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celui qui, ayant acheté du véritable propriétaire, voudrait se libérer, par laps de temps, du paiement du tout ou partie du prix, ou de toute autre charge ou redevance grevant son acquisition;-Considérant que, dans ce dernier cas, on ne peut appliquer que l'art. 2262, qui établit contre les actions, tant réelles que personnelles, une prescription de

trente ans;

D

Considérant, en fait, que, dans l'espèce, le laps de trente ans n'est point écoulé;

En ce qui touche les arrérages, statuant sur les conclusions prises aujourd'hui à la barre; considérant que, suivant l'art. 2277 du cod. civ., tout ce qui est payable par année se prescrit par cinq ans, et que l'action résolutoire ne forme point exception à ce principe; - MET l'appellation et le jugement dont est appel au néant; émendant, décharge l'administration des hospices des condamnations contre elle prononcées;

Statuant au principal, condamne de Courcelles à payer au préfet du département de la Seine, ès noms, et ce dans le délai d'un mois, à compter de ce jour, la somme de 600 liv. tournois, faisant 592 fr. 59 c., pour cinq années d'arrérages antérieures à la demande, et les intérêts de ladite somme à compter du jour de la demande, ainsi que les arrérages échus depuis ladite demande; ordonne que, dans ledit délai, de Courcelles sera tenu de passer devant notaire titre nouvel de la rente dont il s'agit, sinon le présent arrêt en tiendra lieu; et faute par ledit de Courcelles d'exécuter toutes les condamnations ci-dessus, déclare le bail à rente, du 23 novembre 1582, résolu en ce qui concerne le terrain dont il s'agit; autorise le préfet, ès noms, à s'en mettre en possession, aux charges de droit; ordonne la restitution de l'amende; condamne de Courcelles aux dépens des causes civile et d'appel; fait distraction, etc »

Observations. Quel que soit le respect que méritent les décisions d'une cour aussi éclairée, et que nous commanderait d'ailleurs notre position particulière, nous ne pensons pas que la doctrine consacrée par cet arrêt soit à l'abri de toute controverse. Nous croyous pouvoir établir, au contraire, que c'est la prescription de 10 ans, et non celle de 30 ans, qui doit ici servir de règle; que la prescription de 10 ans, applicable aux charges ou droits réels qui grèvent l'immeuble, comme à la propriété du fonds même, ne souffreut aucune exception pour le cas où il s'agit, comme dans l'espèce, d'une condition résolutoire....

Et d'abord nous observerons que l'on doit distinguer, en effet, deux sortes de prescription. La cour de Paris ne s'est

trompée ici que dans l'application qu'elle a faite de cette Edistinction.

S'agit-il d'un possesseur qui n'a pour lui que le fait même de sa possession, c'est-à-dire qui n'a ni titre, ni même bonne foi, la prescription de 30 ans, consacrée par l'art. 2262 du cod. civ. contre toutes actions tant réelles que personnelles, est la seule qu'il puisse invoquer. Tel est le sens des lois qui ont introduit ou confiriné cette prescription. L. 3 et 7, C., de præscript. 3o vel 40 ann.; L. 1, §1, C., de annali except., etc. La Coutume de Paris, art. 115, s'expliquait à cet égard dans des termes qui ne laissent aucun doute : « Si aucun a joui, usé et possédé un héritage ou rente, ou autre chose prescriptible par l'espace de trente ans continuellement, tant par

a

que par ses prédécesseurs, franchement, publiquement et sans aucune inquiétation, supposé qu'il ne fasse apparoir de titre, il a acquis prescription entre âgés et non privilégiés. »

S'agit-il, au contraire, d'un possesseur qui a titre et bonne foi, alors l'on conçoit toute la faveur que mérite une juste possession, une possession animo domini, la possession d'une chose dont on se croit avec fondement propriétaire. Aussi, chez les Romains, qui avaient consacré cette manière d'acquérir, sous le nom de droit d'usucapion, il suffisait d'abord de deux ans de possession. Ce n'est que lorsque Justinien, abolissant la distinction qui jusque là avait été faite entre les choses mancipi et nec mancipi, eût fondu ensemble et l'usucapion, qui ne s'appliquait qu'à la première espèce de choses, et la prescription de 10 ou 20 ans, longi temporis qui ne s'appliquait qu'à la seconde espèce (L. un., C., de usucap. et transform.); ce n'est, disons-nous, que depuis cette époque, que la possession de 10 ou 20 ans a été exigée pour la prescription dont il s'agit. (L. ead.; L. 3, D., de usucap.; L. 24, C., de rei vindicat.; Inst., de usucap.) Cette disposition avait passé dans notre jurisprudence, et elle avait été expressément consacrée par la plupart de nos coutumes. L'art. 113 de celle de Paris portait : « Si aucun a joui ou possédé héritage ou rente à juste titre, tant par lui que par ses successeurs dont il a le droit et cause, franchement et sans inquiétation, par 10 ans ere présents, et 20 ans entre absents, âgés et non privilégiés, il acquiert prescription dudit

héritage ou rente. » La même disposition se retrouve aujourd'hui dans l'art. 2265 du cod. civ. (1)

Or n'est-il pas évident que, dans l'espèce, c'est cette dernière prescription qui doit être prise pour règle (sauf l'examen des cas particuliers qui pourraient motiver une exception, et que nous examinerons plus bas), puisque enfin le tiers acquéreur qui se défend de l'action en résolution a pour lui titre et bonne foi? du moins c'est l'hypothèse dans laquelle nous raisonnons.

Et vainement prétend-on que la prescription de 10 ans ne s'applique qu'au possesseur qui, ayant acquis d'un usurpateur, veut se maintenir contre le véritable propriétaire, et non point au possesseur qui, ayant acquis du véritable propriétaire, veut se libérer par laps de temps d'une charge qui grève l'immeuble. C'est donner à l'art. 2265 un sens qu'il ne comporte pas. En effet, outre que ces termes, le véritable propriétaire', peuvent s'entendre aussi bien de celui qui revendique un droit réel comme de celui qui réclame le fonds même, n'est-il pas évident que, si la prescription de 10 ans me fait acquérir le domaine d'un immeuble lorsque je le tiens de quelqu'un qui n'y avait aucun droit, elle doit me le faire acquérir à plus forte raison lorsque celui dont je le tiens en avait la propriété, mais seulement sous certaines modifications? C'est l'observation que fait Pothier, de la Prescription, no 138, en parlant du vendeur dont la propriété était limitée jusqu'à un certain temps, et vient à être résolue (comme dans l'espèce) pendant la possession de son acquéreur. Remarquez encore que la distinction contre laquelle nous nous élevons est repoussée par les principes de la matière car il est constant que, dans l'application de la prescription de 10 ans, on ne considère que la possession de l'acquéreur, son titre et sa bonne foi. La qualité de celui qui a disposé de la propriété, la cause, la nature et les vices de sa possession ne sont d'aucune considération.

Nul doute, au surplus, que la prescription de 10 ou 20 ans ne s'applique aux charges ou droits réels qui peuvent grever l'immeuble, comme à la propriété même. « La pres

(1) Voy. l'Exposé des motifs du titre de la Prescription.

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eription de 10 ans, dit Pothier, non seulement fait acquérir au possesseur le domaine de propriété de l'héritage; elle le lui fait acquérir aussi franchement et pleinement qu'il a cru de bonne foi l'avoir, et elle éteint, de plein droit, les rentes foncières, hypothèques et autres charges réelles dont l'héritage était grevé, qui n'ont point été déclarées au possesseur par son contrat d'acquisition, et qu'il a ignorées. » Traité de la Prescription, nos 126 et 136.

Et c'est en cela que, par le droit romain, la prescription de 10 ans, longi temporis, avait plus d'efficacité que n'en'avait l'ancien droit d'usucapion: car celui-ci faisait bien acquérir le domaine, mais tel que le possédait l'ancien propriétaire, avec toutes les hypothèques et autres charges dont il était grevé. (L. 44, § 5, D., de usucap.; L. 2, C., si advers. cred. præscrip.; Pothier, ubi sup.)

N'est-il pas sensible, d'ailleurs, comme le remarque Dunod, p, 174, que les acquéreurs avec juste titre et bonne foi, prescrivant le fonds même par 10 ans, doivent à plus forte raison prescrire par le même espace de temps les charges réelles dont le fonds est grevé?

Aussi la prescription dout il s'agit a-t-elle toujours été étendue « à toutes les différentes espèces de droits réels que des tiers peuvent avoir sur l'héritage, qui diminuent la perfection du domaine de l'héritage, que l'acquéreur, à qui ces droits n'ont pas été déclarés par son contrat d'acquisition, croit avoir acquis franc et quitte desdits droits ». (Pothier, ibid., no 136.) Telles étaient anciennement les rentes foncières; telles sont toujours les servitudes, les droits d'usufruit, d'usage et d'habitation. (Coutume de Paris, art. 114; Pothier, ibid., nos 152 et 159; Dunod, p. 174. Voy. M. Delvincourt, tom. 1er, p. 585; M. Duranton, Cours de droit, t. 4, p. 547; M. Proudhon, de l'Usufruit, nos 2125 et suiv.)

En vain objecterait-on qu'on ne peut transférer à autrui plus de droits qu'on en n'a : Nemo plus juris in alium transferre potest quam ipse habet. Cette maxime est sans application dans la matière qui nous occupe. Elle empêcherait le titre de produire aucune espèce d'effet, même relativement à la propriété de la chose. - Notez, d'ailleurs, qu'ici c'est moins le titre qui opère que la possession. (L. 5, D.,'de usucap.; 3, C., de usucap. transf.; Inst., de usucap., § 1). Et en

L.

un.

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effet, n'est-il pas évident que, si la propriété était transmişe par le titre, l'acquéreur n'aurait plus besoin de la prescription pour devenir propriétaire? Ce que cet acquéreur acquiert, c'est done seulement une cause de possession. Il ne peut pas prescrire s'il n'a eu la juste opinion, justa opinio, qu'il avait acquis la propriété de la chose. Tel est le langage des lois. (L. 24, C., de rei vindicat., etc. Voy. Pothier, Pandectæ Justin., lib. 41, tit. 3, sect. 5, art. 3.)

Cela posé, et dès qu'il est constant que la prescription de To ans est applicable, soit que le vendeur fût un usurpateur ou qu'il fût véritablement propriétaire, qu'elle s'applique encore à toutes espèces de droits réels comme à la propriété du fouds lui-même, il devient facile de fixer le véritable état de la question. Existe-t-il une disposition qui soustraie l'action en résolution à la prescription de 10 ans que peut invoquer le tiers acquéreur? Car, dès qu'il s'agit d'une exception, elle doit être formelle, elle doit faire l'objet d'une disposition

expresse.

Nous supposons, comme l'on voit, que l'action en résolution est une charge réelle à l'égard du tiers acquéreur. Cela ne peut faire aucun doute. En effet, cette action n'est la suite d'aucune des obligations auxquelles il s'est soumis par son contrat. Qu'il soit ou non libéré envers son propre vendeur, il n'a pas du moins contracté d'engagement personnel envers le vendeur primitif. S'il est vrai que l'action en résolution soit une charge qui lie tous les possesseurs successifs, c'est parce qu'elle est inhérente à la chose, en quelque main qu'elle se trouve. Mais ni la personne, ni les autres biens de ses successeurs, ne sont obligés, tellement qu'ils ont la faculté de se dégager en abandonnant l'héritage. Leur obligation est donc purement réelle ; c'est la chose qu'ils possèdent, et non leur personne qui est obligée. Non persona debet, sed res.

Or, pour en revenir à la question dans les termes où nous l'avons réduite, nous ne nierons pas tout ce qu'aurait de favorable une exception à la règle de la prescription de 10 ans, faite en faveur de l'action résolutoire. Un immeuble est vendu, et le prix n'en est stipulé payable que dans 12 ou 15 ans; ou bien il est convenu que la vente sera résolue si l'acquéreur meurt saus enfants. (Cod. civ., art. 1584.) Aussitôt après le contrat, l'acquéreur revend l'immeuble, et 10 ans

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