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les dispenses de mariage qu'il accordoit dans les degrés prohibés, et sous prétexie d'un indult particulier, étoient également nulles. Cette réponse, propagée dans le diocèse, détermina les prêtres qui balançoient encore. Une soixantaine au plus se déclarèrent pour M. Baston, les autres refusèrent de communiquer avec lui, et même de lire ses mandemens, quoique signés des deux autres grands-vicaires, parce qu'on savoit qu'il les composoit seul. On avoit recours pour les acies de juridiction à l'abbé Levavasseur, à qui le Pape avoit accordé des pouvoirs extraordinaires. Le chapitre n'osoit toutefois s'opposer ouvertement aux prétentions de l'abbé Baston, qui, appuyé par le préfet dont il étoit l'ami, s'attribuoit les honneurs de l'épiscopat.

On avoit répandu dans le diocèse des Observations de Muzzarelli sur l'institution canonique des évêques; on en fit parvenir un exemplaire à M. Baston, qui entreprit d'y répondre par un long Mémoire qu'il lut au mois de décembre, dans une réunion d'une vingtaine de prêtres de la ville de Secz. Ce Mémoire fit peu d'effet, et l'on crut y voir l'apologie du schisme; l'auteur citoit des autorités jansénistes, et sembloit menacer les opposans de la colère de l'empereur. L'ordination de Noël approchant, le supérieur du séminaire remit aux deux grands-vicaires la liste des ordinands; mais M. Baston déclara qu'il vouloit signer seul les démissoires. On essaya vainement de le fléchir à cet égard, et il n'y eut pas d'ordination, les jeunes gens ayant mieux aimé ne pas recevoir les ordres que de se servir de ces démissoires. Il refusa de même de réclamer des sujets rappelés des conscriptions antérieures, et que les grands-vicaires pouvoient faire exempter. Instruit qu'il se faisoit secrètement des prières pour la paix de l'Eglise et de l'Etat, il les défendit sous les peines canoniques, par son Mandement du 29 janvier 1814, Il se plaignit aussi d'une société du Sacré Coeur. Dans ses onversations, il parloit fort librement du Pape. Quand le Pape, disoit-il, lui déclareroit à lui-même qu'il annulloit les actes de juridiction des évêques nommés, il n'y auroit aucun égard. L'église de France étoit en droit, selon lui, de pourvoir elle-même à ses besoins; et dans les différends de Buonaparte avec Pie VII, l'évêque nommé laissoit voloatiers croire que le premier avoit raison et que le deuxième étoit un entêté..

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Le séminaire de Seez, fort bien dirigé, étoit un sujet d'édification comme d'espérance pour le diocèse; mais aux yeux de l'abbé Baston, c'étoit un foyer d'opposition, et il résolut de le dissoudre. Le 23 février 1814, il enjoignit au supérieur de congédier tous les ordinands dès le lendemain ; toutes les représentations furent inutiles. Comme un des prétextes de cette mesure étoit qu'il n'y avoit pas de fonds, le supérieur attesta qu'il y avoit encore des provisions pour plusieurs mois, et les jeunes gens demandèrent à rester, dussent-ils manger du pain sec. Le séminaire fut évacué le 24 février, à sept heures du matin. Ce coup d'autorité consterna non-seulement les ordinands, mais tout le diocèse et acheva d'échauffer les esprits contre M. Baston. La restauration, qui suivit de près, ne le trouva pas disposé à y applaudir. Le chapitre tenta deux fois, dans ses séances du 28 avril et du 12 mai, de briser le joug qu'on lui avoit imposé; enfin le 11 juin il révoqua les pouvoirs conférés précédemment à l'abbé Baston. Cette délibération fut prise à la majorité de 5 contre 3, notifiée à l'évêque nommé, et envoyée à tous les curés du diocèse, où elle excita une joie générale. M. Baston partit quelques semaines après, et se retira dans sa famille, à Saint-Laurent, près Pontaudemer. On prétend qu'il avoit compté sur le crédit de M. le chancelier dont il étoit connu et estimé, pour obtenir de retourner à Seez; mais les renseignemens qu'on eut sur son administration, et l'opposition déclarée qu'il avoit excitée dans tout le diocèse, éloignèrent ce projet. L'abbé Baston resta dans une sorte de disgrâce.

C'est à regret que nous avons signalé les torts d'un homme estimable à beaucoup d'égards, mais entraîné dans une fausse route par une mauvaise position. Il composa, à StLaurent, un mémoire justificatif sous le titre d'Exposition de la conduite que M. Baston a tenue à Seez, et de celle qu'on y a tenue à son égard. Il se proposoit de le faire imprimer, mais il renonça ensuite à cette idée. Nous ne pouvons que louer cette réserve, et savoir gré à M. Baston de ce sacrifice. Dans les dispositions où il étoit, il est difficile que son Exposition n'eût pas offert quelque amertume. On s'en convainc surtout davantage quand on lit cette partie de la Notice biographique imprimée à Rouen. Dans cette Notice, c'est le clergé de Seez qui a tout le tort; M. Baston

a montré constamment une rare modération, tandis que ses adversaires étoient une coterie et une secte, étoient dirigés par la haine et l'envie, étoient enfin pleins d'exagération et d'esprit de parti. Il est vrai que l'auteur de la Notice a évité, dans cette portion de son travail, de rappeler aucun fait, et qu'il s'est borné à vanter son héros et à jeter du ridicule sur ses contradicteurs. Le ressentiment dont n'avoit pu se défendre l'abbé Baston perce encore dans une brochure qu'il publia en 1821, sous le titre de Solution d'une question de droit canonique, par un docteur de Sorbonne, in-8°. Il y plaidoit la cause de l'administration capitulaire des évêques nommés en homme intéressé à la chose, se plaignant des papes, de leur entêtement, de l'ultramontanisme, de la jeunesse des séminaires, insinuant assez ouvertement du blame sur la conduite de Pie VII, parlant avec beaucoup de mépris du savant et pieux Muzzarelli. (Voy. ce que nous avons dit de cet écrit dans notre no 731). On est affligé de voir un homme de l'âge et du mérite de M. Baston-descendre à ce ton aigre et amer, si peu en harmonie jusque-là avec son caractère. C'est M. l'abbé Aimé Guillon qui fut éditeur de cette brochure.

La liaison de M. Baston avec ce critique pouvoit étonner, car ils n'avoient pas suivi les mêmes erremens sous Buonaparte; mais un certain esprit d'opposition les réunissoit momentanément. L'abbé Guillon fut encore l'éditeur des Réclamations pour l'église de France et pour la vérité contre l'ouvrage de M. de Maistre (du Pape), ou du moins du premier volume qui parut en 1821, in-8°. Il y joignit une préface fort déplacée, dont nous aimons à croire que l'abbé Baston fut mécontent lui-même. La hauteur, les emportemens et les injures n'étoient pas dans son caractère, et le ton de la préface formoit un contraste choquant avec celui des Réclamations. Nous rendîmes compte de ce volume, nos 755, 767 et 772. Un anonyme (le P. R.) publia contre les Réclamations un écrit annoncé dans notre no 785, et depuis il nous adressa une lettre qui fut insérée no 1050. Le mauvais office rendu à l'abbé Baston par son éditeur fut sans doute cause de l'intervalle qui s'écoula entre la publication du premier volume des Réclamations et celle du deuxième. On croyoit même que l'auteur avoit renoncé à faire paroître cette suite, quand elle parut en 1824, in-8°. Nous en avons parlé n° 1059.

En 1823, M. Baston donna l'Antidote contre les erreurs et la réputation de l'Essai sur l'indifférence en matière de religion, in-8°. La forme de ce livre est fort bizarre; c'est un dialogue entre l'Essai et la critique; celle-ci apostrophe le livre, et lui dit : 0 ouvrage. Le style n'est pas moins singulier que le cadre. Du reste, l'auteur suit pas à pas l'Essai, et fait quelquefois des objections assez pressantes.

Jean Bockelson, ou le Roi de Munster, fragment historique, 1824, in-8°, offre le récit des troubles de Munster au moment de la naissance des anabaptistes. L'auteur le composa d'après un manuscrit qu'il avoit trouvé pendant son séjour en Westphalie, dans la bibliothèque de la prévôté de Varlard, ordre de Prémontré. Ce fragment peut donner une idée des extravagances et des fureurs de l'esprit de secte; il va jusqu'à la mort de Bockelson, en 1536. Nous sommes bien aises d'avoir cette occasion d'annoncer un livre que nous avions reçu depuis assez long-temps, et que nous avions négligé d'annoncer.

Nous avions reçu également du même auteur une Concordance des lois civiles et des lois ecclésiastiques de France, touchant le mariage, 1824, in-12; c'est une suite de consultations sur des cas de conscience relatifs au mariage. L'auteur s'y montre assez favorable aux lois nouvelles; il juge plus convenable que l'officier civil commence, et que le ministre de la religion achève la formation du lien conjugal. Il propose un moyen de remédier aux inconvéniens de l'initiative accordée aux officiers de l'état civil; ce moyen seroit qu'on ne délivrât aux catholiques mariés civilement l'acte de leur mariage, qu'après qu'ils auroient représenté un certificat de leur mariage religieux. Mais ce moyen seroit-il aussi efficace que le supposoit l'auteur? En général, ses réponses aux consultations sont ingénieuses et subtiles, mais il y en a plusieurs qui paroissent hardies et hasardées; il y en a même qui mériteroient d'être discutées sérieusement. C'est là ce qui nous avoit empêché de rendre plus tôt compte de cet ouvrage, qui, curieux sur certains points, semble sur d'autres ne devoir être consulté qu'avec défiance. La rédaction de cette Concordance est d'ailleurs une espèce de tour de force assez étonnant à l'âge où étoit alors l'abbé Baston. Son manuscrit s'étant égaré, il le recomposa sur ses souvenirs; travail qui suppose une facilité bien extraordinaire à plus de 80 ans.

Son dernier écrit est un Précis sur l'usure attribuée aux prêts de commerce, 1825, in-8°, L'auteur raconte qu'il avoit composé, en 1771, un écrit sur le prêt, qu'il l'avoit soumis à plusieurs théologiens, Bergier, Riballier et Legrand, et que ceux-ci, tout en approuvant ses principes, lui avoient conseillé de ne pas mettre son travail au jour; mais ayant revu dernièrement son manuscrit, il s'est décidé à le rendre public. Son sentiment est que les trois contrats et les prêts de commerce sont une seule et même chose, et que les trois contrats ne sont condamnés par aucune autorité qui fasse loi. Il admet d'autres titres du prêt que ceux reconnus par le commun des théologiens. A la fin du volume se trouve l'Opinion véritable de Bergier sur l'usure, mise en regard avec celle qu'on lui prête dans les éditions, de son Diction naire de théologie, faites à Toulouse en 1817 et 1818. Ge Précis est encore un ouvrage que nous avions reçu, et que nous n'avons pu annoncer plus tôt.

On voit que les dernières années de l'abbé Baston furent loin d'être oisives. Son esprit actif avoit besoin de s'exercer, et il se dédommageoit de son inaction forcée par les travaux du cabinet ou par les soins du ministère. Il paroît qu'il s'étoit flatté long-temps de retourner à Seez; et son illusion étoit telle, qu'il regardoit comme une injustice criante que les Bourbons n'eussent pas ratifié le choix que Buonaparte avoit fait de lui. Ses espérances évanouies le jetèrent dans une sorte d'opposition qui perce dans quelques-uns de ses écrits, notamment dans la Solution d'une question de droit canonique, où il parle du persécuteur de l'Eglise avec des égards et une bienveillance fort remarquables. On lui attribue quelques articles du recueil qui a paru sous le titre de la France catholique, entr'autres tome III, page 20.

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Lorsque le Roi eut nommé à tous les sièges, et que l'abbé Baston n'eut plus d'espérance de retourner à Seez, il quitta sa retraite de Saint-Laurent, et vint reprendre son rang parmi les chanoines honoraires de Rouen. M. de Bernis, qui avoit succédé au cardinal Cambacérès sur le siège de Rouen, crut devoir profiter des talens de l'abbé Baston, et le nomma grand-vicaire; mais ce choix ne fut point agréé à la cour, en raison, sans doute, de la couleur et des opinions qu'on lui supposoit. M. de Bernis étant mort au commencement de 1823, l'abbé Baston redevint étranger à l'administration

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