le général Rodil, et ne contribuèrent pas peu à la défense. Jamais il n'en fut de plus obstinée. Rodil, résolu à s'ensevelir sous ses ruines, avait à résister à la fois aux attaques du dehors et à des complots du dedans. Il y avait péri plus de quatre mille individus, soit par le feu des assiégeans, soit par la famine, soit par une maladie pestilentielle qui s'y fit sentir dans les derniers mois, soit par des exécutions à la suite des complots formés pour livrer la place à l'ennemi. Leurs cadavres, qu'on jetait par dessus les murailles, devenaient la proie des buses qui les dévoraient en quelques heures; les fossés étaient presque remplis de lambeaux de chair et d'ossemens qui commençaient à blanchir. Enfin, n'ayant plus ni vivres, ni munitions, Rodil, forcé de céder au désespoir des habitans, et mêine de la garnison, consentit à traiter. La capitulation fut négociée à bord d'un vaisseau anglais; plusieurs des conditions qu'il proposait furent refusées; mais il obtint pour lui et sa garnison les honneurs de la guerre, le permission de s'embarquer avec ses officiers sur des bâtimens de transport britanniques, aux frais du Gouvernement péruvien, et une amnistie pour ceux qui se trouvaient dans la place au moment de la reddition. Le marquis de Torretagle avait succombé dans le cours du du siége, avec une grande partie de sa famille, à la maladie pestilentielle; mais le malheureux Berindoaga, en voulant

se sauver à bord d'un bâtiment étranger, était tombé dans les mains des assiégeans : on en verra la destinée. Pour le général Rodil, il fut embarqué pour l'Espagne, où il a reçu les honneurs dus à son courage.

Il semblait que l'expulsion absolue des Espagnols du territoire péruvien dût y ramener la confiance et la paix; mais Bolivar, arrivé peu de temps après du Haut-Pérou, trouva les esprits plus divisés, plus inquiets, plus indisposés que jamais. Déja perçait dans les Péruviens une jalousie nationale contre des alliés qui se conduisaient en conquérans, et la crainte de n'avoir été délivrés de la domination espagnole que pour tomber sous le joug de leur libérateur.

Des élections venaient d'être faites pour le congrès qui devait s'ouvrir au mois de mars. Les députés arrivés à Lima s'étant réunis en séances particulières avant de se déclarer congrès du Pérou, il s'y manifesta des opinions et des plaintes contre divers actes du Gouvernement, qui donnèrent clairement à comprendre à Bolivar que plusieurs des députés, ceux dont la réputation et les talens lui étaient le plus redoutables, ne visaient à rien moins qu'à l'obliger à se démettre d'un pouvoir illimité. Offensé de ces dispositions, Bolivar menaça de quitter le Pérou, de ramener toute l'armée colombienne dans sa patrie, et d'abandonner les Péruviens à leurs factions intestines. Des ordres, assure-t-on, avaient été donnés aux troupes de se tenir prêtes à partir, lorsque la majorité du congrès, séduite, ou effrayée des résultats que pouvait avoir une pareille résolution, lui envoya une députation chargée de lui exprimer les alarmes qu'elle avait répandues, et de le supplier de conserver pendant quelque temps encore les rênes du gouvernement, qu'aucune autre main n'avait la force de tenir. Bolivar céda, mais avec une répugnance apparente.

Je ne suis venu sur le territoire du Pérou, dit-il aux députés, que pour lui rendre la liberté et en chasser les Espagnols. Jamais aucun sentiment d'am bition ne dirigea ma conduite; mon seul mobile fut l'intérêt de mes compatriotes, et la gloire fut non unique bat. Après avoir chassé nos eunemis, pacifié les troubles intérieurs et donné la liberté au Pérou, je songeai à me retirer, parce que mon but était rempli; ce ne fat qu'en cédant aux instances

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