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MERCREDI 16 JUILLET 1828.

(N° 1454.)

Mélanges de religion, de critique et de littérature, par M. de Boulogne, évêque de Troyes (1).

Le second volume de ces Mélanges, le seul dont nous nous occupions encore en ce moment, renferme comme nous l'avons vu, deux sortes d'articles, les uns sur des écrits philosophiques, sur les manoeuvres de l'impiété et sur des évènemens et des personnages considérés sous ce point de vue; les autres sur les troubles de l'Eglise à cette époque, sur la captivité de Pie VI, sur l'élection de Pie VII, sur son retour à Rome, sur les menées des constitutionnels en France, sur les écrits de leurs évêques, sur quelques actes du gouvernement de ce temps-là, sur le rétablissement de quelques congrégations, sur les efforts d'un parti pour s'insinuer en Espagne, etc. Cette seconde série d'articles a donc un rapport plus direct avec l'histoire de l'Eglise il y a 30 ans ; on y voit ses traverses, ses divisions, ses sujets de gémissement et de deuil; on y apprend surtout à connoître le parti que M. de Boulogne combattoit depuis quelques années, et qu'il avoit tant contribué à démasquer et à couvrir d'ignominie. Il continue à se moquer des constitutionnels, de leurs pastorales, de leurs conciles et de tous leurs efforts pour perpétuer le schisme dans le moment même où ils faisoient les plus belles protestations d'amour.

(1) Les OEuvres complètes de M. de Boulogne forment 8 gros vol. in-8°, sur papier fin, prix, 48 fr., et sont divisées en 3 classes, qui se vendent chacune séparément, savoir:

Les Sermons et Discours, 4 vol. in-8°, 24 fr. Instructions pastorales, vol. in-8°, 6 fr. in-8°, 18 fr.

Les Mandemens et Les Mélanges, 3 vol.

A Paris, à la librairie ecclésiastique d'Adr. Le Clere et compagnie, au bureau de ce journal.

Tome LVI. L'Ami de ia Religion et du Roi.

T

pour la paix et d'attachement à l'unité. Il immole et Grégoire, et Moyse, et Royer, et Wandelaincourt, et les autres prélats de la même farine qui se décoroient du titre imposant d'église de France, alors qu'ils la troubloient et la déchiroient à l'envi par leurs écrits et par leurs intrigues.

Nous citerons çà et là quelques fragmens de ces articles empreints de ce cachet vif, vigoureux et brillant qui étoit familier à M. de Boulogne. Ainsi, dans un morceau sur la captivité de Pie VI, voyez comme il flétrit le philosophe haineux, le directeur barbare, le chef de secte auquel on attribue la principale part dans la persécution contre le pontife. On ne pouvoit peindre avec plus d'énergie et le courage du Pape captif et la perfidie du magistrat persécuteur, de l'ignoble et opiniâtre Laréveillère-Lépaux :

<< Combien la Providence est admirable! Il s'étoit vanté, dans sa réponse à ses dénonciateurs, d'avoir détruit le trône du catholicisme; et voilà qu'au moment même où le pontife détrôné expire, la croix est replacée au Capitole, et de là appelle encore son successeur pour venir occuper le tròne du catholicisme. Il vouloit inspirer aux peuples le mépris de la religion, et on a vu les peuples accourir autour de son chef, et se presser avec respect sur son passage, pour recevoir de sa main défaillante et sacrée la bénédiction paternelle. Il vouloit désespérer les prêtres, et il leur a donné le plus grand exemple de consolation qu'ils pussent recevoir sur la terre. Tous les prêtres vivant d'aumônes ont vu Pic VI réduit, comme eux, à vivre d'aumônes; tous les vieillards en réclusion ont eu les yeux fixés sur ce pontife impotent et plus qu'octogénaire, en réclusion comme eux; tous ces milliers de prêtres déportés ont appris à être patiens et résignés, à pardonner à leurs persécuteurs, comme Pie VI déporté, et le bruit de ses chaînes a retenti jusqu'au fond des déserts de Sinamary. Brillant de ses seules vertus, il a montré que le pauvre pécheur n'a pas besoin d'un trône pour être vénérable. Plus grand à l'hôpital de Briançon que sous le dais au Vatican, plus auguste sur sa charrette, à travers les monts escarpés du Dauphiné, que quand, porté sur sa brillante haquenée, il traversoit en roi les rues de sa capitale, il a prouvé qu'il n'étoit pas au pouvoir des hommes d'avilir ce qui est saint, et d'abaisser ce qui est véritablement grand; et en dépit des mains impies qui ont confisqué sa tiare, il est mort ceint encore de la triple couronne de l'honneur, du courage et de la vertu. »

Ailleurs, il examine une déclaration des évêques

réunis pour inviter à la paix religieuse; il dissèque cet écrit plein de hauteur, de fiel et de calomnie; il admire ces gens qui parlent de leur charité, tout en accablant leurs adversaires de reproches et d'injures :

« Viennent enfin les conditions du plan de pacification, et il est difficile de se montrer plus généreux et plus conciliant. Commencez, disent-ils, par faire une déclaration franche et solennelle qui nous garantisse la pureté de votre foi : c'est-à-dire, commencez par nous reconnoitre; commencez par déclarer que notre foi est pure, que les évêques de circonstances sont aussi vénérables que les évêques par principes; que nous avons bien fait de chasser les pasteurs existans, ou de prendre leur place au nom de la philosophie; qu'en nous réside l'antique église gallicane; que ses vraies libertés ne sont nées qu'avec la liberté, et qu'affranchis de toutes les prétentions ultramontaines, nous ne tenons nos chaires que de Dieu et de notre épée. Rien de plus franc, comme on voit, de plus loyal et de plus pacifique qu'une pareille proposition, et il est clair que, pour s'y refuser, il faut être ou bien tenace ou bien minutieux.

» La seconde base du traité, qui souffrira encore moins de difficulté que la première, c'est que, quand nos pasteurs seront rappelés, ce ce qui peut-être arrivera plus tôt que les réunis ne le désirent, ils reprendront leurs fonctions, après une notification officielle, et que les réunis ou non réunis seront de droit leurs successeurs immédiats.

>> Nous sommes peu embarrassés de la notification officielle que devront faire nos pasteurs; mais nous le sommes un peu de ce que deviendront alors, les successeurs immédiats. Nous croyons qu'ils pourront être fort embarrassés de leurs personnes. Nous savons que, si les prédécesseurs sont encore existans, les successeurs immédiats ne peuvent donc pas exister; que, si les pasteurs absens sont toujours quelque chose, les pasteurs présens ne sont donc rien; que, si les premiers n'ont pas perdu leur titre, les seconds n'ont acquis aucun titre ; que nous n'avons donc rien à traiter avec eux, à moins qu'ils ne veulent traiter avec nous, et au lieu d'un plan de pacification auquel nous n'avons aucun droit de souscrire, comme ils n'en ont aucun pour nous le proposer, nous présenter un plan de conversion pour se mettre en paix avec Dieu, avec l'Eglise et avec eux mêmes. »

Dans un autre endroit, il apostrophe ainsi un des réunis, Royer, qui vouloit se faire reconnoître comme évêque de Paris, et qui publioit des pastorales sous ce titre :

« Une église ne peut pas rester sans évéque : oui, et voilà pourquoi nous en avons un. Elle ne peut pas rester sans évêque oui, sans évêque légitime, et voilà pourquoi on ne veut pas de vous. Une église ne peut pas rester sans évéque, c'est-à-dire, sans évêque présent

Ta

ou absent; présent, quand on le laisse, ou absent, quand on le chasse, et que la violence le force à s'expatrier, ainsi que l'on a fait à l'archevêque de Paris, comme vous l'avez si bien remarqué dans votre lettre au premier consul. Mais quand nous vous accorderions que l'église de Paris ne peut pas rester sans évêque, même pour un temps, vous n'y gagneriez pas davantage, vous n'en seriez pas plus fort: car, dans cette supposition, ce seroit au moins à nous qu'appartiendroit le droit d'aviser aux moyens de nous donner un évêque; à nous qui formons la presque totalité des catholiques de Paris; à nous qui avons presque tous les temples de la capitale, et non à une coterie ignorée, à un tripot obscur qui se fait à lui-même ses propres règles, ou qui les viole toutes; et non à cet étranger tombé des nues, qui se dit élu canoniquement, parce qu'il l'est clandestinement; qui, élu par une fraction imperceptible, se donne pour reconnu par tous, et qui, s'impatronisant sans nous et malgré nous, a le front de se proclamer évêque de par nous et pour nous.

>> Quoi donc! la religion a été détruite par vous, et vous nous demandez ce que seroit devenue la religion sans vous! Vous avez eu la bassesse de condescendre à tout ce que les impies ont voulu de vous; vous les avez hautement favorisés, aidés de tout votre pouvoir dans leur dessein manifeste aux yeux de l'univers, de détruire la religion, et Vous nous dites que vous l'avez sauvée! Quoi! vous avez déserté le poste où l'Eglise vous avoit mis, pour prendre le poste d'un autre où elle ne vous plaçoit pas, et vous nous dites que vous avez tenu ferme! Sans doute qu'il falloit être ferme pour en agir ainsi; mais il falloit être quelque chose de plus, car il falloit braver toute pudeur et se roidir contre toute honte. Ah! ceux qui véritablement ont tenu ferme, ce sont ces courageux ministres qui, sous la hache des assassins, se sont écriés d'une même voix : Nous ne le pouvons pas, et qui, pour parler avec l'encyclique de Pie VII, ont renoncé à tout, plutôt que de se lier par un crime; ce sont ces martyrs généreux de la déportation, qui ont porté le témoignage de leur foi sur des plages barbares et loin taines; ce sont ces vieillards vénérables, qui gémissent encore sous les liens de la réclusion, et dont l'humanité autant que la justice réclament la délivrance; c'est Pie VI lui-même, qui, sous les canons du directoire, a hautement refusé de retirer ses brefs, et leur a donné par là même une nouvelle force: voilà les héros qui ont tenu ferme, et non ces lâches déserteurs des saintes règles, qui ont plié à tout vent et se sont arrangés avec toutes les circonstances; et non ces pasteurs mercenaires, qui, n'ayant eu de courage que pour envahir, n'ont aujourd'hui de fermeté que pour ne pas restituer. »

Enfin nous citerons un fragment d'un article sur un arrêté d'un ministre, M. Chaptal, qui autorisoit les Sœurs de la Charité à se réunir:

«Mais nos saintes et vénérables Sœurs n'ont point tant de sollicitudes, et n'ont point fait tant de questions. Corporation ou non, qu'importe à leur courage et à leur zèle qu'on les fasse grises ou blanches?' qu'on leur permette de porter à leur ceinture un chápe

let, ou qu'elles le portent dans leur poche; qu'importe encore? pourvu qu'elles le disent, et qu'elles prient pour la conversion des philosophes qui les ont flagellées. Résolues de faire le bien sous toutes les formes comme par tous les moyens, et de le faire pour Dieu, elles n'ont point compté avec les hommes. A la première invitation du gouvernement, elles ont cru entendre la voix de saint Vincent de Paul, les appelant du haut du ciel; et à l'instant toute son ame a passé dans leur ame, et sentant toutes leurs forces se ranimer, elles ont volé au secours des pauvres. Ni l'incertitude de leur sort, ni les barbares traitemens qu'elles ont essuyés, ni le souvenir du passé, ni la crainte de l'avenir, rien n'a pu ralentir leur courage; parens, amis, nouveaux établissemens, nouvelles habitudes, elles ont tout quitté; et se jetant dans le sein de la Providence, dont elles sont les plus douces images, elles n'ont mis pour condition à leur généreux dévoûment, que celle de pouvoir exercer sans crainte une religion où elles puiseront leurs forces, ainsi que les malades y puiseront leurs consolations. Déjà plus de deux cent cinquante hospices possèdent ces filles précieuses, et ceux qui en sont encore privés ne se consolent de leur absence, que par l'espoir qu'ils fondent sur le séminaire de Paris, qui va s'ouvrir incessamment. Puisse ce point de lumière, qui perce l'horizon, s'étendre de plus en plus, et devenir le germe heureux de nouveaux établissemens! Puissent tous les obstacles s'aplanir devant ce ministre qui a été assez heureux pour trouver dans le vœu de son cœur le vœu de la nation entière ! Puisse enfin le gouvernement, éclairé par l'expérience et instruit pas nos malheurs, se dégoûter bientôt de cette philosophie aussi vaine dans ses projets, que la religion est puissante dans ses moyens, et pour qu'on ne puisse plus l'oublier, faire graver en lettres d'or, sur tous. les monumens publics, cet oracle sacré de la vérité même : LA SCIENCE ENFLE, MAIS LA Charité édifiE! »

On parcourra avec d'autant plus d'intérêt ces articles, qu'on y retrouvera souvent des réflexions qui pourroient aussi s'appliquer à ce qui se passe sous nos yeux et aux circonstances où se trouve aujourd'hui I'Eglise. C'est toujours le même esprit qui anime les ennemis de la religion, et leurs efforts à l'une et à l'autre époque se ressemblent par plus d'un point.

Nous aurions à parler ici du troisième et dernier volume des Mélanges qui a déjà paru il y á quelque temps, et qui offre un autre genre de mérite par le grand nombre d'articles littéraires qu'il renferme; mais l'intérêt même de ces articles nous commande de réserver notre examen pour un autre numéro, nous pourrons y consacrer plus de temps et de place.

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