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Le meilleur maître de déclamation qui ait jamais existé, c'est le Fort-l'Evêque; c'était aussi un excellent médecin qui prévenait les maux de gorge, les maux de têtes, et enfin toutes les indispositions d'usage.

Le fonds de la Réconciliation par Ruse est peu de chose, mais les détails en sont remplis d'agrément, et, à quelques expressions près, le style en est en est pur, facile et léger; mais malheureusement c'était la peinture fidèle d'une scène de bonne compagnie. Comment les spectateurs auraient-ils pu apprécier le mérite de la ressemblance, sans connaître le terme de comparaison? Aussi lorsqu'on met en scène des mœurs de café ou de coulisse, des aventures de guinguettes, et des conversations de tabagies, tous nos jeunes gens sont-ils en état de relever jusqu'aux moindres inexactitudes.

Enfin Talma a reparu dans le rôle de Coriolan. Quelques perturbateurs qui étaient venus pour siffler, ont fini par applaudir, tant est entraînante la magie de son talent. Sa tournée avait été une marche triomphale; pourquoi en vouloir aux habitans du Midi d'être très-démonstratifs : l'année dernière M. de Villèle avait été

reçu

à Toulouse comme les habitans de Béziers ont accueilli Talma. Comme dit le refrein d'une chanson: Il n'y a pas de mal à cela.

Il y a quelques jours que l'on avait remis le Warwick de La Harpe, où Lafond a rempli le principal rôle. Quelle attention délicate pour Talma!

Plusieurs ouvrages nouveaux ont commencé leur existence à Feydeau, quelques-uns même l'ont fini; une seule soirée a vu naître et mourir, l'Héritière de M. Théaulon; s'il n'avait que, cela à laisser à ses héritiers, il est très-certain qu'ils feraient sagement de renoncer à la succession.

Le Prince par occasion de M. Delamartellière se soutient par la musique de M. Garcia. C'est un recueil de scènes prises de côté et d'autre dans une foule d'ouvrages connus, et Piron qui avait l'habitude de saluer les vers de sa connaissance, aurait été obligé d'écouter toute la pièce le chapeau à la main. L'ouverture sera long-temps citée comme un chef-d'œuvre de légèreté, les airs en sont agréables, mais on s'aperçoit continuellement, par des redites fatigantes, que le compositeur ne compositeur ne connaissait pas assez la langue sur laquelle il écrivait.

Un dernier ouvrage a obtenu au même théâtre le succès le plus brillant, et cette fois cela ne regarde pas la musique. Le conte de Bocace, intitulé les Oies du Frère Philippe, et imité par La Fontaine, en a fourni le sujet à M. Duport, frère du célèbre danseur.

Les fournisseurs du théâtre de l'Odéon, après avoir mis en vers deux pièces en prose de Molière, voulaient, il y a quelque temps, mettre en prose ses ouvrages en vers; aujourd'hui ils le diminuent et réduisent à trois actes le Dépit amoureux. Espérons qu'avec le temps, après avoir retranché ils, ajouteront: et qui sait s'ils n'en viendront point à corriger les im mortelles œuvres. du premier comique, du premier philosophe, et du premier moraliste de toutes les Nations! Les Diables de la rue d'Enfer ont paru déplacés dans une salle où l'on n'est pas accoutumé à voir des revenans, et le public à sifflé sans doute pour chasser les mauvais esprits, qui n'avaient pas même pu ressembler à l'esprit malin.

M. Picard a donné la Vieillesse de Préville; mais il avait apparemment pris ce personnage dans un âge trop avancé, puisqu'il est mort dans la soirée, pour ainsi dire, entre les bras de l'au

teur. Perroud n'est pas sans talent, mais c'était une mauvaise plaisanterie que de le charger de représenter Préville, et cela dans la salle même où ce grand comique avait enchanté tout Paris. Encore une pièce de M. Lemercier, Quand je dis une pièce, c'est à dire une scène entre Agar et Ismael? Mettre sur le théâtre de l'Odéon des personnages qui ont passé leur vie dans le désert, en vérité cela passe la permission; et entre confrères, on ne devrait pas se permettre de semblables épigrammes. Plaisanterie à part, cet ouvrage sort de la ligne ordinaire, non plus par la bizarrerie. que l'on a sout vent et avec raison reproché à l'auteur d'Agamemnon, mais par la beauté des images, la pureté du style et la brillante éloquence dont les discours des deux interlocuteurs, sont animés; on pourrait cependant désirer qu'il y eût moins de luxe depoësie, et que la simplicité antique répan dît sur cette scène une teinte d'innocence en quelque sorte patriarchale.

On a remis aux théâtre italien le chef-d'œuvre de Mozart, la Nozze di Figaro; et, inspirée par ce génie musical, Mme. Catalani a prouvé aux

détracteurs de son talent, que si la richesse de sa voix suffit pour cacher les vices de la musique médiocre, qu'elle consent trop souvent à chanter, elle possède aussi toutes les qualités nécessaires pour conserver aux ouvrages classiqués leur somptueuse simplicité; je ne conçois rien de plus délicieux que d'entendre chanter à Mme. Catalani l'air dove sono.

Pour rétablir l'équilibre, le chef-d'œuvre de Mozart a été suivi du chef-d'œuvre de M. Puccitta. Pardonnez-moi, Madame, de réunir ces deux noms, on parle quelquefois d'un barbouilleur à propos de Raphaël. La Caccia d'Henrico IV est une rapsodie d'airs chantés en duos, ou en trios, de morceaux d'ensemble dont on a fait des airs, on y entend avec plaisir quelques passages de Cimarosa, de Mozart, de Paër et de Grétry; mais ce qui mérite vraiment de fixer l'attention des dilettanti, ce sont les débuts de Mme. Féron. Figurez-vous une voix extrêmement étendue et douce dans tous les tons. C'est dommage que Mme. Féron soit un peu petite, et surtout qu'elle soit anglaise.

Permettez-moi de passer aujourd'hui sous silence les petits théâtres, j'aurai l'honneur de vous en entretenir dans ma prochaine lettre.

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