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SAMEDI 9

DÉCEMBRE 1826.

(N° 1287.)

OEuvres complètes de Bourdaloue, nouvelle édition en 16 volumes in-8° (1).

Le nom et la réputation de çet orateur nous dispensent d'insister long-temps sur le mérite de ses discours, et nous nous bornerons à rappeler quelques faits relatifs au succès de son ministère, et à donner une idée de la présente édition.

Louis Bourdaloue étoit né à Bourges, le 20 août 1632; c'est par erreur que dans l'édition actuelle on a mis 1633; et même dans la vie de Bourdaloue qui suit la préface du Père Bretonneau, la date véritable se trouve rétablie, Bourdaloue entra chez les Jésuites dès l'âge de 15 ans, et se prépara lentement par la méditation et par l'étude au ministère de la parole. Il paroît que ce fut en 1670 qu'il parut pour la première fois dans les chaires de la capitale. Il prêcha cette année-là le carême dans l'église des Jésuites, rue Saint-Antoine, et eut dès-lors un grand succès. L'esprit, le goût et la piété étoient également satisfaits de l'éloquence grave de l'orateur, de la solidité de ses preuves, de la sagesse de ses plans, de la noble simplicité de sa diction, de l'usage heureux qu'il faisoit de l'Ecriture et des Pères. Sa réputation ne fit que s'accroître d'année en année, et elle étoit soutenue par l'exemple d'une vie toute religieuse et sacerdotale. Ce célèbre prédicateur puisoit dans la prière ce qu'il y avoit de plus persuasif dans son talent; il ne descendoit de chaire que pour se livrer aux œuvres de piété et de charité. Les pauvres surtout étoient l'objet de

(1) Prix, 7 fr. le volume. A Paris, chez Méquignon-Havard; et au bureau de ce journal.

Tome L. L'Ami de la Religion et du Roi.

H

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ses soins et de son zèle. Les personnes les plus distinguées par leur rang vouloient l'avoir pour directeur, mais l'humble religieux ne recherchoit point leur confiance. Mme de Maintenon l'eut quelque temps pour confesseur; mais il lui déclara qu'à cause de ses prédications, il ne pourroit plus la voir que tous les six mois. Cette circonstance augmenta l'estime de cette dame pour lui; car, ajoute-t-elle naïvement, la direction de ma conscience n'étoit pas à dédaigner.

Bourdaloue prêcha devant Louis XIV l'avent de 1670, les carêmes de 1672, 1674, 1675, 1680 et 1682, et les avents de 1684, 1686, 1689 et 1693. Il étoit sans exemple que le même orateur eût été appelé si souvent à la cour; mais on ne se lassoit pas d'entendre des discours si solides, si sages, si pleins de choses. Tous les mémoires du temps attestent l'impression générale qu'ils produisoient. Mme de Sévigné n'en parle dans ses lettres qu'avec admiration et enthousiasme. Elle écrivoit le vendredi-saint, 27 mars 1671: J'ai entendu la passion de Mascaron, j'avois grande envie de me jeter dans le Bourdaloue, mais l'impossibilité m'en a ôté le goût; les laquais y étoient dès le mercredi, et la presse étoit à mourir. C'est sans doute une chose presque incroyable que l'on retînt des places dès le mercredi pour un discours qui ne devoit être prononcé que le surlendemain. La même dame dit dans une lettre du 27 février 1679 Bourdaloue tonne à Saint-Jacques de la Boucherie; la presse et les carosses y font une telle confusion, que tout le commerce de ce quartier-là en est interrompu. Il passe toutes les merveilles passées, dit-elle ailleurs, et personne n'a préché jusqu'ici.

En 1686, le célèbre Jésuite fut envoyé à Montpellier, pour travailler à la conversion des protestans. Dans l'intervalle que lui laissoient les stations, il étoit toujours occupé de bonnes ceuvres, et ses travaux ne l'empêchèrent jamais, ni de dire la messe tous les jours,

ni de faire sa retraite annuelle. Dans ses dernières années, il s'efforça d'échapper en quelque sorte à la considération dont il jouissoit, et sollicita de ses supérieurs la permission de se retirer à la Flèche, pour y vivre dans une retraite absolue, et s'y préparer au dernier passage; mais on ne voulut point priver la capitale des talens et de l'influence d'un homme si sage et si respecté, et Bourdaloue se soumit avec simplicité, et continua l'exercice de son zèle. Sa piété n'avoit rien d'austère et de repoussant, et son caractère ouvert et ses manières aimables ajoutoient encore à l'estime qu'il inspiroit. Huet, ancien évêque d'Avranches, qui s'étoit retiré à la maison professe, et qui y voyoit fréquemment le vertueux Jésuite, dit qu'il avoit une candeur qui faisoit lire au fond de son ame, et que personne ne savoit plaire davantage par les grâces de son esprit et par une douce gaîté. Ûne maladie très vive, enleva ce grand prédicateur, le 13 mai 1704; il étoit encore monté en chaire dix jours avant sa mort.

Peu après, le Père Bretonneau, aussi Jésuite et prédicateur, publia les sermons de son illustre confrère; il en donna deux éditions, l'une en 14 vol. in-8°, l'autre en 15 vol. in-12. C'est sur celles-là qu'ont été faites toutes les éditions postérieures. L'éditeur y joignit une préface qui renferme une notice intéressante sur Bourdaloue, et il y a cinq avertissemens de lui, à la tête de divers volumes, car l'édition ne parut pas tout à la fois, et les Exhortations et la Retraite ne furent publiées qu'en 1721. Cette édition est connue sous le nom de Rigaud. A la fin du tome III du Carême, on trouve deux lettres sur Bourdaloue, l'une par le président de Lamoignon, son ami, l'autre, qui est la circulaire écrite par le Père Martineau aux maisons de la société, suivant l'usage de toutes les communautés. Ces deux pièces sont d'honorables témoignages de la vertu, de la piété, de la simplicité et du caractère

aimable du célèbre orateur. Plusieurs années après, Bretonneau donna encore deux volumes de Pensées sur divers sujets de religion et de morale, in-8°, 1734. Les éditions de Bourdaloue faites depuis n'offrent rien de bien remarquable. En 1762, l'abbé de La Porte publia l'Esprit de Bourdaloue tiré de ses sermons et de ses pensées, in-12. En 1810, on mit au jour des Sermons inédits du Père Bourdaloue, imprimés sur un manuscrit authentique, in-8° et in - 12. Cette publication se fit sous le nom de l'abbé Sicard, mais on sait que les sermons avoient été composés par Antoine Serieys, littérateur connu par beaucoup d'autres compilations, et par des ruses et des suppositions de noms du même genre. En 1816, une édition entière de Bourdaloue parut à Versailles, chez Lebel, par les soins de M. Villenave; il y joignit une notice où il traçoit le tableau de l'éloquence de la chaire, à l'époque où parut Bourdaloue. Il y inséra aussi une vie courte, mais intéressante, que Mme de Pringy avoit publiée en 1705, in-4°. Ce morceau, qui étoit assez peu connu, offre quelques nouveaux détails. On voit que l'auteur avoit particulièrement connu le Père Bourdaloue, et on y apprend entr'autres que la sœur du célèbre Jésuite avoit épousé M. de ChamillartVillate, oncle du ministre de ce nom.

La nouvelle édition ne porte aucun avertissement de l'éditeur; en tête est un portrait du Jésuite, il est gravé avec soin; je ne sais s'il est ressemblant, mais il ne donne point à Bourdaloue la physionomie modeste des anciens portraits. La préface du Père Bretonneau, la vie de Mme de Pringy, les lettres du Père Martineau et du président de Lamoignon, précèdent les sermons. On y a joint quelques lettres de Bourdaloue, entr'autres deux lettres à Mme de Maintenon, l'une que M. de Bausset avoit insérée dans la deuxième édition de son Histoire de Fénelon, l'autre qui renferme des conseils de direction. Celle-ci paroît

être la même que M. de C. avoit publiée en 1819, et dont nous avons parlé n° 524, tome XXI. Ces morceaux sont suivis des jugemens de divers auteurs sur les sermons de Bourdaloue.

La distribution de l'édition est d'ailleurs assez conforme aux éditions précédentes. L'Avent forme le premier volume; le Carême, les tomes II, III et IV; la Dominicale, les tomes V, VI et VII; les Mystères, les tomes VIII et IX; les Panegyriques, les tomes X et XI; les Exhortations, les tomes XII et XIII, la Retraite spirituelle, le tome XIV, et deux volumes de Pensées. L'éditeur a conservé avec raison les avertissemens que le Père Bretonneau avoit mis à la tête des différentes parties de la collection. On trouvera dans le dernier volume un projet de cours de sermons pour l'avent et pour l'octave du saint sacrement; ces sermons, quoique imparfaits, sont encore dignes de l'attention des connoisseurs.

Cette édition est exécutée sur le même plan que celle de Massillon, donnée précédemment par M. Méquignon-Havard; le format, la beauté du papier, la netteté du caractère, le soin apporté à l'impression, tout cela recommande l'entreprise, et nos deux plus grands orateurs se trouvent reproduits d'une manière digne d'eux, et agréable en même temps pour l'œil du lecteur.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. ME Bernetti, qui arrive de Russie où il avoit été envoyé comme ambassadeur extraordinaire, à l'occasion du couronnement de l'empereur Nicolas, a été présenté ces jours derniers au Roi, à M. le Dauphin et aux princesses. Quelques journaux, en annonçant cette nouvelle, ont ajouté que ce prélat étoit nommé gouverneur de Rome; le gouver

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