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devrait se présenter chaque jour et chaque heure à l'esprit des dépositaires du pouvoir; peut-être contribuerait-elle à rendre plus légères, dans leurs mains, les rênes qu'un caprice de la fortune leur a confiées, et qu'un autre de ses caprices peut leur enlever.

Je u'ignore point que la loi, dont l'intention. est d'entourer ses ministres du respect et de la considération des hommes, autorise les magistrats à déployer dans l'exercice de leurs fonc tions le luxe imposant de la sévérité; je sais que les accusés doivent se maintenir dans les bornes d'une légitime défense, et les avocats dans les limites d'une convenance respectueuse; mais le droit naturel, antérieur à tous les autres, et non moins sacré, recule ces bornes de manière à laisser à la défense un vaste et indispensable intervalle. Je n'hésiterai donc pas à regarder comme destructives de la liberté, toute interruption qui pourrait avoir pour effet de distraire les jurés de la scrupuleuse attention qu'ils ne, doivent cesser d'apporter, toute entrave, dont l'effet serait d'intimider un prévenu, de diminuer l'éclat de sa justification ou de ou de paralyser les moyens présentés par son défenseur. Je pense que pendant le cours des plaidoiries le respect doit au moins être mutuel, parce que les droits du malheur me paraissent mieux établis Tome II, No. 16.

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que tous les autres. Je considère la société comme mal vengée d'un crime, alors que le coupable n'a pas joui de la faculté d'épuiser toutes les voies utiles à l'intérêt de sa situation, et je tremble sans cesse que la conscience des magistrats ne soit poursuivie par les gémissemens douloureux de la famille qu'ils viennent de frapper dans ses plus chères affections.

Pour en revenir au procès d'Alby, qui a bien fait naître ces réflexions, mais auquel je n'ai point l'intention d'en appliquer toute la rigueur, je crois, avec beaucoup de jurisconsultes éclairés, que M. le procureur du Roi s'est livré aux écarts d'un zèle peu réfléchi en requérant, au milieu des débats, l'arrestation de plusieurs témoins à décharge. Cette sévérité intempestive a pu influer sur les dépositions ultérieures, et a donné un juste prétexte à Bastide de récla mer contre les restrictions apportées à la liberté de sa défense. Les innombrables preuves qui foudroyaient cet accusé rendaient la mesure inutile, et le réquisitoire aurait acquis, dans l'intérêt public, un plus sage degré d'autorité, s'il avait été rendu après la lecture de l'arrêt de condamnation

Madame Manson continue à jouir de sa triste et singulière célébrité. Elle n'a fait que prendre congé du public, avec lequel la pro

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chaine session de la cour d'assises lui fera renouveler une connaissance commencée sous de si bizarres auspices. On lui reproche, avec quelque raison, d'avoir confirmé, dans un entretien qu'elle a eu avec les jurés, la justice de la condamnation. Il semble que les motifs qui ont apporté des restrictions à ses dépositions, en ce qui concerne Jausion, devaient subsister jusqu'à l'arrêt par lequel la cour de cassation doit définitivement statuer sur le sort de cet accusé.

GRANDS THEATRES.

L'abondance des matières m'oblige à remettre aussi les détails sur les grands théâtres; au reste, c'est toujours comme à l'ordinaire, l'Opéra se porte à merveille, la Comédie-Française languit, Feydeau se meurt, et les comédiens du second Théâtre-Français ne se trouvent pas mal de leur séjour sur la rive droite de la Seine.

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Talma et mademoiselle Duchesnois sont en province, mademoiselle Bourgoin est partie incognito pour l'Angleterre, où elle n'aura point cette année Munito pour rival. Madame Cosson aux Français, madame Ponchard à Feydeau, et M. Boucher à Favart, sont les principales acquisitions qui aient été faites. L'Opéra en pour

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rait faire une bien plus avantageuse en se privant de mademoiselle Paulin.

Les comédiens Français ont été d'une discrétion admirable, et ils ont fait tout au monde pour que l'on ne sût pas que la comédie en cinq actes, ayant pour titre Orgueil et Vanité, qu'ils répètent en ce moment, est de M. Souques, auteur du Chevalier de Canolle.

PETITS THÉATRES.

VAUDEVILLE. Une Visite à Bedlam. Cette petite comédie sort de la ligne ordinaire des vaudevilles; c'est un ouvrage charmant, où madame Perrin mérite d'être comparée aux meilleures actrices des autres théâtres : elle seule pourra consoler Feydeau de la retraite de madame Gavaudan. Cette nouveauté est la seule l'on ait donnée depuis long-temps à la rue de Chartres,

que

VARIÉTÉS. Si une seule nouveauté fait vivre le Vaudeville, qui s'en trouve bien, les chutes qui se succèdent aux Variétés, semblent menacer dans ses fondemens l'empire de Brunet. Lepeintre a vu se flétrir ses lauriers, Vernet fait en vain ses farces, le véritable pinson envolé. Les bonnes Fortunes de Village et

est

M. de Gauchenville ont eu le même sort; la: postérité, ou pour mieux dire le néant, a commencé pour ces deux pièces en même temps que leur existence. Les Vélocipèdes ne roulent pas très-bien, mais enfin ils marchent; c'est à près comme la niaise invention germanique qui y a donné lieu.

peu

PORTE SAINT-MARTIN. Potier. Les Originaux au Café. Un écrivain répétait dernièrement avec complaisance : je forme à moi tout seul un parti. Après le succès prodigieux que Potier vient d'obtenir sur les nouvelles planches qu'il décore depuis quelque temps de son talent, et sans affecter trop de déconsidération pour ses nouveaux camarades, il pourrait bien, en les parodiant, s'écrier: je forme un théâtre à moi tout seul. Le rapprochement n'aurait rien de choquant : il est plus d'un point de ressemblance entre la scène politique et celle du théâtre. Sur l'une et sur l'autre, la fortune se plaît à récompenser l'habileté de l'acteur qui sait varier à propos ses rôles; le talent de l'imitation, le clinquant et la souplesse y sont également en crédit. Ici et là on débite des phrases préparées, qu'on n'est pas tenu d'avoir composées, et au sens desquelles il est indifférent que l'on attache de l'importance; des périodes magnifiquement arrondies qui touchent les spectateurs jusou'aux

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