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Depuis la lettre des 150 élèves des Jésuites que nous avons insérée no 1453, il en est quelques autres qui ont aussi élevé la voix en faveur de leurs maitres. Un jeune de Santine a fait insérer dans la Quotidienne un témoignage de sa reconnoissance et de son attachement pour les Jésuites; il croiroit manquer à un devoir, s'it négligeoit de rendre hommage à leur mérite et à leurs rares vertus. Un autre jeune homme, Louis Caverot, qui ne se trouvoit point à Paris, et qui n'a pu prendre part à la déclaration de ses auciens camarades, annonce qu'il adhère de cœur et d'affection à tout ce qu'ils ont proclamé des vertus et du dévoûment des Jésuites qu'il faut avoir vus de près pour les apprécier comme ils le méritent. M. Paulin de Malmusse, ancien élève de Saint-Acheul, proteste également, dans une lettre adressée à la Quotidienne, contre les calomnics dont les Jésuites sont l'objet.

Aux réclamations des jeunes gens on peut joindre celle d'un père de famille, de M. le baron de l'Epine, député du Nord, qui, dans la séance du 8 juillet, s'est élevé contre les nouvelles ordonnances, et spécialement contre celle qui proscrit les écoles tenues par les Jésuites. Nous ne donnerons qu'un extrait de son discours, où on trouvera l'accent d'un chrétien et d'un père

« Je représente l'opinion et les douleurs de trois mille pères de famille, qui mettent comme moi au-dessus de tout la nécessité de donner à leurs enfans des principes religieux, seul gage de la paix des familles et de la stabilité des empires. Nous l'avions trouvée cette éducation religieuse et monarchique; depuis près de quinze années l'expérience avoit prouvé l'excellence de ses méthodes et la supériorité de ses institutions. Par quelle aveugle fureur de détruire a-t-on porté la hache sur ces établissemens précieux, qu'il auroit fallu créer si nous n'avions eu le bonheur de les posséder?

>> Qu'elle est profonde cette plaie qui vient d'être faite à la religion et à la monarchie! Nos enfans étoient élevés dans l'amour de leur Dieu et de leur Roi; ils croissoient à l'abri de ces asiles protec teurs où n'osa jamais pénétrer cette licence qui infecte tant d'autres établissemens: leurs mœurs étoient pures, leurs jeunes coeurs formés de bonne heure à de nobles, à de religieux sentimens. Heureux de notre confiance et de la docilité de leurs élèves, leurs vertueux maitres, selon l'ingénieuse expression d'un de nos honorables collègues, qui s'est fait tout à coup leur adversaire après avoir été un de leurs plus chauds admirateurs, leurs maîtres pouvoient, comme autrefois l'illustre Cornélie, les montrer avec une égale confiance à leurs

amis et à leurs ennemis.

» Déjà, forts de leurs principes et d'une instruction sulide, ces élèves, rentrés au sein de leurs familles, commençoient à se répandre en assez grand nombre dans la société, à y donner l'exemple des vertus unies à d'estimables talens, à une modestie plus estimable

encore.....

» Se seroit-on effrayé de cette apparition sulite d'une génération nouvelle qui nous menaçoit d'un heureux retour à la foi de nos pères, d'un attachement inviolable à la dynastie légitime; d'une génération qui, en faisant revivre les bonnes mœurs, s'annonçoit avee le triste présage de ramener la prospérité dans l'Etat et le bonneur dans les familles? On seroit tenté de le croire, aux cris d'alarmes et de fureur qui ont éclaté de toutes parts.

» Mais, dit-on, nous ne voulons point de ces instituteurs qui obéissent à un chef étranger..... Dans ce cas, abjurons tous le catholicisme, car le chef de cette religion n'habite pas la France.

>>> Hommes de bonne foi, je dois le croire, mais dont on a cruellement surpris la confiance, vous avez cru devoir céder à ces importunes clameurs.....

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» Concessions malheureuses, fécondes en repentirs, et dont vous n'avez pas calculé toutes les suites!

>> Vous nous mettez en opposition avec la plupart des peuples qui nous entourent; vous proscrivez ce qu'ils ont tous le bon esprit d'encourager et d'accueillir; vous faites refluer chez eux l'or que la France en recevoit; vous faites pire, vous faites refluer chez eux, à notre préjudice, le mode d'éducation que vous repoussez.

» Vous répandez la consternation dans le sein des familles : vous ne connoissez donc pas le cœur des pères? Si vous le connoissiez, vous ne les auriez pas blessés dans leurs affections les plus tendres, dans leurs droits les plus justes, dans leurs devoirs les plus sacrés. »

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On a pu remarquer que, depuis quelque temps, nos numéros étoient presque entièrement remplis par des articles de circonstances sur diffėrens sujets. Les réclamations des évêques entrent de droit dans notre journal; de plus, nous avons eu à présenter des pièces ou des réflexions sur l'instruction primaire, sur les Jésuites, sur les écoles ecclésiastiques, sur le mariage des prêtres, sur les discours de la chambre, enfin sur des matières d'un intérêt présent, et qu'on ne pouvoit renvoyer à un utre temps. Les évènemens se pressent, et nous ne pouvons nous dispenser de mettre nos lecteurs au courant de tout ce qui se passe d'important pour la religion et pour la société. Mais en même temps ce soin nous laisse fort en arrière pour rendre compte des ouvrages nouveaux : nous recevons, tant de Paris que des provinces, des instances nouvelles ou même des reproches de la part d'auteurs, d'éditeurs et de libraires qui se plaignent qu'on n'annonce pas les livres qu'ils avoient envoyés. Il est vrai que nous en avons un assez grand nombre dont il ne nous a pas encore été possible de parler. On nous excusera à raison de la gravité des circonstances et de l'intérêt de quelques discussions du moment. Nous espérons pouvoir nous remettre pen a peu au courant, et remplir les justes désirs des personnes qui nous avoient adressé leurs ouvrages. La fin de la session amènera, il faut le croire, un peu plus de calme dans la politique, et nous laissera plus de place pour les annonces arriérées des livres, des entreprises et des éditions qui méritent l'estime et les encouragemens du public.

Sur deux procès portés récemment devant les tribunaux.

Notre siècle. nous fournit des rapprochemens et des contrastes assez piquans, en voici un qui vaut la peine d'être remarqué. Le hasard veut qu'il se trouve en même temps deux procès devant les tribunaux pour deux successions; l'un de ces procès étoit pour un legs universel fait à la boîte à Perrette, l'autre pour un legs fait, dit-on, aux Jésuites. Le premier legs a été trouvé bon et valable; quant au second, c'est une manoeuvre ténébreuse et abominable, c'est une preuve de la cupidité et de l'immoralité des Jésuites. Des gens qui se prétendent impartiaux trouvent tout simple qu'on dépouille les familles pour enrichir la boîte à Perrette; mais donner à des Jésuites, quelle horreur! on seroit peutêtre tenté de croire qu'une contradiction si choquante est une fiction plaisante. Non, les deux causes ont retenti devant les tribunaux. Nous avons nous-même rendu compte, no 1365, du procès des héritiers Jacquinot contre la boîte à Perrette. Les faits, les interrogatoires, toutes les circonstan- ces du procès tendoient à montrer le fidéi-commis. Néanmoins les jansénistes se remuèrent, ils ont des amis, et le tribunal de première instance de Paris, qui a pour viceprésident un des légataires, jugea, le 31 août de l'année dernière, que les héritiers n'étoient point recevables dans leurs demandes. Ceux-ci en appelèrent; la cause fut portée devant la cour royale.

M. Dupin plaida, le 17 juin dernier, pour les héritiers, et M. Barthe pour les légataires. Tous deux ont fait l'éloge de l'ordonnance contre les Jésuites, qui venoit de paroître. M. Dupin, qui ne vouloit blesser personne, a évité de désigner les légataires comme jansénistes; ce sont de très-honnêtes gens, a-t-il dit, mais c'est précisément là qu'est le danger. Ces honnêtes gens se feront une fausse conscience, et croiront travailler à leur salut en s'emparant d'une succession. M. Barthe s'est moqué de ceux qui voyoient le jansénisme dans cette affaire; il s'est plaint de la Gazette des tribunaux, qui avoit intitulé son premier article: Testament Tome LVI. L'Ami de la Religion et du Roi

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d'un janseniste, et qui, sensible au reproche de l'avocat, a corrigé cela dans son second article, et a mis: Testament d'un prétendu janséniste. Enfin M. Barthe nous a fait jouer aussi un rôle dans son plaidoyer, et a trouvé mauvais que, dans ce journal, nous eussions rendu un compte détaillé de la plaidoirie de M. Liouville, et que nous eussions cité des inscriptions au profit d'individus qui paroissent former une ssociation pour recueillir des successions; mais c'est que nous avions assez bien montré que c'étoit là une affaire de parti, et que la boîte à Perrette étoit cachée derrière les trois légataires.

M. Jaubert, avocat-général, conclut à la confirmation du jugement. Les dispositions du testament, dit-il, seroient licites alors même que l'on supposeroit que le testateur eût conçu l'espoir que les légataires continueroient les œuvres de M. Jacquinot; autrement, saint Vincent de Paul et le vertueux Monthyon seroient donc des spoliateurs. Mais saint Vincent de Paul ne dépouilloit pas les familles, et n'étoit pas un homme de parti.

Quoi qu'il en soit de ce raisonnement, la cour royale déclara, le 24 juîn, que le testament étoit valable. Il paroît qu'on étoit allé jusqu'à insinuer aux juges que les Jésuites étoient pour quelque chose dans cette affaire, que c'étoient eux qui avoient mis les héritiers Jacquinot en mouvement, et ce grand fantôme de Jésuites avoit effrayé les plus hardis. Un des légataires avoit eu l'impudence de dire à l'audience: Au moins nous ne sommes pas Jésuites. Ainsi, il est permis aux ennemis des Jésuites d'escamoter des successions; on pourra frustrer des héritiers pourvu qu'on dise du mat des Jésuites, et les mêmes fidéi-commis qui sont une bonne oeuvre de la part des jansénistes, deviennent une iniquité de la part des amis de la société. Des journaux ont approuvé le jugement du 24 juin, et les voilà aujourd'hui qui jettent lés hauts cris pour une affaire toute semblable, sauf qu'elle n'étoit pas en faveur de la boîte à Perrette. La Gazette des tribunaux a consacré plusieurs numéros à cette affaire, et elle a fait précéder ses articles d'un préambule foudroyant, où elle livre à l'infamic Montrouge, et ses intrigues, et sa scandaleuse cupidité. Si ces bouffées de zèle sout sincères, comment la Gazette n'a-t-elle pas montré la même indignation contre les manœuvres de la boîte à Perrette et contre la spo

liation des familles au profit de cette caisse mystérieuse? Voici les faits de cette seconde cause.

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M. François-Henri Beck (1), ancien prébendier de Strasbourg et grand-vicaire de l'électeur de Trèves à Augsbourg, est mort à Ribeauvillé le 13 janvier 1828. Il étoit vieux et infirme, et par un testament du 29 mars 1822, il avoit fait son légataire universel le sieur Schneider, percepteur des contributions, et son cousin, chez lequel il demeuroit. Laisser son bien à un cousin chez lequel on a reçu des soins dans de longues infirmités ne paroît pas d'abord une chose si monstrueuse; mais l'abbé Beck étoit scupçonné d'être Jésuite de robe courte, et le sieur Schneider d'appartenir à la congrégation dès-lors le testament doit être nul. Est-ce qu'un Jésuite de robe courte a le droit de disposer de ses biens? Estce qu'un congréganiste peut recevoir un legs? D'ailleurs il y á encore ici une circonstance qui n'est pas indifférente, c'est qu'un neveu de l'abbé Beck, qui réclamé la succession, est conseiller à la cour royale de Colmar. Dans l'affaire Jacquinot, un membre du tribunal de première instance étoit au nombre des légataires, et ses confrères n'avoient pas dû le traiter avec trop de rigueur. De même au tribunal de Colmar, le nom et les sollicitations d'un conseiller seront sans doute de quelque poids. L'affaire s'est engagée; on a interrogé le sieur Schneider sur faits et articles, comme on avoit interrogé les sieurs Chabaud, Garillan et Gravier. Il

(1) L'abbé Beck étoit un ecclésiastique pieux et estimable qui avoit long-temps joui de toute la confiance du prince Clément de Saxe, électeur de Trèves et évêque d'Augsbourg. Peut-être et-ce lui qui est auteur de la Lettre pastorale adressée par ce prince à son diocèse d'Augsbourg en 1781, et qui a été réimprimée à Genève en 1823; cette pastorale étoit destinée à combattre à la fois les sophis mes des incrédules et les erreurs des protestans. L'abbé Beck fut un des négociateurs au congrès d'Ems en 1786; il adopta, an nom de son archevêque, les articles arrêtés en ce lieu, mais il est à croire qu'il découvrit bientôt le piège où on l'avoit entraîné, et l'archevêque de Trèves fut un des plus empressés à se réconcilier avec le saint Siège. L'abbé Beck étoit né en Alsace, et rentra en France après le concordat. Je ne sais s'il n'occupa pas quelque temps la cure de Mulhausen.

La Gazette des tribunaux dit qu'il étoit prélat de la maison de saint Pin, ce qui n'a pas de sens. On a voulu dire apparemment que l'abbé Beck étoit prélat de la maison du saint Père; le Pape lui avoit conféré ce titre à raison de son zèle et de ses services.

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