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DÉCRET du Sénat, qui défère le Gouvernement Provisoire de la France à Mgr. le Comte d'Artois, sous le titre de Lieutenant Général du Royaume; et Réponse de Son Altesse Royale.-Paris, le 14 Avril, 1814.

(1.)—Décret du Sénat.

LE SÉNAT, délibérant sur la proposition du Gouvernement Provi

soire,

Après avoir entendu le Rapport d'une Commission Spéciale de 7 Membres,

Décrète ce qui suit:

Le Sénat défère le Gouvernement Provisoire de la France à Son Altesse Royale Mgr. le Comte d'Artois, sous le titre de Lieutenant Général du Royaume, en attendant que LOUIS-STANISLAS-XAVIER de France, appelé au Trône des Français, ait accepté la Charte Constitutionnelle.

Le Sénat arrête que le Décret de ce jour, concernant le Gouverne ment Provisoire de la France, sera présenté, ce soir, par le Sénat en corps, à Son Altesse Royale Mgr. le Comte d'Artois.

MESSIEURS,

Les Président et Secrétaires,

LE PRINCE DE BENEVENT.
LE COMTE DE VALENCE.

LE COMTE DE PASTORET.

(2.)-Réponse du Comte d'Artois.

J'ai pris connaissance de l'Acte Constitutionnel qui rappelle au Trône de France le Roi mon auguste Frère. Je n'ai point reçu de lui le pouvoir d'accepter la Constitution; mais je connais ses sentimens et ses principes, et je ne crains pas d'être désavoué, en assurant en son nom qu'il en admettra les bases.

Le Roi, en déclarant qu'il maintiendrait la forme actuelle du Gouvernement, a donc reconnu que la Monarchie devait être pondérée par un Gouvernement Représentatif divisé en 2 Chambres. Ces 2 Chambres sont le Sénat et la Chambre des Députés des Départemens; que l'Impôt sera librement consenti par les Représentans de la Nation; la liberté publique et individuelle assurée; la liberté de la presse respectée, sauf les restrictions nécessaires à l'ordre et à la tranquillité publique; la liberté des cultes garantie; que les propriétés seront inviolables et sacrées; les Ministres responsables, pouvant être accusés et poursuivis par les Représentans de la Nation; que les Juges seront inamovibles; le Pouvoir Judiciaire indépendant, nul ne pouvant être distrait de ses Juges naturels; que la Dette Publique sera garantie; les pensions, grades, honneurs militaires, seront conservés, ainsi que

l'ancienne et la nouvelle Noblesse; la Légion d'Honneur maintenue, le Roi en déterminera la décoration; que tout Français sera admissible aux emplois civils et militaires; qu'aucun Individu ne pourra être inquiété pour ses opinions et votes, et que la vente des biens nationaux sera irrévocable. Voilà, ce me semble, Messieurs, les bases essentielles et nécessaires pour consacrer tous les droits, tracer tous les devoirs, assurer toutes les existences, et garantir notre avenir.

Je vous remercie, au nom du Roi mon Frère, de la part que vous avez eu au retour de notre Souverain légitime, et de ce que vous avez assuré par-là le bonheur de la France, pour lequel le Roi et toute sa Famille sont prêts à sacrifier leur sang. Il ne peut plus y avoir parmi nous qu'un sentiment, il ne faut plus se rappeler le passé; nous ne devous plus former qu'un Peuple de Frères. Pendant le temps que j'aurai entre les mains le pouvoir, temps qui, je l'espère, sera très-court, j'emploierai tous les moyens à travailler au bonheur public.

DÉCLARATION du Roi de France, en réponse au Décret du Sénat, annonçant le rappel de Sa Majesté au Trône.— St. Ouen, le 2 Mai, 1814.

LOUIS, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à tous ceux qui ces Présentes verront, salut.

Rappelés par l'amour de notre Peuple au Trône de nos Pères, éclairés par les malheurs de la Nation que nous sommes destinés à gouverner, notre première pensée est d'invoquer cette confiance mutuelle si nécessaire à notre repos, à son bonheur.

Après avoir lu attentivement le Plan de Constitution proposé par le Sénat dans sa séance du 6 Avril dernier, nous avons reconnu que les bases en étaient bonnes, mais qu'un grand nombre d'Articles portant l'empreinte de la précipitation avec laquelle ils ont été rédigés, ils ne peuvent dans leur forme actuelle devenir Loi fondamentale de l'Etat.

Résolus d'adopter une Constitution libérale, nous voulons qu'elle soit sagement combinée; et ne pouvant en accepter une qu'il est indispensable de rectifier, nous convoquons pour le 10 du mois de Juin de la présente année le Sénat et le Corps Législatif; nous engageant à mettre sous leurs yeux le travail que nous aurous fait avec une Commission choisie dans le sein de ces 2 Corps, et à donner pour base à cette Constitution les garanties suivantes :

Le Gouvernement Représentatif sera maintenu tel qu'il existe aujourd'hui, divisé en 2 Corps, savoir:

Le Sénat, et la Chambre composée des Députés des Départe

mens.

L'Impôt sera librement consenti ;

La liberté publique et individuelle assurée ;

La liberté de la presse respectée, sauf les précautions nécessaires à la tranquillité publique;

La liberté des cultes garantie.

Les propriétés seront inviolables et sacrées; la vente des biens nationaux restera irrévocable.

Les Ministres, responsables, pourront être poursuivis par une des Chambres Législatives, et jugés par l'autre.

Les Juges seront inamovibles, et le Pouvoir Judiciaire indépendant.

La Dette Publique sera garantie; les pensions, grades, honneurs militaires, seront conservés, ainsi que l'ancienne et la nouvelle Noblesse.

La Légion d'Honneur, dont nous déterminerons la décoration, sera maintenue.

Tout Français sera admissible aux emplois civils et militaires. Enfin uul Individu ne pourra être inquiété pour ses opinions et ses

votes.

Fait à Saint-Ouen, le 2 Mai, 1814.

LOUIS.

DISCOURS du Roi et du Chancelier de France, à l'Ouverture des 2 Chambres.-Paris, le 4 Juin, 1814.

MESSIEURS,

(1.)-Discours du Roi.

Lorsque, pour la première fois, je viens dans cette enceinte m'environner des grands Corps de l'Etat, des Représentans d'une Nation qui ne cesse de me prodiguer les plus touchantes marques de son amour, je me félicite d'être devenu le dispensateur des bienfaits que la Divine Providence daigne accorder à mon Peuple.

J'ai fait avec l'Autriche, la Russie, l'Angleterre et la Prusse, une Paix dans laquelle sont compris leurs Alliés, c'est-à-dire, tous les Princes de la Chrétienté. La Guerre était universelle, la réconciliation l'est pareillement.

Le rang que la France a toujours occupé parmi les Nations n'a été transféré à aucune autre, et lui demeure sans partage. Tout ce que les autres Etats acquièrent de sécurité accroît également la sienne, et, par conséquent, ajoute à sa puissance véritable. Ce qu'elle ne conserve pas de ses conquêtes ne doit pas être regardé comme retranché de sa force réelle.

La gloire des Armées Françaises n'a reçu aucune atteinte, les monumens de leur valeur subsistent, et les chefs-d'œuvre des arts nous

appartiennent désormais par des droits plus stables et plus sacrés que ceux de la victoire.

Les routes de commerce, si long-temps fermées, vont être libres. Le marché de la France ne sera plus seul ouvert aux productions de son sol et de son industrie. Celles dont l'habitude lui a fait un besoin, ou qui sont nécessaires aux arts qu'elle exerce, lui seront fournies par les Possessions qu'elle recouvre. Elle ne sera plus réduite à s'en priver ou à ne les obtenir qu'à des conditions ruineuses. Nos manufactures vont refleurir; nos Villes maritimes vont renaître ; et tout nous promet qu'un long calme au dehors, et une félicité durable au dedans, seront les heureux fruits de la Paix.

Un souvenir douloureux vient toutefois troubler ma joie. J'étais né, je me flattais, de rester toute ma vie le plus fidèle Sujet du meilleur des Rois; et j'occupe aujourd'hui sa place! Mais il n'est pas mort tout entier; il revit dans ce testament qu'il destinait à l'instruction de l'auguste et malheureux Enfant auquel je devais succéder! C'est les yeux fixés sur cet immortel ouvrage; c'est pénétré des sentimens qui le dictèrent; c'est guidé par l'expérience, et secondé par plusieurs d'entre vous, que j'ai rédigé la Charte Constitutionnelle dont vous allez entendre la lecture, et qui asseoit sur des bases solides la prospérité de l'Etat.

Mon Chancelier va faire connaître avec plus de détail mes intentions paternelles.

(2.) Discours du Chancelier de France.

MM. LES SÉNATEURS, MM. LES DÉPUTÉS DES DÉPARTEMENS,

Vous venez d'entendre les paroles touchantes et les intentions paternelles de Sa Majesté; c'est à ses Ministres à vous faire les communications importantes qui en sont la suite.

Quel magnifique et touchant spectacle que celui d'un Roi qui, pour s'assurer de nos respects, n'avait besoin que de ses vertus; qui déploie l'appareil imposant de la Royauté pour apporter à son Peuple, épuisé par 25 ans de malheurs, le bienfait si désiré d'une Paix honorable, et celui non moins précieux d'une Ordonnance de Réformation, par laquelle il éteint tous les partis, comme il maintient tous les droits!

Il s'est écoulé bien des années depuis que la Providence Divine appela notre Monarque au Trône de ses Pères. A l'époque de son avènement, la France, égarée par de fausses théories, divisée par l'esprit d'intrigue, aveuglée par de vaines apparences de l'liberté, était devenue la proie de toutes les factions, comme le théâtre de tous les excès, et se trouvait livrée aux plus horribles convulsions de l'anarchie. Elle a successivement essayé de tous les Gouvernemens, jusqu'à ce que le poids des maux qui l'accablaient l'aient enfin ramenée au

Gouvernement paternel qui, pendant 14 siècles, avait fait sa gloire et son bonheur.

Le souffle de Dieu a renversé ce colosse formidable de puissance qui pesait sur l'Europe entière; mais sous les débris d'un édifice gigantesque, encore plus promptement détruit qu'élevé, la France a retrouvé du moins les fondemens inébranlables de son antique Monarchie.

C'est sur cette base sacrée qu'il faut élever aujourd'hui un édifice durable que le temps et la main des hommes ne puissent plus détruire. C'est le Roi qui en devient plus que jamais la pierre fondamentale; c'est autour de lui que tous les Français doivent se rallier. Et quel Roi mérita jamais mieux leur obéissance et leur fidélité! Rappelé dans ses Etats par les vœux unanimes de ses Peuples, il les a conquis sans Armée, les a soumis par amour; il a réuni tous les esprits en gagnant tous les cœurs.

En pleine possession de ses droits héréditaires sur ce beau Royaume, il ne veut exercer l'autorité qu'il tient de Dieu et de ses Pères, qu'en posant lui-même les bornes de son pouvoir.

Loin de lui l'idée que la Souveraineté doive être dégagée des contrepoids salutaires qui, sous des dénominations différentes, ont constamment existé dans notre Constitution. Il y substitue lui-même un établissement de pouvoir tellement combiné, qu'il offre autant de garanties pour la Nation que de sauve-gardes pour la Royauté.

Il ne veut être que le Chef Suprême de la grande Famille dont il est le Père. C'est lui-même qui vient donner aux Français une Charte Constitutionnelle appropriée à leurs désirs comme à leurs besoins et à la situation respective des hommes et des choses.

L'enthousiasme touchant avec lequel le Roi a été reçu dans ses Etats, l'empressement spontané de tous les Corps Civils et Militaires, ont convaincu Sa Majesté de cette vérité si douce pour son cœur, que la France était Monarchique par sentiment, et regardait le pouvoir de la Couronne comme un pouvoir tutélaire nécessaire à son bonheur.

Sa Majesté ne craiut donc pas qu'il puisse rester aucun genre de défiance entre elle et son Peuple; inséparablement unis par les liens du tendre amour, une confiance mutuelle doit cimenter tous leurs engagemens.

Il faut à la France un pouvoir Royal protecteur sans pouvoir devenir oppressif; il faut au Roi des Sujets aimans et fidèles, toujours libres et égaux devant la Loi. L'Autorité doit avoir assez de force pour déjouer tous les Partis, comprimer toutes les factions, en imposer à tous les Ennemis qui menaceraient son repos et son bonheur.

La Nation peut en même temps désirer une garantie contre tous les genres d'abus dont elle vient d'éprouver les excès.

La situation momentanée du Royaume, après tant d'années d'orages, exige enfin quelques précautions, peut-être même quelques

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