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et plus facile, son ignorance ne sera pas un obstacle aux services qu'il pourrait rendre dans des postes élevés, et il ne verra d'autres limites à ses espérances que celles de son courage et de son mérite personnel..

OUVRAGES NOUVEAUX.

A

· Dans ses ouvrages, comme dans le monde, ce qu'il y a de plus difficile est peut-être de justifier ses titres je ne dois donc pas oublier les devoirs que m'imposent celui de REVUE que j'ai donné à cette correspondance. La multiplicité des objets qui se présentent m'oblige à passer légèrement sur des sujets à l'examen des quels j'aimerais à me livrer. Je supprime donc le paragraphe de ma lettre qui concerne l'ouvrage de M. de Cormenin, sur le Conseil-d'État et je le renvoie à un autre numéro, désirant ne pas différer à vous entretenir des trois volumes qui suffiraient pour mettre la politique à la mode, si cette mode n'était depuis long-temps convertie en usage.

MADAME DE STAEL disait, après le renversement de Napoléon : « J'avais recueilli << des matériaux pour écrire l'histoire de « l'Empereur, ils me serv iront à tracer les

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<< aventures de Bonaparte. » Je ne sais si ce sont ces matériaux qui composent la troisième partie de son ouvrage, publié avec fidélité et sans changement ni commentaire par son fils et son gendre, M. de Staël et M. le duc de Broglie, pair de France. Il ne m'a encore été possible que de le parcourir, mais on y remarque, quant au style, moins de ce néologisme d'idées et de mots dont cette femme célèbre et M. de Châteaubriand auraient perdu en France la littérature, si notre littérature avait pu être perdue. Au reste, un homme célèbre par son esprit avait raison de dire que si l'on jugeait madame de Staël comme femme, les esprits pouvaient être partagés, mais qu'ils se réunissaient dès qu'on la considérait comme un homme. Et peu d'hommes sans doute ont eu une tête aussi bien organisée, sans que cela ait jamais été aux dépens de son cœur. Avant d'en venir à son livre, je vous citerai encore le jugement qu'elle portait de la bataille de Waterloo:

Après le malheur de l'avoir perdue, disait«elle, je ne connais rien de pis que le malheur >> de l'avoir gagnée. »

Les hommes d'un esprit étroit et dont la débile vue prend l'horizon pour le monde, ont affecté de ne voir dans la révolution française qu'une révolte armée contre la puissance sou

veraine. Il n'était pas possible que madame de Staël vit seulement dans ce vaste bouleversement un événement accidentel. En effet, consultez mille personnes sur les causes de cette révolution, autant de questions, autant de réponses différentes; et, chose remarquable, toutes les réponses seront justes; preuves évidentes de la multiplicité réelle de ces causes. Il arrive des époques où s'écroulent les édifices les plus solides; la main des hommes peut en accé. lérer ou retarder la chute, mais non pas l'éviter: heureux quand du sein des décombres, ils peuvent en reconstruire un autre où les avantages de l'ancien reçoivent un nouveau prix des améliorations que le temps a dévoilées.

La seule qualité que l'on cherche en vain dans l'ouvrage de madame de Staël, c'est l'impartialité. A Dieu ne plaise que je veuille mettre sur la même ligne Henri IV et Louis XIV, l'un n'a été qu'un grand roi, tandis que l'autre était un grand homme ; l'un a attiré sur lui la gloire des hommes de son siècle, auxquels il était inférieur ; l'autre grand par lui-même, donna à son âge l'illustration que son petit-fils retira du sien, mais il y a cependant de grandes choses dans le monarque qui sut être, sinon l'égal de ses sujets, au moins plus grand que toute sa cour. Madame de Staël voit tout à travers le prisme de sa

religion; et dans la publication et la révocation de l'édit de Nantes, elle trouve la cause de toutes les différences qu'elle établit entre les deux règnes. Persécutée par l'Empereur, elle n'est guère plus juste avec le général Bonaparte, şur la tête duquel la couronne impériale sembla être la couronne d'épines du genre humain, mais que ses guerres d'Égypte, d'Italie, d'Autriche, de Prusse et de Russie ont placé infiniment au-dessus de tous les guerriers modernes. Le mot suivant est retentissant de vérité. <«< Napoléon est plus coupable pour le bien » qu'il n'a pas fait, que pour le mal dont on » l'accuse.» Mais madame de Staël a-t-elle raison quand elle dit ailleurs que Bonaparte, pon content d'avoir avili le parti républicain en le dénaturant tout entier, voulut encore ôter aux royalistes la dignité qu'ils devaient à leur persévérance et à leur malheur. Il fit occuper la plupart des charges de sa maison par des nobles de l'ancien régime ; il flattait aussi la nouvelle race en la mêlant avec la vieille? Si, comme le dit madame de Staël, tout le parti républicain s'était laissé ávilir, la faute à qui? On n'avilit jamais que ceux qui le veulent bien; l'honneur, quand on est prêt à tout lui sacrifier, est hors de la portée des hommes. Quant aux royalistes, →tandis que les pères traînaient de grands noms

dans les antichambres des Tuileries, les fils renouvelaient leur noblesse au milieu des camps, et il en est qui osèrent refuser les serviles honneurs dont on voulait les enchaîner.

On lit avec plaisir et avec le plus tendre intétérêt l'éloge de l'infortuné Louis XVI, tracé par madame de Staël; enfin, Madame, je me dispense de vous en dire davantage, parce que vous et toute la France lirez sûrement en entier les Considérations sur les principaux événemens de la révolution française, éternel sujet d'études et de méditations.

ÉPHÉMÉRIDES MILITAIRES. Cet ouvrage est en quelque sorte l'antidote de celui de madame de Staël; le luxe de notre gloire efface la misère des temps déplorables où les bourreaux du jour étaient les victimes du lendemain ; et, comme l'a si bien dit, et sans doute pensé, M. de Châteaubriand : « Les guerriers français éten<< daient le voile de leur gloire sur le hideux « spectacle de la terreur; ils enveloppaient les >> plaies de la patrie sous les plis de leurs dra"peaux triomphans, et, jetée dans un des

bassins de la balance, leur vaillante épée ser<< vit de contrepoids à la hache révolutionnaire.»> Je ne connais ni une plus belle phrase, ni une <plus belle pensée.

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