onze heures, on s'est rendu en cortège à Saint-Paul où le service a été lu en latin, suivant le rit anglican, par l'évê que de Landaff. Le docteur Monck, doyen de Peterborough, a prêché en latin, et a lancé beaucoup de traits contre les catholiques. Il a dit que les doctrines de l'Eglise romaine ne s'étoient point améliorées, que les Irlandais étoient toujours excités et dominés par leurs prêtres, et que leurs doléances n'avoient d'autre but que l'accroissement du papisme. Il en a conclu qu'il falloit s'opposer fortement à l'émancipation. Après cette charitable allocution, l'archevêque a donné la bénédiction, et le cortège est retourné dans le même ordre. Cette convocation n'aboutit à aucun résultat positif, mais le clergé anglican est bien aise de constater par là le droit qu'il a de se réunir. Il est remarquable que toutes les circonstances de cette convocation, les prières qu'on y fait, les titres même des membres, rappellent les rits et les usages de l'Eglise catholique, et il est singulier que l'on déclame contre elle dans une réunion où tout devroit rappeler le souvenir de ses institutions les plus anciennes et les plus respectables. NOUVELLES POLITIQUES. PARIS. Quelques journaux s'amusent depuis quelque temps à remplir leurs colonnes de récits de vols, d'attaques nocturnes et autres faits effrayans. Ici, c'est un sieur Lapotère, commis bijoutier, qui a été attaqué par des assassins sur le bord du canal, et qui n'a dû son salut qu'à des prodiges de courage. Cet homme, interrogé par M. le préfet de police, a été obligé de convenir qu'il avoit imaginé cette fable pour se donner du relief. Un médecin, M. Molle, qui avoit prétendu avoir été volé, a avoué depuis qu'il n'en étoit rien. Un maçon, nommé Ménage, avoit arrangé une autre histoire; poursuivi par des brigands, il n'avoit eu, dit-il, d'autre ressource que de se jeter dans la rivière, et il avoit été recueilli par un poste voisin. M. Molle et Ménage seront traduits en police correctionnelle. Un cocher, nommé Honoré Mathurin, a rétracté aussi la nouvelle de son arrestation dans la forêt de Fontainebleau, le 4 du mois. L'administration du pont des Arts a fait démentir le bruit répandu qu'un particulier avoit été arrêté sur ce pont. Quelques journaux avoient transporté à Paris un évènement arrivé au Havre, et avoient parlé d'un vol dans la rue des Drapiers, qui n'existe pas dans la capitale. C'est avec ces contes et autres semblables qu'on essaie d'exciter du mécontentement et des alarmes. Un journal dit assez plaisamment, à ce sujet, que les personnes volées, ou celles qui croiroient l'avoir été, doivent s'adresser, non plus à la police, mais au Constitution nel, qui est chargé désormais de maintenir le bon ordre, et qui reçoit les dénonciations tous les matins. Lisez son no du mercredi 22, et voyez s'il est possible de sonner le tocsin d'une manière plus effrayante; le lendemain, il s'étoit subitement radouci. Cela viendroitil de ce que l'éditeur de ce journal et celui de la Nouveauté ont été cités devant un juge d'instruction, pour fournir des renseignemens sur les vols dont ils ont parlé? - Le Roi a ressenti, ces jours derniers, une légère atteinte de goutte aux pieds et aux genoux; S. M. n'est point sortie. - Le mardi 21, M. le duc de Bordeaux a visité l'hôtel des QuinzeVingts. Le conseil d'administration, qui étoit réuni sous la présidence de M. le cardinal grand-aumônier, a suspendu sa séance pour recevoir le jeune prince, qui étoit accompagné de M. le duc de Rivière. Après la visite, S. A. R. est partie aux acclamations réitérées des babitans de la maison et des autres spectateurs. M. de Lorimier est nommé président du premier arrondissement du collège électoral de la Manche, qui est convoqué pour le 12 décembre. - Le 21 novembre, deux chambres de la cour royale, présidées. par M. Séguier, ont statué sur des appels dans des affaires relatives à la presse. M. Alexis Lagarde étoit prévenu d'outrages à la religion de l'Etat et à ses ministres, pour avoir publié une seconde édition d'une satire en vers, intitulée les Coteries, à laquelle il a joint l'Epitre de Chénier à Voltaire. Il avoit été condamné, en police correctionnelle, à neuf mois de prison et 16 fr. d'amende. Il a fait défaut devant la cour royale. L'imprimeur, Cabuchet, a seul comparu. M. de Broë, avocat-général, a soutenu l'accusation, et fait remarquer que la seconde édition est encore plus répréhensible que la première, l'auteur y ayant ajouté une préface et des notes scandaleuses. La cour a confirmé la sentence des premiers juges. On appelé la cause du sieur Piton, auteur de la Biographie des dames de la cour, condamné, en première instance, à deux mois de prison et 1000 fr. d'amende. L'avocat-général a réclamé le huitclos dans l'intérêt des bonnes mœurs. La cour a déféré à cette réquisition, et a condamné Piton à un an de prison et 500 fr. d'amende, et l'imprimeur Belin à trois mois de prison et 500 fr. d'amende. > La société d'encouragement pour l'industrie nationale a tenu, mercredi 22, une séance pour la distribution des prix; elle étoit présidée par M. le duc de Doudeauville. Des prix ont été adjugés à divers particuliers iuventeurs de procédés plus ou moins utiles. Un journal annonce que dix avocats de Brest ont rédigé et signé une consultation en faveur des jeunes gens détenus à l'occasion des troubles excités au spectacle, pendant la dernière mission. Les auteurs du mémoire disent qu'ils sont fiers d'avoir de tels cliens; il me semble qu'il n'y a pas de quoi être fier, et que ce n'est pas un si grand honneur que de défendre des gens qui ont fait du bruit dans un spectacle. Une ordonnance de la chambre du conseil, à Lyon, a décidé qu'il n'y avoit pas lieu à prévention contre cinq des individus arrê tés pour les troubles au spectacle; en conséquence ils ont été élargis. Quatre autres ont été renvoyés en police correctionnelle. Parmi eux se trouve le sieur Montaudon, éditeur responsable du Précurseur; il a été mis en liberté provisoire sous caution. L'affaire a dû être jugée le 22. Un rapport d'une commission de médecins sur la maladie qui s'est manifestée à Carry, près Marseille, porte que cette fièvre n'est point contagieuse, que le plus grand nombre des malades sont des enfans, et qu'il n'y a eu que très-peu de morts. - Le départ du général Boyer et des officiers français au service d'Egypte est enfin expliqué. Le général ayant vainement sollicité des ministres du pacha la punition d'un officier français qui, à la vérité, n'étoit pas sous ses ordres, a cru que son autorité étoit com promise, et a donné sa démission. Ses compagnons d'armes ont suivi son exemple. Il est inutile de rechercher dans les hautes sources de la politique une émigration qui n'a d'autre cause qu'une légère blessure d'amour propre. Le 14, à midi, le haut-intendant (lord High Steward) a reçu, à Londres, le serment des nouveaux membres du parlement d'Angleterre. A 2 heures, les commissaires ont pris place devant le trône. Le lord chancelier a annoncé aux communes qu'il avoit reçu l'ordre de S. M. de les inviter à nommer un président, et de le présenter le lendemain à la barre des pairs pour y être approuvé de S. M. le roi. La chambre des communes a réélu à l'unanimité M. Charles Manners Sutton comme président de la chambre. - L'ouverture du parlement d'Angleterre a été faite par le roi en personne; il a. annoncé que ses relations avec les autres puissances étoient toujours de la nature la plus amicale, et a donné l'espoir que la diminution éprouvée par le commerce et par l'industrie touchoit à son terme. Il y a quelque temps un journal anglais, le John Bull, annonça que lord Arundell, pair catholique, avoit renvoyé de son service un vieux domestique qui ne vouloit pas se faire catholique. Lord Arundell a attaqué le journaliste en justice, et la publication de l'article étant constante, le propriétaire du John Bull a été condamné à payer au roi une amende de 3750 fr., et à rester en prison jus→ qu'au paiement de la somme. On lit dans un journal qu'à la vente faite dernièrement, à Hambourg, d'une riche collection d'anciennes armures, un bouclier, qui a dû servir à Jeanne d'Arc au siège d'Orléans, a été vendu 2370 fr. : Les journaux ont publié une lettre du gouvernement de la Vieille-Castille, d'après laquelle il paroitroit que le roi Ferdinand n'a pas reconnu le gouvernement constitutionnel de Lisbonne. C'est avec surprise, dit-on dans cette lettre, que le roi a appris la publication d'une reconnoissance qui n'a jamais existé. Le marquis de Chaves a publié un manifeste contre l'ordre de choses actuel en Portugal; ce manifeste, daté du 2 octobre, reconnoit pour roi l'infant don Miguel. Le général Sylveira a publié plus récemment une proclamation du même genre. Les deux seigneurs ont fait, dit-on, prêter à leurs troupes serment au roi don Miguel, et à sa mère comme régente. Au surplus, on ne sait où se trouvent ces troupes, et où a été publié ce manifeste. Les premières séances des cortès de Lisbonne n'offrent rien de bien remarquable. La chambre des pairs, qui est composée de trentesept membres, y compris les évêques, a nommé différentes commissions. Dans celle des députés, M. Borgès-Carneiro, ancien député aux cortès, a proposé d'élever un monument à don Pedro, ce qui a été résolu à l'unanimité. Triomphe de l'Eglise, poème épique en dix chants, par M. Recullé (1). Un poème épique est, en tout pays, une œuvre difficile; mais un poème épique en vers français composé en Angleterre seroit une espèce de prodige. Un Français qui demeure en pays étranger, et qui surtout y demeure depuis longtemps, perd nécessairement quelque chose sous le rapport du goût poétique. Le mélange de deux langues nuit à la perfection et à l'élégance du style, et on contracte, sans s'en apercevoir, quelque chose d'étranger dans la composition comme dans l'accent. C'est, je crois, ce qui est arrivé à M. l'abbé Recullé. Il nous apprend, sur le frontispice de son poème, qu'il est chapelain de Mmes Bland, Kipparx Park, Yorkshire; il faut convenir que ces noms, harmonieux pour nous, ne formeroient pas un préjugé en faveur de l'harmonie des vers de l'auteur. Mais on doit se défier des préjugés; nous avons donc cherché à connoître le mérite intrinsèque du poème, et nous en avons examiné à la fois l'ordonnance et le style. assez peu Le plan est fort singulier; c'est une histoire abrégée de l'Eglise. L'auteur remonte même au commencement du monde, à la chute des anges, à la création de l'homme. Il saute de la vocation d'Abraham à la naissance du Sauveur. La descente du Saint-Esprit, la prédication des apôtres, les vertus des premiers chrétiens, le courage des martyrs, la conversion de Constantin, les conciles, les hérésies, le mahométisme, la révolution, l'auteur parcourt tout cela successivement. Le 10 chant est même consacré à l'avenir et aux derniers évènemens qui doivent accompagner la fin du monde, l'antechrist, la conversion des juifs, le jugement gé (1) In-8°. A Paris, chez Béthune, rue Palatine. néral. Le sujet est donc immense; où est l'unité dans un tel plan? L'auteur y a joint entr'autres la ressource ordinaire des fictions; dans presque tous les chants, Satan et les démons viennent discourir et conspirer contre l'Eglise. Ce moyen, trop prodigué, finit par devenir monotone. ** Quant à l'exécution, tout le poème est en strophes de douze vers; cette marche ajoute à la monotonie. Ces strophes, qui tombent toutes au douzième vers, finissent par devenir fatigantes à la lecture. Je remarque même une singularité, c'est que dans le passage d'un chant à l'autre, l'ordre des rimes n'est point observé; ainsi, quand un chant finit par des rimes masculines, le chant qui suit devroit naturellement commencer par des rimes féminines, et au contraire, l'auteur a constamment affecté d'intervertir l'ordre. Mais tout cela n'est rien en comparaison du style, qui n'offre ni couleur, ni élégance, ni harmonie, ni mouvement, ni rien qui attache et intéresse. L'auteur, je n'ose dire le poète, ne paroît pas avoir la moindre idée de ce qui constitue le style poétique; ses strophes sont de la prose avec la mesure et la rime. La rime n'est même pas toujours bien correcte, comme dans ces vers : Il est vrai que la foi leur impose ce joug, Le ge chant, qui raconte les excès de la révolution, est peut-être le plus curieux de tous par l'absence de tout ce qu'on auroit cru y rencontrer; c'est partout une froideur mortelle et une versification dénuée de grâces et de vie. Admirez comment l'auteur caractérise Carrier: Ce tigre furieux ou cet homme brutal. On ne peut que déplorer l'illusion d'un homme estimable, qui emploie des années entières à un tel travail, et qui ne voit pas que son astre en naissant ne l'a pas formé poète. M. l'abbé Recullé est, nous le croyons, un prêtre vertueux, un missionnaire zélé, il a toutes les qualités; pourquoi se donne-t-il le tort de rimer malgré Minerve? Je crois que c'est lui que Boileau avoit en vue lorsqu'il a dit : Pour lui Phébus est sourd et Pégase est rétif. |