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dispositions portées aux §§ 3, 4 et 5, sect. 1**, chap. 3, tit. 1, liv. 3, du cod. pén., et de juger si, d'après ce rapprochement et d'après ces dispositions de lois, ces faits constituent le crime de faux en écriture publique, en écriture de commerce ou de banque, ou simplement en écriture privée;

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Attendu, en fait, que, par le résumé de l'acte d'accusation, conforme au dispositif de l'arrêt de renvoi à la cour d'assises, Le Bihan, forçat libéré, était prévenu d'avoir, dans les mois de juillet et septembre 1822, fait fabriquer deux billets à ordre, le premier de la somme de 124 fr., revêtu de la fausse signature de Mlle Le Bihan; le second, de celle de 268 fr., revêtu de la fausse signature de Mariane Le Bihan, et d'avoir fait de ces billets sachant qu'ils étaient faux; usage Que, s'il était résulté du débat (ce que n'indique aucun acte de la procédure) que les billets dont il s'agit, soit à raison de la qualité de la personne qui était supposée les avoir souscrits, ou de toute autre circonstance, fussent des effets de commerce, le président de la cour d'assises devait se borner à soumettre à la délibération du jury les faits matériels et de moralité que lui seul a droit de déclarer, sans l'appeler à prononcer sur le caractère légal des écrits faux, qui ne pouvait être apprécié que par la cour d'assises; -Que cependant le président a posé et remis aux jurés les questions suivantes :

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» Première. « Michel-Désiré Le Bihan est-il coupable d'avoir, au cours » de l'année 1822, fait fabriquer deux billets de commerce à son ordre, le » premier de 124 fr., payable au 5 novembre 1822, au domicile de la » veuve Gaillard, à Blois, et revêtu de la fausse signature Mlle Le Bihan; » le deuxième, de 268 fr., payable au 10 décembre même année, au » même domicile, et revêtu de la fausse signature Marianne Le Bihan, » et, à l'aide des deux faux billets susénoncés, d'avoir commis un faux » en écriture de commerce? »

» Deuxième. « Michel-Désiré Le Bihan est-il coupable d'avoir fait usage » des deux billets énoncés en la question précédente, sachant qu'ils >> étaient faux? »

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Que la première de ces questions, à laquelle se réfère la deuxième, est complexe, et embrasse dans sa généralité, outre la matérialité et la moralité des faits de faux, leur qualification légale ; Que, par des questions ainsi posées, le jury a été rendu juge de l'application des dispostions des art. 147 et 150 du cod. pén., et, contre les règles de la compétence, appelé à prononcer sur une question de droit qui ne pouvait être résolue que par la connaissance de la théorie des lois et l'expérience de leur application; - Que le jury, en déclarant, ainsi qu'il y était conduit par la position des questions, Le Bihan coupable d'avoir

fait fabriquer deux billets de commerce, caractère de criminalité qui ne pouvait être apprécié que d'après les principes du droit, et exclusivement par la cour d'assises, n'a point ajouté que ces billets eussent pour cause des marchandises livrées pour une opération de commerce, ou qu'ils fussent revêtus de la signature d'individus commerçants, circonstances nécessaires pour qu'ils fussent réputés effets de commerce, susceptibles d'entraîner la contrainte par corps, et soumis, en cas de . contestation, à la juridiction commerciale, aux termes des art. 636 et 637 du cod. de comm.; et qu'en supposant même que le jury eût prononcé en fait sur ces circonstances, il n'aurait pu le faire sans excès de pouvoir; qu'ainsi la condamnation aux travaux forcés à perpétuité prononcée contre Le Bihan comme forçat libéré et comme coupable d'un faux en écriture de commerce, d'après une déclaration du jury aussi incompétente, et sans qu'il apparaisse que la cour d'assises, sans s'arrêter à cette déclaration abusive, se soit livrée à l'examen des questions de droit qui ne pouvaient être résolues que par elle, et les ait jugées conformément à l'opinion du jury, n'est appuyée sur aucune base légale; - Par ces motifs, Casse et ANNULLE les questions qui ont été soumises au jury, ensemble les réponses qui y ont été faites, et l'arrêt renda par la cour d'assises du département du Loir-et-Cher, le 17 février dernier. »

COUR DE CASSATION.

Les sociétés et les prorogations de sociétés non commerciales, dont l'objet est d'une valeur de plus de 150 fr., peuventelles étre prouvées par témoins, lorsqu'il y a un commencement de preuve par écrit? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 1834 et 1866. Les tribunaux peuvent-ils ordonner d'office une enquête sur des faits qui leur paraissent concluants, alors méme que la partie qui avait été admise à prouver les mêmes faits s'est reconnue déchue du droit de faire l'enquête, faute de l'avoir commencée dans le délai de huitaine fixé par la loi? (Rés. aff.) Cod. de proc. civ., art. 254 et 293.

PERTIN, C. BUISSAS.

Le 6 juillet 1806, le sieur Pertin jeune prit à ferme pour neuf ans une métairie appartenant à la dame veuve Foulquier. A la fin de l'année 1807, il afferma, pour le même temps, une autre métairie, appartenant au sieur Raynal. Il s'associa le sieur Buissas pour l'exploitation de ces deux fermes.

Le 18 mars 1816, après l'expiration du premier bail, les associés procédèrent à un règlement de compte: il fut arrêté qu'il ne restait plus à exploiter de compte à demi que la seconde des deux métairies, dont le bail devait durer encore

un an.

Le sieur Pertin passa alors un nouveau bail avec la dame 'Foulquier. — L'année suivante, lorsque le bail conserti par le sieur Raynal fut expiré, le sieur Buissas demanda compte au sieur Pertin des fruits des deux métairies, prétendant qu'il avait été verbalement convenu que la société existerait comme précédemment jusqu'à l'expiration de ce bail. Le sieur Pertin nia l'existence de cette convention verbale, et fut assigné par le sieur Buissas devant le tribunal civil de Toulouse. Devant ce tribunal, l'avoué du sieur Pertin offrit de rendre le compte demandé, mais sous la réserve de tous les droits de son client.

Le 20 avril 1818, jugement qui ordonne au sieur Pertin de rendre compte de l'exploitation des deux métairies.

Devant le juge-commissaire, le sieur Pertin prétendit qu'il ne devait compte que pour le bail consenti par le sieur Raynal; qu'à l'égard du nouveau bail de la dame Foulquier, il n'y avait eu ni société ni prorogation de société. Le sieur Buissas demanda à prouver le contraire, tant par titres que par témoins, et il. soutint que la preuve testimoniale était admissible, parce que l'aveu fait à l'audience par l'avoué du sieur Pertin, et le jugement ordonnant le compte des deux métairies, formaient un commencement de preuve par écrit. Le 24 avril 1820, jugement qui autorise la preuve par témoins.

Le sieur Buissas ayant laissé écouler le délai de huitaine fixé par l'art. 257 du cod. de proc. pour commencer l'enquête, il a renoncé à l'utilité du jugement qui lui permettait de la faire; mais il a appelé le sieur Pertin devant le tribunal pour voir statuer sur le fond des contestations, et il a conclu à ce que, vu ce qui résultait des preuves déjà acquises, des faits et des circonstances de la cause, le défendeur fût condamné à rendre compte du produit des deux métairies, et à payer la moitié des bénéfices..

Le tribunal, ne se trouvant pas suffisamment éclairé, a ordonné d'office, par un troisième jugement, du 6 juillet 1821,

que Buissas prouverait tant par actes que par témoins les faits dont il avait précédemment demandé à faire preuve.

Appel de ce jugement de la part du sieur Pertin. Il a soutenu que le tribunal ne pouvait pas ordonner la preuve testimoniale, dans l'espèce, 1o parce qu'aux termes de l'art. 1341 du cod. civ. il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, et que la preuve offerte de la prorogation de la société était contraire à l'arrêté de compte du 18 mars 1816; 2o parce que, d'après les art. 1834 et 1866, les sociétés non commerciales et leurs prorogations ne peuvent être prouvées que par écrit; 3o enfin parce que, le sieur Buissas, étant déchu du droit de faire l'enquête par l'expiration du délai, n'avait pu être relevé de cette déchéance. Le 23 août 1822, arrêt confirmatif de la cour de Toulouse, conçu en ces termes :

« Attendu que la preuve qui a été admise d'office par le tribunal de première instance ne tend point à établir des faits contraires à ceux qui résultent de l'écrit passé entre les parties le 18 mars 1816, mais seulement des faits postérieurs qui peuvent exister indépendamment de cet écrit, ce qui rend inapplicable au cas présent l'art. 1341 du cod. civ.; que, si, en règle générale, les sociétés et les prorogations de sociétés ne peuvent être prouvées que tout autant qu'elles sont rédigées par écrit, aux termes des art. 1834 et 1866, il y a dérogation à cette règle générale toutes les fois qu'il existe un commencement de preuve par écrit ; que non seulement il y a dans l'espèce un commencement de preuve par écrit, mais une preuve écrite résultant de l'aveu contenu dans le jugement du 20 avril 1818, lors duquel l'avoué du sieur Pertin consentit à rendre compte du produit des deux métairies. —`Ce jugement, quoique bien connu dudit Pertin, par la signification qui lui en a été faite, n'a pas été attaqué: il a donc acquis l'autorité de la chose jugée; le tribunal a donc pu, indépendamment des autres preuves et des circonstances, admettre la preuve de l'existence de la société, ou de certains faits qui s'y rattachent, sans violer les art. 1834 et 1866 précités; que l'art. 254 du cod. de proc. permet aux tribunaux d'ordonner la preuve des faits qui leur paraissent concluants, si la loi ne le défend pas; qu'il résulte de ce qui vient d'être que, dans l'espèce, la preuve ordonnée est admissible et

dit

nullement contraire à la loi ; que, si l'art. 293 du même code défend de laisser recommencer une enquête qui a été déclarée hulle par la faute de l'avoué ou de l'huissier, il ne prohibe pas aux tribunaux d'ordonner une preuve portée par un précédent jugement, lorsqu'il n'y a pas eu d'enquête. Dans l'espèce, Buissas avait bien été admis à prouver certains faits, il avait même fait ouvrir le procès verbal d'enquête; mais il n'avait pas fait procéder à l'audition des témoins, et ne les avait pas même fait citer pour comparaître devant M. le jugecommissaire, lorsque son adversaire demanda qu'il fût déchu du droịt de faire l'enquête, et de suite il se désista de l'utilité du jugement interlocutoire : il est donc impossible que la nullité de l'enquête ait été prononcée, puisqu'il n'existait pas d'enquête. Les premiers juges ont donc pu, en usant de la faculté accordée par l'art. 254, ordonner d'office cette même preuve, par les motifs insérés au jugement dont est appel.»

Recours en cassation de la part du sieur Pertin.

Premier moyen. Violation des art. 1834 et 1866 du cod. civ. Le demandeur soutenait que, les sociétés et les prorogations de sociétés non commerciales, dont la valeur excède 150 fr., devant être prouvées par écrit, d'après les articles cités, et la loi n'ayant point introduit d'exception à cette règle pour le cas où il existait un commencement de preuve par écrit, la preuve testimoniale était toujours inadmissible; que les termes prohibitifs de l'art. 1866 venaient à l'appui de cette opinion: Semper est potior lex quæ vetat quam qua permittit. (L. 5, Cod., de legibus.)

Deuxième moyen. Fausse application de l'art. 254 du cod. de proc. civ. et violation de l'art. 293 du même code, qui porte: « L'enquête déclarée nulle par la faute de l'avoué ou par celle de l'huissier ne sera pas recommencée. » Le demandeur prétendait que l'arrêt attaqué avait contrevenu à ce dernier article en ordonnant d'office une enquête dont le sieur Buissas était déchu, faute de l'avoir commencée dans le délai de huitaine fixé par l'art. 257.

Du 12 décembre 1825, ARRÊT de la section civile, M. Desèze président, M. Cassaigne rapporteur, MM. Nicod et Naylies avocats, par lequel:

LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Cahier, avocat général; - Attendu 1° que, suivant les art. 1107 et 1347 du cod, civ.,

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