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de ses intentions. Il faut bien convenir que l'ouvrage contenoit beaucoup de choses assez ridicules. L'auteur, entraîné par son imagination ou par son zèle, se laissoit égarer dans le vaste champ des conjectures. On peut voir l'ensemble de son système dans l'analyse que nous avons donnée autrefois de son livre. On lui a beaucoup reproché cette phrase qu'on lit page 111: N'est-ce pas alors (en 1682) que l'on érigea les quatre piliers qui servirent depuis à supporter tous les échafaudages des ennemis de l'Eglise ?

Ce passage, et quelques autres qui furent relevés par la critique, motivêrent contre l'abbé Wurtz une accusation d'ultramontanisme. L'autorité civile intervint, et les grandsvicaires de Lyon crurent devoir, pour conjurer l'orage, retirer les pouvoirs de l'abbé Wurtz. Il quitta la paroisse de Saint-Nizier, et alla passer quelque temps chez un curé de ses amis. Mais son goût et ses inclinations le rappeloient dans une ville où il avoit laissé de nombreux amis et d'ho norables souvenirs. On obtint qu'il reparût à Lyon, et il fut successivement attaché à la paroisse de la Guillotière, et à une communauté de religieuses comme directeur. Enfin, il rentra à Saint-Nizier, il y a environ deux ans, et y reprit ses travaux accoutumés. Son zèle, sa piété, sa charité, procurèrent de nouvelles consolations à son ministère; mais sa tête étoit toujours fortement préoccupée d'un objet; il regardoit les opinions gallicanes comme pouvant avoir les plus fâcheuses conséquences, et il ne put résister à l'envie de publier encore ce qu'il en pensoit. Il fit paroître, cet hiver, sous son nom, une Lettre à M. l'abbé de La Mennais, in-8°. Assurément l'homme célèbre auquel elle étoit adressée auroit été le premier à répudier l'encens qu'on lui offroit de la manière la plus maladroite. L'écrit de l'abbé Wurtz étoit dans le genre déclamatoire, et présentoit beaucoup de divagations et de mauvais goût; il servit de prétexte aux plaintes des ennemis du clergé, et dans un moment où un procès fameux occupoit tous les esprits, on dénonça la Lettre de l'abbé Wurtz comme une preuve des progrès de l'ultramontanisme. Le ministère public eut ordre de la poursuivre; on fit des recherches chez les libraires de Paris et de Lyon soupçonnés de la vendre. L'abbé Wurtz fut interrogé par le juge d'instruction, et le tribunal de police correctionnelle de Lyon rendit, le 18 janvier, un juge

ment qui le renvoyoit de la plainte, et annulloit la saisie faite de sa brochure. Il étoit dit dans le considérant qu'il ne résultoit pas de son écrit qu'il eût attaqué la religion de l'Etat, ni la souveraineté temporelle du Roi, ni aucune des prérogatives de la couronne, ni qu'il eût provoqué à la désobéissance de la déclaration de 1682; mais seulement qu'il auroit manifesté son opinion sur certains points de théologie controversés entre les docteurs. On ajoutoit que si cet écrit renfermoit quelques phrases peu mesurées qui annoncent de l'exagération dans les idées, cette exageration ne peut être attribuée qu'à l'état de maladie dans lequel il est notoire que M. Wurtz languit depuis long-temps, et où il se trouvoit encore lorsqu'il a rédigé son écrit, suivant qu'il l'a déclaré dans son interrogatoire devant M. le juge d'instruction, et non à aucune mauvaise intention de sa part.

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Il paroît que l'abbé Wurtz fut très-affecté de l'éclat de cette affaire; il quitta de nouveau Saint-Nizier, et se retira dans une campagne près de Lyon. C'est là qu'il est mort âgé d'environ 70 ans. Ses amis, et tous ceux qui ont connu ses excellentes qualités, regrettoient unanimement que son zèle ne se fût pas borné à son ministère et aux bonnes oeuvres qui y étoient liées, et qu'il eût entrepris d'écrire, n'ayant ni assez de mesure dans l'esprit, ni assez de facilité à s'exprimer. On encore de l'abbé Wurtz un autre ouvrage intitulé: Superstitions et prestiges des philosophes, ou les Démonolatres du siècle des lumières, par l'auteur des Précurseurs de l'antechrist, Lyon, 1817, in-12. Cet écrit, qu'il ne faut pas confondre avec celui de l'abbé Fiard, la France trompée par les magiciens et démonolatres du 18e siècle (voy. le n° 438), est, dit l'auteur dans son avertissement, la suite de celui qui parut l'année passée sous diverses formes, et qui, dans les deux dernières éditions, est intitulé les Précurseurs de l'antechrist. L'auteur prétend prouver que le démon est l'auteur des phénomènes du magnétisme; il reporte à la même cause les miracles du diacre Paris, les visions de Cagliostro, les ventriloques, les francs-maçons, etc. Tout ce qu'il dit montre beaucoup de préoccupation et bien peu de critique; cependant l'abbé Wurtz discute assez bien le fait des révélations de Martin, dont on parloit tant il y a quelques années; il croit que l'ange prétendu étoit un être imaginaire ou un fourbe.

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SAMEDI 16 DÉCEMBRE 1826.

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Attigny avec ses dépendances, son palais, ses conciles et autres évènemens qui ont contribué à son illustra tion et à sa décadence, par M. l'abbé Hulot (1).

Que de lieux jadis célèbres sont tombés aujourd'hui dans l'obscurité! Attigny, autrefois résidence royale, connu par des ordonnances, par des conciles, et par différens monumens d'histoire, n'est presque plus qu'un modeste village qui n'a conservé de son ancienne splendeur que le titre de chef-lieu de canton. Un ecclésiastique, distingué par ses connoissances et par son esprit de recherches, M. Hulot, curé d'Attigny, le même dont nous avons cité différens écrits (n° 906), a entrepris un travail sur les antiquités de sa paroisse. Il a interrogé tous les monumens du temps, les a étudiés sur les lieux mêmes, et est parvenu à recueillir des renseignemens précieux pour l'histoire. Il proposa à l'autorité civile de publier le résultat de son travail, et le préfet du département des Ardennes, M. Harmand, obtint que son manuscrit seroit imprimé aux frais du département. M. l'abbé Hulot méritoit en effet cette distinction par son zèle et son exactitude, et il seroit digne du gouvernement d'encourager ces recherches historiques qui tombent de plus en plus depuis la suppression des abbayes et des communautés, où le goût pour ce genre de travail s'étoit encore conservé. Le volume que publie M. Hulot est plein de faits intéressans aux yeux de ceux qui aiment les antiquités religieuses et civiles de notre pays; c'est ce qui nous engage à donner une idée sommaire de l'ouvrage.

(1) In-8°. A Attigny et à Reims, chez Delannois.
Tome L. L'Ami de la Religion et du Roi.

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Attigny, situé sur l'Aisne, à trois lieues de Rhétel et six de Reims, fut acquis par Clovis II en 638, en échange de la terre de Fleury-sur-Loire. La tradition est que saint Méen, abbé célèbre en Bretagne, y précha. Le roi Chilpéric y mourut en 727. Pépin, encore simple maire du palais, y tint en 750 une cour plénière, et en 765 une assemblée générale de la nation, qui paroît avoir été un véritable concile; du moins on a les noms de 27 évêques et de 17 abbés qui s'y trouvèrent, et on conjecture qu'il y en eut plusieurs autres avec beaucoup d'officiers et de seigneurs. Le roi Carloman habita Attigny en 769, et Charlemagne vint y passer les fêtes de Noël en 771, et celles de Pâque en 772. C'est là que Witikind et Albion, chefs des Saxons, furent baptisés en 785 ou 786. Sous Louis le Débonnaire, il y eut à Attigny, en 822, un concile ou assemblée générale des Francs, où ce prince se soumit à la pénitence publique ; M. Hulot raconte avec détail ce qui s'y passa. Il dut Ꭹ avoir un autre concile dans le même lieu en 834, mais on n'en a pas retrouvé les actes. Le séjour d'Attigny paroît avoir été agréable à Charles le Chauve, et on trouve beaucoup d'actes de son règne datés de ce séjour. Il s'y tint un nouveau concile en 870, sous Hincmar de Reims, et M. Hulot en donne l'historique d'une manière très-circonstanciée. Charles le Gros et Charles le Simple affectionnèrent aussi Attigny, et ce dernier fonda l'église de Ste-Waubourg, dans le palais même d'Attigny. A ce sujet, l'historien donne quelques notions sur la position et l'étendue du palais, et sur la situation des églises de SteWaubourg et de Notre-Dame d'Attigny. Il remarque ensuite une lacune de plus d'un siècle où il n'est plus fait mention de cette résidence. Depuis, la terre d'Attigny passa aux archevêques de Reims; ce furent eux qui firent rebâtir l'église, et plusieurs chartes et actes sont datés de ce lieu. Pendant les guerres des protestans, Attigny souffrit beaucoup par l'invasion et le séjour

des troupes allemandes; l'église fut profanée, le château détruit, et les habitans s'enfuirent. L'état de la ville s'aggrava encore pendant les troubles de la Fronde, par le passage continuel de troupes. L'hôpital fut supprimé et réuni à celui de Rhétel en 1696.

Après l'histoire d'Attigny, l'auteur donne une notice des seigneurs du lieu, puis une notice des curés dépuis 1571. Celle-ci est assez étendue, et finit par M. Courtier, curé d'Attigny, dépossédé pour refus de serment, et mort à Ath le 14 mars 1794. Quelques prêtres constitutionnels furent envoyés à Attigny, et y eurent peu de succès. A la fin de 1793, l'église fut profanée, et le club s'y établit; double scandale qui fut donné alors dans presque toute la France. Après 'la terreur, des ecclésiastiques non-assermentés vinrent de temps en temps à Attigny comme missionnaires, et en 1803, M. Henri-Louis Hulot, qui rentroit d'Allemagne, fut nommé curé. Il gouverna la paroisse jusqu'en 1819 qu'il fut nommé grand- vicaire de Reims. Il est aujourd'hui chanoine de la métropole, et est remplacé dans la cure d'Attigny par M. J.-V.-B. Hulot. Un ancien vicaire d'Attigny, M. Vincent Abra ham, périt dans le massacre des prêtres aux Carmes, en septembre 1792.

Le volume est terminé par des pièces justificatives relatives à l'histoire d'Attigny; ce sont pour la plupart des chartes et des extraits d'anciens historiens.

L'auteur montre dans cet ouvrage cet esprit de récherches et cette érudition qui éclaircissent les difficul tés. Son travail sera utile pour l'histoire du départe ment des Ardennes; on peut le joindre aux Annales d'Yvois, autre ouvrage dans le même genre, dont nous avons rendu compte n° 815. On est seulement étonné que M. Hulot, avec l'exactitude et le soin qu'il apporte à ses écrits, ait négligé de joindre à celui-ci une table des matières ou au moins un sommaire des chapitres.

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