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ont fait, dit-on, prêter à leurs troupes serment au roi don Miguel, et à sa mère comme régente. Au surplus, on ne sait où se trouvent ces troupes, et où a été publié ce manifeste.

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Les premières séances des cortès de Lisbonne n'offrent rien de bien remarquable. La chambre des pairs, qui est composée de trentesept membres, y compris les évêques, a nommé différentes commissions. Dans celle des députés, M. Borgès-Carneiro, ancien député aux cortès, a proposé d'élever un monument à don Pedro, ce qui a été résolu à l'unanimité.

Triomphe de l'Eglise, poeme épique en dix chants, par M. Recullé (1).

Un poème épique est, en tout pays, une œuvre difficile; mais un poème épique en vers français composé en Angleterre seroit une espèce de prodige. Un Français qui demeure en pays étranger, et qui surtout y demeure depuis longtemps, perd nécessairement quelque chose sous le rapport du goût poétique. Le mélange de deux langues nuit à la perfection et à l'élégance du style, et on contracte, sans s'en apercevoir, quelque chose d'étranger dans la composition comme dans l'accent. C'est, je crois, ce qui est arrivé à M. l'abbé Recullé. Il nous apprend, sur le frontispice de son poème, qu'il est chapelain de Mmes Bland, Kipparx Park, Yorkshire; il faut convenir que ces noms, assez peu harmonieux pour nous, ne formeroient pas un préjugé en faveur de l'harmonie des vers de l'auteur. Mais on doit se défier des préjugés; nous avons donc cherché à connoître le mérite intrinsèque du poème, et nous en avons examiné à la fois l'ordonnance et le style.

Le plan est fort singulier; c'est une histoire abrégée de l'Eglise. L'auteur remonte même au commencement du monde, à la chute des anges, à la création de l'homme. Il saute de la vocation d'Abraham à la naissance du Sauveur. La descente du Saint-Esprit, la prédication des apôtres, les vertus des premiers chrétiens, le courage des martyrs, la conversion de Constantin, les conciles, les hérésies, le mahométisme, la révolution, l'auteur parcourt tout cela successivement. Le 10 chant est même consacré à l'avenir et aux derniers évènemens qui doivent accompagner la fin du monde, l'antechrist, la conversion des juifs, le jugement gé

(1) In-8°. A Paris, chez Béthune, rue Palatine.

néral. Le sujet est donc immense; où est l'unité dans un tel plan? L'auteur y a joint entr'autres la ressource ordinaire des fictions; dans. presque tous les chants, Satan et les démons viennent discourir et conspirer contre l'Eglise. Ce moyen, trop prodigué, finit par devenir monotone.

Quant à l'exécution, tout le poème est en strophes de douze vers; cette marche ajoute à la monotonie. Čes strophes, qui tombent toutes au douzième vers, finissent par devenir fatigantes à la lecture. Je remarque même une singularité, c'est que dans le passage d'un chant à l'autre, l'ordre des rimes n'est point observé; ainsi, quand un chant finit par des rimes masculines, le chant qui suit devroit naturellement commencer par des rimes féminines, et au contraire, l'auteur a constamment affecté d'intervertir l'ordre. Mais tout cela n'est rien en comparaison du style, qui n'offre ni couleur, ni élégance, ni harmonie, ni mouvement, ni rien qui attache et intéresse. L'auteur, je n'ose dire le poète, ne paroît pas avoir la moindre idée de ce qui constitue le style poétique; ses strophes sont de la prose avec la mesure et la rime. La rime n'est même pas toujours bien correcte, comme dans ces vers :

Il est vrai que la foi leur impose ce joug,

Mais c'est un joug de paix, le plus léger de tout.

Le ge chant, qui raconte les excès de la révolution, est peut-être le plus curieux de tous par l'absence de tout ce qu'on auroit cru y rencontrer; c'est partout une froideur mortelle et une versification dénuée de grâces et de vie. Admirez comment l'auteur caractérise Carrier:

Ce tigre furieux ou cet homme brutal.

On ne peut que déplorer l'illusion d'un homme estimable, qui emploie des années entières à un tel travail, et qui ne voit pas que son astre en naissant ne l'a pas formé poète. M. l'abbé Recullé est, nous le croyons, un prêtre vertueux, un missionnaire zélé, il a toutes les qualités; pourquoi se donne-t-il le tort de rimer malgré Minerve? Je crois que c'est lui que Boileau avoit en vue lorsqu'il a dit :

Pour lui Phébus est sourd et Pégase est rétif.

MERCREDI 29 NOVEMBRE 1826.

(N° 1284.)

Discours de M. de Trinquelague, prononcé à Montpellier, le 6 novembre dernier.

Quelques journaux ont cité des fragmens de discours prononcés à la dernière rentrée des cours royales. On a rapporté entr'autres un passage d'un discours prononcé par M. Morgan - Béthune, procureur-général, à Amiens. Ce passage renfermoit une tirade contre l'hypocrisie, et le Constitutionnel en a paru fort content. Nous n'avons point lu le discours en entier, et nous ne saurions juger quel en est l'esprit général. Peut-être le morceau détaché du reste présente-t-il une autre couleur que s'il étoit joint à ce qui le précède et à ce qui le suit. Nous nous abstiendrons donc de toute réflexion sur ce passage, sur lequel l'auteur croira peut-être devoir donner quelque explication. On sait que M. Morgan fut destitué sous le ministère de M. de Gazes, pour avoir fait partie d'une société royaliste secrète, et il n'est pas vraisemblable qu'il se soit jeté dans d'autres rangs et qu'il ait arboré d'autres couleurs. Quoi qu'il en soit, un autre discours nous a paru digne d'être mis, au moins par extrait, sous les yeux du lecteur; c'est celui de M. de Trinquelague, premier président de la cour royale de Montpellier. Le nom de ce respectable magistrat est déjà connu de la manière la plus honorable. M. de Trinquelague fut député à la chambre de 1815, et y vota constamment avec les amis de la religion. C'est sur son rapport que le divorce fut aboli. Depuis, il remplit successivement plusieurs fonctions importantes. Aujourd'hui premier président de la cour royale de Montpellier, il y donne l'exemple de cette sagesse qui convient aux interprètes des lois. Ou sera bien aise de voir comment s'explique un si digne magistrat sur des questions et des circonstances qui ont donné lieu à tant de divagations et de déclamations. On l'entendra avec plaisir répondre aux détracteurs du clergé, et signaler la licence de ses ennemis. Le langage de ce respectable vétéran de la magistrature nous offre quelque chose de consolant au milieu des égaremens, des préjugés et des passions. Puisse ce grave

Tome L. L'Ami de la Religion et du Roi.

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et noble langage servir d'exemple et de leçon à ceux qui scroient tentés de suivre une autre route et de céder à de fâcheuses préventions :

« Nous ne pouvons pas nous le dissimuler, les doctrines les plus subversives du bonheur public, celles qui tendent à anéantir la religion et la monarchie, se propagent avec une incroyable audace. Comme elles vont au même but, elles se correspondent dans leur marche; leurs progrès se prêtent un mutuel appui, et leurs trioms phes se confondent. Rappelez-vous que la constitution civile du clergé date de l'époque où fut porté le premier coup à l'autorité royale, et que le trone fut renversé quand, sur l'autel du Saint des saints, fut élevé l'impudique simulacre d'une vaine raison.

On se dirige aujourd'hui par les mêmes voies, et l'impiété vient encore au secours de l'anarchie.

Combien donc il importe de l'arrêter dans ses attaques! combien il est nécessaire de se convaincre toujours davantage de ce que l'Etat doit à la religion!

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» Je ne la considère point ici dans ses rapports particuliers; j'oublie dans ce moment ses consolations, ses promesses, son origine céleste je ne la vois que comme moyen de gouvernement. En est-il de plus puissant? Que sont nos lois auprès des siennes? Les nôtres n'atteignent que les actions, les siennes soumettent à leur empire la volonté, la pensée même. Nous n'avons aucune législation morale. Où sont les peines contre l'ingratitude, l'infidélité, les passions haineuses, et tant d'autres vices, principes funestes de désordres et de malbeurs? Ce n'est que dans les lois religieuses que les vices trouvent, un frein, et les vertus un encouragement.

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Elles seules établissent sur un fondement solide le devoir de bien faire. En vain quelques hommes, dans leurs abstraites et impuissantes theories, ont cherché à lui donner d'autres bases; la religion est restée la morale du genre humain. Elle s'allie à nos intérêts les plus chers. Nous exaltons la liberté : songeons que c'est le christianisme qui porta le coup mortel à l'esclavage. Nous réclamons l'égalité des droits: eh! qu'est-ce qui peut mieux rappeler à cette égalité civile que l'égalité religieuse? Où les hommes sont-ils plus égaux que dans les temples de celui qui les fit tous à son image, et les appelle tous à la même destinée?

» Mais cette égalité même, il faut une autorité qui la maintienne; de qui cette autorité peut-elle emprunter un caractère plus imposant que de la religion, qui lui imprime le sceau de la Divinité?

»Aussi, quel est le législateur qui n'ait pas mis ses lois sous la garde de la religion? Parcourez l'histoire de tous les peuples; partout, depuis l'origine du monde, vous verrez la religion associée aux institutions politiques. Si elle fortifie l'autorité de ceux qui commandent elle sert aussi de garantie à ceux qui obéissent. La religion montre aux rois, qu qui ne connoissent pas de juge sur la terre, une autorité supérieure, à laquelle ils rendront compte de l'usage qu'ils auront fait de la leur, « Il importe, dit Montesquieu, que les princes blanchis

» sent d'écume le scul frein que ceux qui ne craignent pas les lois hu »maines puissent avoir. »

» Ces vérités sont d'une évidence trop sensible pour qu'on se permette de les attaquer de front; mais ce qu'on n'ose pas faire directement, on le tente par des voies détournées. En paroissant respecter la religion, on dirige sur ses ministres les coups qu'on veut lui porter; on verse sur eux sans mesure les soupçons, le mépris, les plus injurieuses accusations. On sait trop bien que, quoique le sacerdoce ne soit pas la religion, leur union est trop intime pour que la dégradation de l'un ne s'étende pas sur l'autre. L'esprit religieux se nourrit des enseignemens, des conseils, des exemples des ministres du culte : mais, sans la confiance, que peuvent leurs efforts? Croira-t-on à leurs enseignemens et à leurs conseils, si l'on soupçonne leur bonne foi? Quelle impression feront sur les cœurs leurs discours et leurs exemples, si l'on peut les supposer inspirés par l'intérêt et l'am bition? Et la fidélité due à Dieu et au Roi aura-t-elle beaucoup de crédit dans la bouche d'un conspirateur?

» Ce système de diffamation et de calomnie rempliroit donc parfaitement les vues des ennemis de la religion et de l'Etat, si la vérité ne sortoit pas de toutes parts pour les confondre.

>>> A les entendre, un esprit d'envahissement s'est emparé du clergé; il marche sourdement à la domination; les droits les plus sacrés du trône sont en péril, il conspire pour le détruire. Et afin de donner quelque couleur à ces chimériques suppositions, on traverse les siècles, on nous montre les souverains pontifes s'élevant au-dessus de tous les pouvoirs, attaquant l'indépendance temporelle des rois, mettant les royaumes en interdit, disposant des couronnes; les peuples, dans leur stupide crédulité, prêtant à ces excès un déplorable appui; et l'on nous menace, sinon du retour, du moins de l'approche de ces temps d'aveuglement et d'erreur.

» Etrange illusion! Comment n'a-t-on pas senti que tout déceloit la mauvaise foi de ces craintes?

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>> Qu'ont de commun, en effet, les temps dont on nous parle avec les temps où nous vivons? L'ignorance, qui traîne toujours la superstition à sa suite, couvroit alors les Etats de ses plus épaisses ténèbres; la poblesse ne savoit que combattre, le peuple ne savoit qu'obéir; le clergé seul avoit conservé le dépôt des lumières, et, à l'influence religieusé, il joignoit celle du pouvoir et des richesses. Faut-il s'étonner si quelquefois il fit servir une aussi grande supériorité à l'agrandir encore? L'abus de nos moyens ne fut-il pas toujours le triste apanage de notre nature?

>> Mais que voyons-nous aujourd'hui de semblable? Portez vos regards sur la société; vous trouverez l'instruction répandue partout; elle a pénétré dans les classes les plus obscures. Tous les droits sont mis en discussion; chacun connoit les siens. Une sage liberté fournit à chacun les moyens de les défendre. La constitution politique ne laisse aux abus, ni l'espoir de se cacher, ni le temps de s'établir; et ces augustes assemblées, où s'unissent, pour veiller au salut de l'Etat, d'une part l'élite des citoyens, et de l'autre cette illustre noblesse, aussi éclairée aujourd'hui qu'elle fut brave dans tous les temps, ne

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