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Te permettre un instant des désirs de vengeance,
Tu jouirois des maux qui pèsent sur la France.
Mais qu'ose supposer ma douleur indiscrète?
Ah! Prince généreux, ta bonté le rejète.
Loin d'appeler sur nous des malheurs mérités,
Tes regards bienfaisans veillent sur nos cités,
Et prêtant aux François un appui salutaire,

Quand tu n'es plus leur Roi, tu te montres leur père.

Ainsi je rendois autrefois un hommage expiatoire à une auguste victime. Il y a plus de vingt ans que cetle pièce est écrite. Jeune encore, frappé du coup dont gémissoient toutes les ames honnêtes et sensibles, j'avois cherché à rendre les sentimens de douleur et d'indignation que faisoit éprouver la catastrophe terrible dont nous venions d'être témoins. J'avois tracé dans le silence ces vers que je n'avois confié qu'à une famille religieuse et loyale. Nous étions alors dans ces temps d'angoisses et de terreur, où toutes les vertus étoient comprimées, où la pitié même n'osoit faire entendre sa voix. Nous nous contentions de pleurer dans le secret de notre retraite les horribles infortunes de ces victimes royales. Nous étions loin de prévoir que quelques années après on dût ériger en fête ce jour affreux, et qu'on voulût rendre toute la France complice du crime de quelques brigands, en obligeant de célébrer, par des chants de joie, l'anniversaire de ce jugement odieux. Mais on s'efforça en vain de concilier les esprits avec cette grande iniquité. La solitude d'une si indigne fête, et l'horreur générale pour cette atroce commémoration, montrèrent assez les sentimens des peuples.

Le temps est venu de célébrer d'une autre manière cette triste époque. Le temps est venu de rendre à la mémoire d'un Prince malheureux le tribut d'hommage et de regrets que sa cendre attendoit depuis vingt ans. Le temps est venu d'expier un crime, qui sera un opprobre éternel pour ses auteurs, et de montrer que ce crime ne fut pas celui de la nation, mais de quelques factieux. Aussi La première pensée du Monarque qui vient de nous être

rendu, a été de remplir un douloureux devoir envers une victime si chère à son cœur. Il a voulu, ce semble, commencer par-là l'exercice de son pouvoir, comme pour appaiser la colère céleste par ce grand acte de religion, comme pour réconcilier, par une expiation solennelle, la nation avec elle-même et avec toute l'Europe, comme pour attirer sur son règne, (car pourquoi ne pas dire ici ma pensée toute entière, et ne pas énoncer ce que tant de personnes croient?) comme pour attirer sur son règne, la protection du digne fils de saint Louis, de celui dont la vie fut pure et la mort sainte et précieuse, de celui qui, en mourant, pardonna à ses ennemis, et qui entendit la religion lui dire par l'organe d'un de ses ministres : Allez, fils de saint Louis, montez au ciel. Ah! le ciel sans doute ratifia ces éloquentes paroles. Le ciel reçut le monarque pacifique, qui n'avoit point fait couler de larmes, qui avoit mieux aimé être précipité du trône que d'y rester au prix du sang de quelques-uns de ses sujets, qui souffrit ses malheurs avec tant de résignation, qui se prépara à la mort avec tant de calme, et qui nous a laissé, dans son testament, un monument si touchant de sa foi, de sa piété, de sa clémence, de son courage, de toutes les vertus chrétiennes. Ah! c'est moins pour lui que pour nous que nous adressons des voeux au ciel. Il est permis de penser qu'il a moins besoin de nos prières que nous n'avons besoin de son pardon. Il le croyoit ainsi du moins ce vertueux ecclesiastique, qui exerça envers Louis un si honorable ministère, et qui ne pouvoit raconter, qu'avec une admiration égale à sa douleur, les détails déchirans de ces derniers momens dont il fut le témoin et le confident. Nous l'avons entendu parler avec émotion des vertus de l'auguste victime, et il sembloit la compter déjà au nombre des ames bienheureuses qui ont reçu le prix de leurs souffrances.

Quoi qu'il en soit, on a dû voir avec plaisir qu'un des premiers soins du Roi ait été de rendre à la mémoire d'un frère un hommage funèbre, qui fut aussi

éclatant qu'il étoit légitime. Il a voulu que la solennité de la réparation fut proportionnée, sinon à la gravité du crime, du moins à notre douleur et à nos regrets. Il a voulu que cette expiation si long-temps différée par nos désastres eût lieu dans la même enceinte qui avoit été trop souvent profanée par le crime, l'impiété et le mensonge, et que les grands corps de l'Etat fussent présens, par leurs députés, à cet acte religieux pour y représenter, en quelque sorte, la nation, et témoigner là combien elle détestoit un attentat horrible aux par yeux de tous les peuples.

Quoiqu'on eût été averti assez tard, cependant les préparatifs de cette lugubre cérémonie ont été faits avec tant de diligence, que tout s'est trouvé prêt pour le samedi 14 mai, le même jour où 20 ans auparavant, Henri IV avoit succombé sous les coups de Ravaillac. La grande nef de l'Eglise Métropolitaine avoit été tendue entièrement de noir, et séparée du reste du vaisseau par des tentures noires. Ainsi c'étoit comme une nouvelle église au milieu d'une plus grande. La voûte même étoit recouverte de noir. Deux rangs de cierges de chaque côté remplaçoient la lumière du jour qu'interceptoient les draperies. L'autel avoit été établi à l'extrémité supérieure de la nef. En avant étoit le catafalque avec tous les attributs de la royauté. Il étoit entouré d'un très-grand nombre de cierges, et avoit aux quatre coins quatre statues représentant les vertus chrétiennes. A droite et à gauche de la nef étoient des tribunes pour les personnes de la cour et autres admises à cette cérémonie.

Le Roi est arrivé à onze heures et demie, et est entré dans l'église par les cours de l'Archevêché. Il s'est rendu ainsi, sans être vu, à la tribune qui lui avoit été préparée à droite. MONSIEUR, M. le duc de Berry et M. le prince de Condé, étoient placés au-dessous et un peu en avant. Madame la duchesse d'Angoulême occupoit une tribune grillée à côté de celle du Roi; elle étoit en grand deuil, presqu'entièrement couverte d'un voile noir. Elle

attiroit tous les regards par le même motif qui les lui faisoit éviter. Chacun auroit voulu voir celle sur qui se réunissoit, en quelque sorte, tout l'intérêt de cette cérémonie, celle qui avoit à pleurer à la fois tant de victimes si chères. Chacun auroit voulu lui porter aussi son tribut de larmes, et lui offrir des consolations qui allégeassent le poids de sa douleur.

M. Cortois de Pressigny, ancien évêque de Saint-Malo, officioit; il étoit assisté par plusieurs membres du chapitre. Dans le sanctuaire étoit un grand nombre de personnes du clergé. Les évêques étoient les mêmes que nous avons nommés dans notre relation de l'entrée du Roi. Après l'évangile, M. l'abbé Legris-Duval est monté en chaire, vis-à-vis la tribune du Roi. Son discours a duré trois petits quarts d'heure. La foiblesse de sa voix et l'immensité du vaisseau ont empêché de l'entendre autant qu'on l'auroit désiré; cependant ceux qui étoient à portée de la chaire s'accordent à dire que, quoique l'auteur eût été prévenu trop tard, il a su néanmoins montrer un grand talent, et tirer parti d'un sujet si imposant. Il a offert un tribut d'hommages à chacune des victimes, objet de la solennité de ce jour; à ce Prince vertueux qui n'a péri que par sa bonté, et qui fut un modèle si touchant de la résignation dans le malheur; à cette Reine auguste qui supporta aussi son sort avec une fermeté digne de son sang; à cet Enfant-Roi, conduit sitôt au tombeau par les meurtriers de sa famille ; à cette Princesse généreuse que n'atteignit jamais la calomnie, et qui partagea le supplice des siens; comme elle avoit voulu partager leur captivité et leurs disgrâces. Nous espérons pouvoir donner à nos lecteurs quelques extraits de ce discours, et nous nous flattons que la modestie de l'auteur cédera en ce point à nos instances et à l'intérêt qu'inspire uu si touchant sujet.

A l'offertoire, MONSIEUR est allé à l'offrande, puis M. le duc de Berry, puis M. le prince de Condé. Ils ont offert un cierge à l'officiant et baisé son anneau,

genoux. Ils ont fait, selon l'ancien usage, toutes les salutations que prescrit le cérémonial, saluant successivement l'autel, le catafalque, les évêques et les assistans. A la fin de la messe, on a fait les absoutes; quatre prélats se sont joints, pour cet effet, à l'officiant; savoir: M. de Bernis, ancien archevêque d'Albi; M. Fallot de Beaumont, évêque de Plaisance; M. Jauffret, évêque de Metz; et M. de Boulogne, évêque de Troyes.

Ainsi s'est terminée cette cérémonie funèbre. Elle avoit attiré un concours nombreux de spectateurs, et néanmoins tout s'est passé dans le silence et le recueillement. Il n'arrive que trop souvent que, dans ces grandes réunions, la sainteté même du lieu soit oubliée par l'indifférence ou Ja curiosité, et que les mystères saints soient troublés par le bruit, l'agitation et des causeries indécentes. Ici, au contraire, on a vu régner l'ordre, le calme et l'attention; il semble que la gravité de l'objet eût inspiré à chacun cette tristesse religieuse et ce maintien recueilli, dont les Princes donnoient d'ailleurs l'exemple. La cérémonie n'a fini qu'à deux heures.

Il a été chanté, le même jour, une messe solennelle, dans presque toutes les paroisses de Paris, pour le même objet, et un Mandement de MM. les grands-vicaires a été publié à cet effet.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

On dit que le souverain Pontife est arrivé à Viterbe, à une journée de chemin de Rome, et qu'il y attend l'arrivée des cardinaux qui se rendent de toutes parts vers cette capitale.

-Trois corps également respectables de prêtres missionnaires existoient en France avant la révolution; les prêtres des Missions étrangères, dont le séminaire étoit rue du Bacq, les prêtres dits de Saint-Lazare, et ceux du Saint-Esprit. Leur destruction fut aussi impolitique

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