Sur le projet d'accusation de M. Labbey de Pompières contre M. l'évéque d'Hermopolis. Le vénérable M. Labbey de Pompières, dans le discours foudroyant qu'il prononca le 14 juin dernier à la tribune de la chambre des députés contre le dernier mjöistère, a récapitulé tous les crimes des anciens ministres. Son discours n'avoit rien de bien nouveau; c'est un composé de fragmens du Constitutionnel, de du Courrier, de centons du Journal des débats. M. Labbey de Pompières a regardé comme constant tout ce qu'il a trouvé dans des sources si respectables ; on pourra apprécier la vérité, la sagesse et l'impartialité qui ont présidé à sa démarche, par la seule partie de son discours qui concerne M. l'évêque d'Hermopofis. Voici comment l'accusateur s'est exprimé sur le prélat : « Je ne solliciterai pas de vous, Messieurs, moins de sévérité envers le ministre des affaires ecclésiastiques et de l'instruction public que. S'il est vrai, et on ne peut le contester aujourd'hui, que nous subissions le joug d'une faction apostolique qui se met en opposition tantôt ou verle, tantôt cachée avec nos lois , qui a contribué à détacher la France de ses alliances constitutionnelles les plus avantageuses et les plus honorables, le ministre-évêque qui siège au conseil est-il resté étranger aux progrès de cette faction ? Je ne citerai qu'un fait, il suffit, à mes yeux, pour résoudre la question, » Ce ministre ne devoit pas ignorer que la société des Jésuites étoit bannie de France par les lois du royaume. Il ne pouvoit l'ignorer, puisque la magistrature par ses arrêts , la chambre des pairs par ses décisions, avoient rappelé ces lois et renouvelé, pour ainsi dire, ce bannissement. Il ne l'ignoroit pas, car, accusé de favoriser secrètement leur retour, il se défendoit de toute alliance avec eux, et'nioit qu'il leur accordât aucune protection. Eh bien ! Messieurs, n'avezvous pas entendu plus tard le même ministre, devenu plus hardi, parce que sès alliés étoient devenus plus puissans, avouer leur exis tence, reconnoitre que 7 établissemens d'instruction étoient dans leurs mains, et constater ainsi sa propre forfaiture? » C'est avec son autorisation qu'on a vu s'établir, sans le consentement préalable des conseils municipaux, des associations de femmes livrées à la vie contemplative, et dont les statuts n'ont point été insérés au Bulletin des lois , ainsi que le prescrit la loi du 24 mai 1825. » M. Frayssinous n'a-t-il fait entériner aucune balle du Pape contraire aux libertés gallicanes et aux conditions du concordat? Tome LVI. L'Ami de la Religion et du Roi. Y N'a-t-il pas multiplié les évèques in partibus, et par conséquent, les dépenses de son ministère? Ne devons-nous pas à sa tolérance les Chartreux, les Trapistes, les Capucins, les Jésuites, les missionnaires? N'est-ce pas sous son administration, après les avertissemens les plus solennels, au mépris de la volonté nationale la plus fortement cxprimée, que ces infractions aux lois ont eu lieu ? Les lois sont-elles donc à la merci de tout ministre qui osera les violer? En sommesnous arrivés à ce point qu'on peut avouer impunément qu'on les viole? et n'est-ce plus trahir que de livrer un Etat à ses ennemis? Mais ce n'étoit point assez; il falloit encore abuser de son pouvoir au point de défendre à tout instituteur protestant d'admettre dans son école des individus catholiques; il falloit enlever par la ruse ce qu'on ne pouvoit ravir par le droit. Je m'explique; des bourses avoient été créées en faveur des enfans des militaires sans fortune, on ne pouvoit leur refuser les places vacantes. Pour les en priver, on a arrété qu'il n'y auroit plus que des demi-bourses, et dès lors le militaire à musiques appointemens, la veuve à foible pension, ne pouvant compléter la bourse, ont été écartés, » Voilà donc les crimes de M. d'Hermopolis, voilà sa forfaiture constatée, il a violé les lois, il a trahi, il, a livre © Etat à ses ennemis. S'il en est ainsi, la colère de M. Labbey de Pompières n'est-elle pas bien légitime? Examinons un peu en détail cette terrible philippique. Le premier crime de M. d'Hermopolis est de nous faire subir le joug de la faction apostolique, et on ne peut contester, dit le député, que nous subissions ce joug. Quoi! même actuellement, même après les ordonnances, même après le coup porté aux Jésuites! Quoi! ce seroit la faction apostolique qui auroit fait tout cela! c'est elle qui a présidé aux dernières élections, elle domine à la chambre. Qui s'en seroit douté? Les progrès de cette faction sont tels que je croirois plutôt assister à son enterrement qu'à son triomphe. Est-ce qu'il ne seroit pas plus généreux à M. Labbey de Pompières de ne pas railler les morts, de ne pas insulter aux derniers soupirs des mourans? Mais peut-être qu'il n'a voulu parler que du joug que nous avions subi dans les années précédentes; ch bien ! ce joug a passé; la faction apostolique est abattue, ses sinistres projets sont à vau-l'eau. Des jours plus doux luisent pour nous, nous touchons à l'âge d'or, nous allons commencer un siècle de paix et de prospérités. Gouvient-il de troubler cette ère fortunée par des dénonciations et des accusations? Cela va-t-il bien avec l'union et l'oubli qu'on nous prêche? Des vainqueurs ne devroient-ils pas être plus magnanimes, et des libéraux devroient-ils montrer lant de rancune et d'esprit de vengeance? Le second crime de M. d'Hermopolis est plus précis encore que le premier; il a toléré les Jésuites proscrits par nos lois. L'attentat est patent, la seule présence des Jésuites parmi nous accuse le ministre. Oserons-nous adresser quelques petites observations à M. Labbey de Pompières ? Sur les huit établissemens de Jésuites qui existent actuellement, six existoient avant le dernier minisière; Saint-Acheul, Bordeaux, Montmorillon, Auray, Forcalquier, Aix ont été formés en 1814, 1815, ou peu après; ils ont été formés en vertu de l'ordonnance du 5 octobre 1814, qui assuroit aux évêques le droit d'avoir une école ecclésiastique. Ils ont sabsisté sous les divers ministères qui se sont succédé depuis 1814. Ainsi M. Lainé, M. Pasquier, M. Decazes, M. Siméon ne seroient pas moins coupables que M. d'Hermopolis; il -faudroit les mettre tous en état d'accusation. Ils ont trahi, ils ont forfait; il faut en faire un exemple qui inspire une frayeur salutaire aux ministres présens et futurs. Ils ne violeront plus aussi ouvertement les lois, quand on en aura pendu une douzaine. Deux écoles seulement de Jésuites ont été établies sous le dernier ministère, l'une à Dôle, l'autre à Clermont; ' toutes deux l'ont été conformément aux dispositions de l'ordonnance du 5 octobre 1814. Les évêques de St-Claude et de Clermont ont provoqué l'érection de ces deux écoles ; l'Université a donné son avis, et sur le rapport de M. Corbière, ministre de l'intérieur, deux ordonnances rendues le décembre 1823 et le 4 août 1824 ont autorisé les deux écoles. Le dernier ministère n'a donc fait en cela que se conformer à la législation existante; il a suivi l'exemple des ministères précédens, qui avoient laissé s'établir les six autres écoles de Jésuites, le tout en vertu de l'ordonnance de 1814. Cette ordonnance portoit que les évêques nommerdient les supérieurs de leurs écoles ecclésiastiques. Ces maisons étoient exclusivement sous leur autorité; ils y appeloient qui ils vouloient, le ministre ne pouvoit les contrarier dans leurs choix. Les évêques de St-Claude et dc Clermont ont appelé des Jésuites comme avoient fait précédemment les archevêques de Bordeaux et d'Aix, les évêques d'Amiens, de Poitiers, de Digne et de Vannes. Ceux-ci n'avoient point été Y , 17 gênés par les précédens ministères; les autres ne pouvoient pas l'être davantage par la dernière administration. On ne peut donc lui faire aucun reproche qui ne retombe en plein sur les ministres antérieurs, et si ceux-ci ne sont pas coupables, les autres ne sauroient l'être. Nous aurions même encore une autre autorité à alléguer. M. Royer-Collard a été, pendant plusieurs années, président de la commission d'instruction publique; c'étoit sous les ministères qui ont précédé le dernier. St-Acheul florissoit alors, il éloit notoire que la maison étoit dirigée par les Jésuites. M. Royer-Collard, qui en étoit bien instruit, qui savoit sans doute par le recteur de l'Académie tout ce qui s'y passoit; M. Royer-Collard ne s'éleva pas contre cet abus, il n'envoya pas ordre au recteur de disperser les Jésuites, il ne les dénonça ni au ministère ni aux chambres. Il jugea apparemment que, s'il y avoit quelques abus, on ne pouvoit у les faire cesser que par un changement dans la législation de l'instruction publique. Il laissa donc en paix St-Acheul, Bordeaux, Montmorillon, etc. Il est donc aussi complice du crime de M. d'Hermopolis, il a trahi, il a forfait, il a violé les lois. M. Labbey de Pompières ne peut se dispenser de provoquer aussi contre luị un acte d'accusation. De fil en aiguille, nous trouverions bien d'autres coupables, et ce seroit une suite d'accusations qui pourroient ne pas amuser beaucoup de même parmi ceux qui crient contre le dernier ministère. Depuis que cet article étoit rédigé, M. Girod (de l'Ain) a fait son rapport dans la séance du 21 juillet, au nom de la commission chargée d'examiner la proposition de M. Labbey de Pompières. M. Girod (de l'Ain) est un conseiller à la cour royale de Paris et un ancien membre de la chambre des représentans pendant les cent jours, Le témoignage de ce député ne sera pas suspect de partialité en faveur de l'ancien ministère. Son rapport ne nomme point en particulier M. l'évêque d'Hermopolis, et déclare que, d'après l'avis de la majorité de la commission, des religieux n'avoient pas été rappelés en secret en France par le dernier ministère. Deux membres seulement de la commission ont cru qu'il y avoit eu trahison de la part du ministère dans la protection accordée aux Jésuites; cing ont été d'un avis contraire, et deux ont opiné pour un plus ample informé. les Ainsi ce chef d'accusation est écarté, et en effet, il ne paroît pas soutenable. A la vérité, la majorité de la commission a aussi émis cet avis que la tolérance et la protection accordée aux Jésuites par l'ancien ministère étoient contraires aux lois. Mais l'ancien ministère n'a pas plus fait pour les Jésuites que les ministères qui l'avoient précédé, et par conséquent, il ne mérite pas plus de blâme sur ce point. Ce rapport de M. Girod (de l'Ain) donneroit lieu à bien des réflexions. On est étonné, en le lisant, d'y trouver si peu de matière à une accusation. Aussi, voil-on que membres de la commission ont été extrêmement divisés sur les divers chefs; il n'y a eu d'unanimité sur aucune question, tant les crimes de l'ancien ministère étoient notoires et frap poient tous les yeux! On remarquera encore que les repro ches faits à ce ministère ne sont pas de n'avoir pas bien servi le Roi et la monarchie; non, c'est de n'avoir pas bien servi la révolution, d'avoir contrarié le système libéral, d'avoir arrêté des conspirations, etc. On y a fait entrer jusqu'à des minuties ridicules, par exemple, d'avoir cédé à des religieux la jouissance de quelques arpens de bois. Il semble que, d'après ce rapport même, les ministres auroient pu étre sur-le-champ déchargés de toute accusation; mais non, on vouloit les tenir en haleine. C'est une épée qu'on laisse suspendue sur leurs têtes; cette arme pourra les inquiéter quelque jour. Dans l'intervalle de la session, on travaillera les esprits; les journaux seront chargés d'exciter les ressentimens et d'appeler des vengeances. Les partisans de l'accusation se fortifieront peut-être dans la chambre; voilà les espérances des ennemis du dernier ministère, voilà comment ils pratiquent l'union et l'oubli qu'ils prêchent aux autres. Nous examinerons une autre fois le reste des crimes de M. d'Hermopolis. PAR (s. Le samedi 19, M. l'abbé de Maccarthy a prêché dans l'église de l'Assomption le panegyrique de saint Vincent de Paul; il avoit pris pour texte ces paroles des Actes des apotres : Pertransiit benefaciendo et sånando omnes. Si ces pas |