Ce tableau, rédigé par M. de Montmignon, est assez intéressant; seulement l'auteur a commis quelques erreurs relativement au Canada. Il fait honneur au cardinal de Richelieu du mouvement de zèle et de piété qui favorisa les progrès de cette colonie, et y forma des établissemens utiles à la religion. Nous ne voyons pas néanmoins que le cardinal ait pris beaucoup de part à cet élan de quelques ames généreuses. Il mourut au milieu de leurs premiers efforts. Ce ne fut pas lui certainement qui fit ériger l'évêché de Quebec, comme l'abbé Montmignon le prétend; cette érection n'eut lieu qu'en 1670, vingt-huit ans après la mort de Richelieu. Le nouvel éditeur a suivi, pour les missions d'Amérique, le même plan que pour les volumes précédens. Il change la distribution des matières, il ajoute quelques nouvelles pièces, il en retranche d'autres; il tâche de mettre plus d'ordre, de suite et de liaison. Sa table surtout est rédigée avec soin, au lieu que celle de l'abbé Montmignon offroit assez de désordre. Les différentes pièces sont classées suivant les pays, et il y a des articles séparés pour les missions du Canada, pour celles de la Louisiane, pour celles de SaintDomingue, pour celles de la Guiane, du Pérou, du Paraguay, etc. Le tome VIII et dernier est consacré aux missions de l'Inde, qui, dans la première édition, occupoient le tom. IV. L'éditeur annonce qu'il n'a pu suivre pour ce volume le même ordre que dans les précédens; les lettres des missionnaires ne sont plus classées suivant les pays, elles sont simplement dans l'ordre chronologique. Le nouvel éditeur a retranché plusieurs morceaux admis par l'abbé Montmignon, il en a ajouté quelques autres, et particulièrement un Mémoire sur la guerre qui eut lieu dans les Indes de 1736 à 1751. Ce Mémoire, qui est un peu long, a de plus l'inconvénient de n'avoir pas un rapport bien direct avec l'histoire des missions. Cet ouvrage, commencé en 1824, devoit être terminé dans l'espace de quelques mois; la maladie de l'éditeur a retardé la publication des livraisons. Il avoue, d'ailleurs, qu'il n'avoit pas mesuré d'abord toute l'étendue du travail dont il s'étoit chargé, et il espère qu'on lui saura gré de ses efforts pour améliorer la collection... SAMEDI 2 DÉCEMBRE 1826. (No 1285. Heptameron, ou les sept premiers jours de la création du monde et les sept áges de l'Eglise chrétienne; nouveau commentaire littéral et historique des deux premiers chapitres de la Genèse, de l'Apocalypse et d'autres prophéties (1). Si nous n'entendons pas bien l'Apocalypse, ce ne sera pas faute d'interprètes et de commentateurs; voilà, depuis la restauration, six ou huit ouvrages sur ce sujet, le Traité de l'époque de la fin du monde, les Précurseurs de l'antechrist, l'Explication de l'Apocalypse, par M. Bridou, le Triomphe de Jésus-Christ et de son Eglise, la Consommation des siècles prouvée, les Temps prophétisés, etc. Nous avons rendu compte de la plupart de ces ouvrages, et nous avons hasardé quelques objections contre le système des auteurs, ou plutôt contre leurs systèmes, car chacun a le sien; ce que l'un admet, l'autre le rejette; ce que l'un trouve évident, l'autre le juge bizarre ou même ridicule, et ces explications contradictoires sont peut-être la meilleure réfutation qu'on puisse faire des unes et des autres. Le nouvel auteur sera-t-il plus heureux? il le croit sans doute. Il a beaucoup étudié l'Ecriture. sainte, il a comparé les diverses prophéties, il est plein de zèle et de piété; il a médité depuis des années sur ce sujet; ce sont là autant de préjugés favorables, cependant j'avoue qu'il me reste encore quelques doutes, et je prends la liberté de les exposer à M. Lefebvre, qui les accueillera, j'espère, avec bienveillance. J'ai vu avec peine, par une lettre récente de (1) Un gros vol. in-8°, prix, 10 fr. et 12 fr. franc de port. A Paris, chez Roret, rue Hautefeuille; et à la librairie ecclésiastique d'Ad. Le Clere et compagnie, au bureau de ce journal. Tome L. L'Ami de la Religion et du Roi. F lui, qu'il étoit un peu piqué de ce que son livre n'avoit pas été annoncé plus tôt. Il est vrai que l'ouvrage est publié depuis l'année dernière, et nous avoit été envoyé il y a déjà assez long-temps; s'il n'a pas été encore annoncé, ce n'est, de la part du rédacteur, ni malveillance, ni même, je crois, une négligence coupable; c'est tout simplement qu'il n'avoit pas encore eu le temps d'examiner le livre avec soin. Dans un moment où les publications se succèdent avec rapidité, on ne peut, avec la meilleure volonté du monde, répondre exactement au désir des auteurs, chacun croit que son ouvrage est le plus important et le plus utile, et doit être annoncé le premier. Il faut donc suivre un ordre, appeler chacun à son tour, et il vaut mieux au fond retarder les annonces que de les faire à la légère, et sans l'attention et les soins convenables. Après cette explication, qui, j'espère, apaisera un peu M. Lefebvre, je viens à l'Heptaméron. L'auteur déclare dans sa préface qu'il a consulté un grand nombre de commentaires, et qu'il y a pris tout ce qui lui a convenu, On ne trouvera dans son pas livre, dit-il, ces divagations et ces mysticités si fréquentes et si inutiles dans la plupart des commentaires; l'interprétation est rapide, autant que possible, je ne m'attache qu'à ce qui est historique. Il est trèsvrai que l'auteur de l'Heptameron cite et rappelle un grand nombre de faits, mais l'application qu'il fait des prophéties aux évènemens est le plus souvent assez arbitraire; elle ne repose que sur des allusions et des analogies, qui n'existent que dans l'imagination. La comparaison des sept premiers jours de la création et des sept âges de l'Eglise chrétienne n'offre que des rapports fugitifs qu'il est aussi aisé de nier d'aque vancer. J'y vois même avec étonnement un rapport que je ne m'explique pas bien. Lors de la création, dit M. Lefebvre, l'homme est formé, et au temps du concile de Trente le catholique romain fut formé. 1 # Qu'est-ce à dire? Est-ce que le catholique ne fut formé qu'au temps du concile de Trente? Cette expression, qui a échappé à l'auteur, présente un sens assez peu orthodoxe. En général, il y a un peu de confusion dans son livre. L'auteur abuse de sa facilité à faire des rapprochemens; ceux qu'il établit page 58 et suivantes sur les anges, sur l'Eglise, sur le nombre sept, sur les étoiles, etc., sont bien frêles et bien arbitraires. Dans l'arbre de vie il voit le corps épiscopal, un autre y verra autre chose, et assiera son opinion sur des analogies tout aussi futiles. M. Lefebvre, qui est fécond, a trois tableaux différens des sept âges de l'Eglise chrétienne; on se perd dans ces tableaux un peu compliqués, dans ces rapports qui se croisent, dans ces analyses qui prétendent expliquer toutes les énigmes, et qui ellesmêmes auroient besoin d'explication. J'ai cherché à comprendre le grand tableau, page 53, qui offre une double analyse de l'Apocalypse, et j'avoue que j'y ai échoué, et que je n'ai pu saisir le fil qui m'eût guidé dans ce labyrinthe. Le plan symbolique de la cité chrétienne est dans le même goût. Les 1,440,000 dont il est parlé dans l'Apocalypse ne sont plus les enfans de Jacob, soit; c'est l'universalité des catholiques rangés sous un même pasteur. La succession des papes est, dit-on, désignée par les différentes tribus; saint Pierre est le premier pontife de la tribu de Ruben, saint Evariste de la tribu de Gad, saint Sylvestre de la tribu d'Aser, saint Jules de la tribu de Nephtali, saint Damase de la tribu de Manassé, saint Grégoire le Grand de la tribu de Siméon, Léon III de la tribu de Lévi, Grégoire XI de la tribu d'Issachar, Pie IV de la tribu de Zabulon, Pie VII de la tribu de Joseph; et sur quoi se fondent tous ces rapports? Sur des inductions si légères, qu'elles échappent à l'esprit. Le règne de mille ans, qui a donné lieu à tant d'interprétations différentes, n'est pas ce que l'on croyoit; 14 ce n'est point un avènement intermédiaire de J.-C., ce n'est pas non plus toute l'étendue des siècles jusqu'au jour du jugement; les mille ans sont dix siècles très-précis qui se comptent depuis Charlemagne jusqu'à Napoléon. Pendant ce temps, les lois étoient toutes chrétiennes. Or, ce temps commence en l'an 800 jusqu'en 1800, ou mieux encore, dit l'auteur, de 814 à 1814. Remarquez que, dans cette époque si chrétienne, se trouvent comprises précisément les années où l'impiété a le plus dominé parmi nous. Ainsi, 1793 et 1794, où tout culte étoit aboli, se trouvent faire partie d'un règne tout chrétien; ce rapprochement n'estil pas heureux? M. Lefebvre auroit pu se dispenser d'emprunter une idée si bizarre à l'abbé Wurts, qui l'a le premier émise dans ses Précurseurs de l'antechrist. pas Autre interprétation non moins singulière; les deux témoins ne sont plus Enoch et Elie, comme on le croyoit jusqu'ici; ce sont les Jésuites, ayant à leur tête saint Ignace et saint François-Xavier, et marchant à la tête des autres missionnaires. Ce n'est même une simple conjecture. Rien de plus vrai, dit l'auteur, que la mission des deux témoins, c'est-à-dire, des Jésuites comme représentant tous les missionnaires depuis le concile de Trente jusqu'à nos jours; le temps de notre révolution, le rétablissement des missions et des Jésuites, les jours, les mois et l'heure, tout est arrivé à point nommé, et sera calculé et démontré. Voulez-vous connoître cette démonstration victorieuse? la voici. Il est dit que les deux témoins prophétiseront durant 1260 jours; or, comme il y a deux témoins, il faut, par la même analogie, dit naïvement l'auteur, doubler le temps de leur mission, c'est donc 2520 jours. Ces jours sont-ils des jours proprement dits, ou bien des mois, ou bien des années? Il convient à l'auteur que ce soient des mois, et les 2520 mois donneront 210 ans, nombre d'années écoulées depuis la clôture du concile de Trente en 1563 jusqu'à la |