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C'est à tort que j'accusais les gens de lettres de garder le silence sur un abus qui accuse notre civilisation et fait la honte de nos jours, l'existence des maisons publiques de jeu; deux brochures nouvelles traitent ce sujet. Mais la nature des opinions Emises en l'une d'elles et le but que se propose leur auteur, ont modéré la satisfaction que j'éprouvais de m'être trompé; les maisons publiques de jeu ont trouvé un défenseur: M. Thorin s'est avancé dans l'arène. Il s'y présente avec courage, puisqu'il se nomme en défendant une cause que l'humanité et la morale semblent condamner. Je vais essayer de vous faire connaître ses argumens; je vous offrirai, plus tard l'analyse de l'ouvrage de ses adversaires.

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La brochure apologétique de M. Thorin est intitulée de la Prohibition et de la Tolerance des jeux (1). On lui doit d'abord, et il fant en

(1) Quatre feuilles et démie in-8°., 1818. A Paris, chez Delaunay, libraire, au Palais-Royal Tome II. N°. 14.`

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convenir, sur l'origine de la tolérance des maisons de jeu et sur les résultats de cette tolérance, des renseignemens peu connus; certaines inexactitudes ne détruisent pas leur importance. M. Thorin fait remonter cette origine à l'administration de M. de Sartines, et le privilége exclusif de spéculer, à l'aide du jeu, sur la fortune et l'honneur des citoyens, au gouvernement directorial. It donne ensuite à ses lecteurs un tableau comparatif des pertes éprouvées par les joueurs à trois époques différentes, avant la tolérance, sous l'exploitation du fermier du directoire et en 1818.91 19 2olkar noIma

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La nature de ces renseignemens prouve que l'auteur a été admis à puiser à des sources inconnues au vulgaire, et de cet honorable avantage découle sans doute le sentiment de pitié et de dédain qu'il paraît affecter en parlant de tous les ouvrages écrits contre la tolérance des jeux. Il était tout simple en effet que ses intentions bienveillantes lui fissent accorder le droit de soulever le voile mystérieux qui couvre le ré-! sultat des travaux des maisons publiques de jeu et leur succès dans l'amélioration des mœurs. Les regles de la prudence exigent cependant que ses lecteurs n'admettent pas ces renseignemens comme incontestables et dégagés de toute espèce de prévention.

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Quoi qu'il en soit, M. Thorin cherché à dé duire le raisonnement du fait. D'après un coup d'œil jetté sur l'Europe, selon lui les excès du jeu sont plus graves dans les états où il est plus sévèrement prohibé. Il cite à l'appui de cette assertion l'Allemagne, l'Italie (1) et particulièrement l'Angleterre. Peut-être les gouvernemens de ces pays contesteraient-ils les faits qu'il allegue, et c'est pourtant de l'autorité seule de ces allégations, qu'il tire la conséquence que la prohibition absolue du jeu en accroît la fureur au lieu de l'amortir, et que dès-lors on doit la to-" lérer; raisonnement qui peut être traduit ainsi : lorsqu'un vice existe chez un peuple, malgré la loi, il faut supprimer la loi.

Si l'on admettait de pareils sophismes, si les lois étaient soumises à la puissance des passions qu'elles sont appelées à contenir, il n'y aurait aucun espoir de perfectionner la société par leur moyen. Le défaut de ce perfectionnement serait alors un des moindres malheurs des penples; l'impuissance des lois en amènerait bientôt le mépris. On ne peut au reste saper l'autorité de nos lois contre le jeu, avec plus de philantro-" pie que le fait M. Thorin dans le développe ment de son système. C'est au nom de l'huma(1) Avant la tolérance.

nité, c'est dans l'intérêt même des hommes dévorés de l'ardeur du jeu, qu'il justifie les dispositions qui leur donnent la faculté de se ruiner paisiblement, et qu'il veut écarter d'eux la méfiance, la terreur des tribunaux, la crainte de compromettre leur honneur ou leur vie, barrières puissantes que beaucoup d'hommes qui ont été dépouillés dans les maisons publiques de jeu n'eussent jamais osé franchir.

Quelques esprits cependant pourraient être fupp des résultats du tableau comparatif présenté par M.Thorin et à l'aide duquel il voudrait faire ressortir en fait que les excès du jeu avant l'intolérance étaient plus grands qu'aujourd'hui. Examinons la question. « Avant la tolérance, ditil, il existait dans Paris cent maisons de jeu clandestines; les sommes jouées s'élevaient annuellement à 650 millions; et les pertes des joueurs à 16 ou 18 millions. Aujourd'hui les sommes jouées ne s'élèvent qu'à 290 millions environ, les pertesà 7 ou 8 millions, et le nombre des maisons de jeu a été réduit à huit ». Où est d'abord la preuve des assertions de M. Thorin? L'auteur d'un excellent ouvrage écrit dans un sens contraire (1) porte la perte annuelle des joueurs

(1) Des Maisons publiques de Jeux, par J. M. B., Paris, 1818, chez Delaunay et Dalibon, libraires, au Palais-Royal.

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