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nonobstant le sentiment de M. Pigeau, et nous n'avons pas connaissance qu'il ait été improuvé par aucun tribunal. » (1)

La même contrariété se remarque dans les monuments de la jurisprudence. Un arrêt de la cour d'appel de Paris, du 12 décembre 1812, décide que les créanciers inscrits sont tous, par la dénonciation du placard, contitués parties dans l'instance de saisie immobilière, et conséquemment dans le jugement d'adjudication qui la termine; que ce jugement doit recevoir son exécution avec eux, en ce qu'il fixe et détermine le prix qui est substitué à leur gage; qu'ils ont dès lors le droit d'en appeler, s'il leur préjudicie; qu'à tous ces titres le jugement doit leur être signifié, et que le privilége de l'adjudicataire, pour les frais de la signification, lui est assuré par l'art. 777 du cod. de proc. ; que cette nécessité de signifier le jugement à tous les créanciers peut sans doute avoir de graves inconvénients, et jeter les parties dans des frais excessifs, lorsque le jugement est volumineux et le nombre des créanciers considérable; mais que, la loi n'ayant point établi d'exception ni de mode particulier à cet égard, il n'appartient point aux juges de faire ce qu'elle n'a pas fait, et de suppléer à ses dispositions (2).

Au contraire, un arrêt de la cour d'appel de Metz, du 22 mars 1817, juge que, dans l'économie des art. 714 et 749 du cod. de proc., le jugement ne doit être signifié par l'adjudicataire qu'à la partie saisie, et nullement aux créanciers; que la notification aux créanciers inscrits serait même sans but, comme sans objet, parce que ce n'est qu'à l'ordre que les véritables créanciers peuvent être connus, et qu'il a été suffisamment pourvu aux droits et à l'intérêt de ces derniers par les dispositions de l'art. 751, puisque le greffier est tenu d'avoir un registre des adjudications, qui leur est constamment ouvert, afin qu'ils puissent en prendre communi

(1) Voy. la Procédure civile de Pigeau, tom. 2, pag. 255; le Cours de procédure de Berriat-Saint-Prix, tom. 2, pag. 611; et les Lois de la procédure de Carré, tom. 3, pag. 2, no 2540.

(2) Voy. ce Journal, nouv. édit., tom. 13, pag. 1051; anc. coll., tom. 1er de 1813, pag. 502.

cation, et qu'ils la prennent même nécessairement lorsqu'ils se présentent à l'ordre.... (1)

C'est au milieu de ce conflit d'opinions et d'autorités contradictoires qu'est intervenu l'arrêt de la cour suprême dont nous allons rendre compte, arrêt très explicite, et qui décide en termes formels que les créanciers inscrits', autres que les poursuivants, ne sont point parties actives dans l'instance de saisie immobilière; que par conséquent il n'est point nécessaire de leur signifier le jugement d'adjudication, et que, si l'acquéreur a fait ces significations inutiles et sans objet, il n'a point droit à une collocation par privilége pour les frais qu'elles ont occasionés. Voici les circonstances qui ont soulevé la question.

En 1822, les biens du sieur de Thérigny sont saisis à la requête d'un sieur Liot, son créancier, et définitivement adjugés à Berthelin et consorts. Les adjudicataires font signifier le jugement d'adjudication non seulement au saisissant et à la partie expropriée, mais encore à tous les créanciers inscrits. Ensuite ils se présentent à l'ordre et demandent à être colloqués par privilége pour les frais que ces significations ont occasionés.

Leur demande est successivement rejetée en première instance et sur l'appel par arrêt de la cour de Rouen, du 8 décembre 1824, - « Attendu qu'il n'y a de parties nécessaires dans une poursuite en expropriation forcée que le saisissant et le saissi, sauf le tiers détenteur, dans le cas où, comme ici, il y a eu, avant la saisie réelle, vente à un tiers de l'immeuble hypothéqué; qu'aucune disposition de la loi n'oblige d'y appeler les créanciers inscrits; que le créancier poursuivant n'est tenu que de leur donner connaissance des poursuites, par la notification du placard prescrit par l'art. 695 du cod. de proc.; qu'ainsi ils ne sont pas et ne peuvent être considérés comme parties actives dans l'instance en expropriation; que ceux d'entre eux qui ont à exercer des droits ou intérêts destructifs de ceux du créancier poursuivant peuvent intervenir, ce qui arrive lorsqu'il y a lieu à la demande en subrogation, et dans tout autre cas de l'exercice

(1) Voy. cet arrêt, nouv. édit., tom. 19, pag. 273; anc. coll., tom. 3 de 1819, pag. 441.

d'un droit personnel; mais que, hors ce cas,

leur intervention ne ferait que compliquer la procédure, la rendre plus aggravante, et alors elle ne serait pas recevable; - Attenda que, les créanciers inscrits non poursuivants et non intervenants n'étant pas parties nécessaires et actives dans l'instance, l'adjudicataire n'est pas tenu de leur signifier le jugement d'adjudication; quc cette signification n'est due qu'au créancier poursuivant, à la partie saisie, au tiers saisi, et aux intervenants, s'il s'en trouve; que les créanciers inscrits sont légalement et suffisamment avertis de l'existence du jugement d'adjudication tant par la solennité et la publicité de ses formes que par la signification de ce jugement au créancier poursuivant, qui représente la masse des créanciers incrits; que ce ne serait que par un monstrueux abus de la forme de procéder en matière d'expropriation, que l'on y appellerait tous les créanciers inscrits; que l'on lèverait des défauts et joints contre les non comparants, et qu'on signifierait à chacun d'eux individuellement tous les jugements d'adjudications partielles qui peuvent consommer une saisie réelle; qu'un pareil système doit être réprouvé, comme tendant à faire dévorer par les officiers ministériels le produit des adjudications, au détrimentdu débiteur et des créanciers >>. Pourvoi en cassation de la part de Berthelin, pour violation des art. 749, 750 et 777 du cod. de proc.

Le demandeur disait, comme la cour royale de Paris, que, par la notification des placards, les créanciers inscrits deviennent parties nécessaires dans la poursuite, puisque la saisie ne peut être rayée que de leur consentement; que, s'ils sont parties, le jugement doit leur être signifié; que cette conséquence emprunțe une nouvelle force de l'art. 749, qui veut que, dans le mois de la signification du jugement d'adjudication, s'il n'est pas attaqué, et, en cas d'appel, dans le mois de la signification de l'arrêt confirmatif, les créanciers soient tenus de se régler entre eux sur la distribution du prix, et de l'art. 750, qui ajoute que, le mois expiré, l'ordre sera ouvert en justice; qu'en effet, il serait bien impossible aux créanciers de s'entendre entre eux et avec la partie saisie, pour une distribution amiable, dans le mois de la signification, si le jugement ne leur était pas signifié.

Du 7 novembre 1826, ARRÊT de la section des requêtes,

M. Botton faisant fonctions de président, M. Pardessus rapporteur, M. Guillemin avocat, par lequel:

« LA COUR, - Sur les conclusions de M. de Vatimesnil, avocatgénéral; Attendu que la procédure des saisies immobilières cst spéciale, et qu'elle a pour base fondamentale et essentielle que les créanciers non poursuivants ne sont point parties dans l'instance en expropriation; qu'ils ne peuvent ni y intervenir, ni interjeter appel des jugements, et qu'ils n'ont d'autre droit que celui de former une demande en subrogation, s'ils prouvent qu'il y ait collusion ou négligence de la part du poursuivant:-Attendu qu'aucune disposition du code de procédure civile ne prescrit ni ne suppose que le jugement d'adjudication doive être signifié aux créanciers; qu'avertis de la poursuite par la signification du placard, prescrite par l'art. 695, ils sont à portée de connaître le jugement d'adjudication tant par sa publicité que par sa signification au poursuivant, qui, comme leur représentant legal, est tenu de leur donner les avertissements nécessaires :- D'où il suit que l'arrêt dénoncé, loin d'avoir violé, les articles invoqués, s'est conformé au texte et à l'esprit de la loi; — Rejette, etc. »

B.

COUR DE CASSATION.

Lorsqu'un arrêté de conseil de préfecture juge qu'un terrain revendiqué par l'adjudicataire d'un bien national a été compris dans l'adjudication de ce bien, et qu'il réserve toutefois au possesseur du terrain la faculté de faire valoir devant les tribunaux les droits résultant de sa possession et de tous actes étrangers à la vente, un tribunal excède-t-il sa compétence, et viole-t-il la chose jugée administrativement, en déclarant l'adjudicataire non recevable dans sa demande, sous prétexte qu'il ne justifie pas de son droit de propriété, et que le défendeur possède le terrain litigieux depuis plusieurs années ? (Rés. aff.)

LE SIEUR MOREL, C. LA COMMUNE DE LERY:

Avant la révolution, il avait été construit sur les ruines d'une église située dans la commune de Lery une petite maison et une grange dont cette commune jouissait, ainsi que de l'ancien cimetière, qui avait été converti en jardin. En 1793, grange fut vendue nationalement au sieur Fré

la

mières et la maison au sieur Dumoutier. Ce dernier céda, en l'an 4, son acquisition à la commune de Lery.

En 1819, le sieur Morel, qui était devenu propriétaire de la grange acquise par le sieur Frémières, fit sommation à la commune de Lery de lui abandonner la possession de l'ancien terrain du cimetière converti en jardin. La commune s'y refusa, soutenant qu'elle en était en possession paisible et sans contradiction depuis 1793, et même plus anciennement encore. Le sieur Morel, avant d'intenter son action devant les tribunaux, crut devoir s'adresser au conseil de préfecture, qui prit, le 3 février 1821, un arrêté par lequel, après avoir dit qu'il lui paraissait que le terrain contentieux avait été compris dans l'adjudication faite en 1793 à l'auteur du sieur Morel, déclara toutefois que la solution de cette question appartenait aux tribunaux.

Le sieur Morel fit alors assigner la commune de Lery devant le tribunal civil de Louviers. Jugement par lequel le tribunal se déclare incompétent, quant à présent.

Le sieur Morel s'adresse de nouveau au conseil de préfecture, qui, par un second arrêté, rendu par défaut le 15 juin 1822, déclare, cette fois, reconnaître que l'ancien cimetière a été compris dans l'adjudication faite au sieur Frémières, dont le sieur Morel exerce les droits.

La commune forme opposition à cet arrêté, et interjette appel du jugement du tribunal de Louviers.

Le 8 octobre 1822, troisième arrêté qui maintient les deux premiers, en déclarant, toutefois, que « cette décision ne préjuge rien sur les actes de jouissance et tous autres actes étrangers à la vente, à l'égard desquels les parties sont toujours libres de se pourvoir devant les tribunaux ».

Le 15 juillet 1823, arrêt par lequel la cour royale de Rouen, saisie de l'appel interjeté par la commune de Lery, réformant le jugement du tribunal de Louviers, se déclare compétente, et, statuant au fond, décide que le sieur Morel est non recevable dans son action, -« Considérant, porte cet arrêt, que la nature de la contestation qui divise les parties est la revendication d'une partie de terrain dont le sieur Morel se prétend propriétaire, comme lui ayant été adjugée par l'administration du district de Louviers en 1793; - Que les habitants de Lery out opposé à sa prétention les jouissance et

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