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LA REVUE.

Vous

ous avez lu avec intérêt, madame, l'article relatif aux maisons de jeux, inséré dans ma dernière lettre. Cette question touche à des considérations si élevées, que je crois utile de fixer de nouveau sur elle l'attention publique. Je ne fais d'ailleurs qu'acquitter les engagemens que j'ai contractés avec vous, lorsque je vous ai promis de consacrer ma plume à la défense des principes de l'ordre, de la justice et de la morale. L'abondance des matières m'oblige à remettre au prochain envoi les aperçus nouveaux que le sujet a fait naître; je me bornerai aujourd'hui à démontrer que, pour purger la société du fléau des jeux de hasard, il suffirait de remettre en vigueur les dispositions éparses de notre législation.

Je n'aurai, pour atteindre ce but, qu'à vous communiquer les extraits d'une lettre que vient de m'adresser un de nos célèbres jurisconsultes, regrettant de ne pouvoir, par défaut Tome II. N°. 13,

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d'espace, donner une égale publicité aux réflexions judicieuses dont elle est semée.

«Nos rois, dans leurs ordonnances, et nos « états-généraux, dans leurs délibérations, « n'ont cessé d'opposer à la fureur du jeu, la « sévérité des clauses pénales.

«Charlemagne, dans un de ses capitulaires, « défend les jeux de hasard, et veut que ceux « qui enfreindront la loi, soient retranchés de << la communion des fidèles.

«Saint Louis, dans son ordonnance rendue << en 1254, défend les écoles de jeux de ha«sard, veut qu'elles soient fermées, et que « ceux qui les tiendront soient punis corpo<< rellement.

«Dans l'article 10, de celle rendue en 1256, << il note les joueurs d'infamie, et leur in«terdit la faculté d'être entendus en justice « comme témoins.

« L'ordonnance d'Orléans, qui fut l'ouvrage « du plus grand homme dont la magistrature «française ait eu à s'honorer (1), veut que ceux «qui tiendront les brelans soient punis ex<<< traordinairement, sans connivence ou dis

(1) Lc chancelier de l'Hôpital.

« simulation des juges, à peine de priva-" «tion de leurs offices.

« Les ordonnances de 1577, 1611 et 1629, sur les jeux de hasard, déclarent infâmes « et intestables, ceux qui se prostitueront en <«< un si pernicieux exercice.

« La déclaration du 1er. mars 1781 renou« velle toutes ces ordonnances. Les parlemens, << dont les doctrines furent toujours si pures «<et si libérales, toutes les fois que leurs in<«<térêts privés ne les égarèrent point, secon«dèrent nos rois, et n'eurent à cet égard « qu'une seule et même jurisprudence.

« L'assemblée constituante, dans sa loi du « 22 juillet 1791, fulmina des peines contre «< ceux qui louent leurs maisons aux maîtres « de jeux de hasard, et contre ceux qui ouvrent «< ces jeux.

«Elle rangea les maîtres de ces maisons, << avec les filous, les voleurs ordinaires et les

« escrocs.

« Elle classa enfin les ouvertures des mai<< sons de jeux, où le public est admis, parmi «<les atteintes portées à la propriété des ci« toyens.

« Notre code pénal actuel, dans son article 410, prononce la peine de l'emprisonnement «et d'amendes considérables, contre ceux qui

<< ouvrent des maisons de jeux, outre la confis«cation des fonds ou effets exposés sur les « tables, et des effets mobiliers dont ces lieux << sont garnis.

« Ce n'est donc point de l'absence des lois qu'il faut se plaindre, mais seulement de leur <«< inexécution; c'est de leur infraction pu«blique, scandaleuse, commise sous l'autori«sation du gouvernement et en vertu de con<<<ventions faites avec lui.

« Sous le règne de Louis XV, la police com<< mença à tirer parti des jeux; elle y trouva « des revenus qui servirent à stipendier les «agens qu'elle emploie; et depuis lors, ces « coupe-gorges lui ont fourni la majeure partie « des sujets dont elle a besoin et la solde qu'elle « leur donne.

«Les ministres actuels n'ont fait que suivre << la route tracée par leurs prédécesseurs; on ne « peut leur faire de reproches à cet égard; ils <<< seront maintenant, n'en doutons pas, les pre«miers à seconder nos généreux efforts; et les << protestations de nos loyaux députés, en si«gnalant à la tribune ces pernicieuses trans«gressions des lois, contribueront à éclairer le « gouvernement sur les vrais intérêts publics.»

Obéissant au vœu que vous avez manifesté d'être informée avec exactitude des grands débats qui s'agitent au sein de nos Chambres, je ne dois point laisser partir cette lettre sans vous entretenir de l'importante loi relative au re

crutement.

Cette loi, éminemment nationale, a été reçue comme celle des élections. Vous comprenez ce que je veux dire. Censurée avec acharnement par une portion de l'opposition, applaudie selon la coutume par les députés ministériels, accueillie avec plaisir et reconnaissance

par les indépendans, elle est sortie triomphante de la brillante épreuve des discussions. Appelée dans le livre de notre législation par les vœux nationaux, elle est venue s'y placer entourée de respects anticipés, ce qui vaut mieux les respects d'obligation.

que

L'époque de ces mémorables débats a fourni une preuve nouvelle de l'étonnante sagacité de l'opinion publique en France. La France ne nourrit de vagues préventions contre personne. Elle a repoussé la loi relative à la liberté de la presse, parce qu'elle lui a paru dirigée contre cette liberté; elle n'a point rejeté la loi du recrutement, quoiqu'elle émanât de la même source; elle l'a lue, méditée et approuvée,

« ForrigeFortsett »