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distance au Soleil et à la Lune, éléments dont la connaissance a été le fruit de longs et pénibles voyages dans les deux hémisphères. L'accord des résultats obtenus par ces deux méthodes est une des preuves les plus frappantes de la gravitation universelle.

Nos meilleures Tables lunaires sont fondées sur la théorie et sur les observations. Elles empruntent de la théorie les arguments des inégalités, qu'il eût été très difficile de connaître par les observations seules. J'ai déterminé, dans mon Traité de Mécanique céleste, les coefficients de ces arguments d'une manière fort approchée; mais le peu de convergence des approximations, et la difficulté de démêler, dans le nombre immense des termes que l'Analyse développe, ceux qui peuvent acquérir par les intégrations une valeur sensible, rendent très épineuse la recherche de ces coefficients. La nature elle-même nous offre dans les recueils d'observations les résultats de ces intégrations, si difficiles à obtenir par l'Analyse. MM. Burckhardt et Bürg ont employé à les déterminer plusieurs milliers d'observations, et ils ont ainsi donné une grande précision à leurs Tables lunaires. Désirant d'en bannir tout empirisme et de voir discuter par d'autres géomètres plusieurs points délicats de la théorie auxquels je suis parvenu le premier, tels que les équations séculaires des mouvements de la Lune, j'obtins de l'Académie des Sciences qu'elle proposerait, pour le sujet de son prix de Mathématiques de l'année 1820, la formation par la seule théorie de Tables lunaires aussi parfaites que celles que l'on a formées par le concours de la théorie et des observations. Deux pièces ont été couronnées par l'Académie l'auteur de l'une d'elles, M. Damoiseau, l'avait accompagnée de Tables qui, comparées aux observations, les ont représentées avec l'exactitude de nos meilleures Tables. Les auteurs des deux pièces s'accordent sur les inégalités périodiques et séculaires des mouvements de la Lune. Ils different peu de mon résultat sur l'équation séculaire du moyen mouvement; mais, au lieu des nombres 1; 4; 0,265 par lesquels j'ai représenté les rapports des équations séculaires du mouvement de la Lune, relativement au Soleil, au périgée de l'orbe lunaire et à ses nœuds, ils ont trouvé les nombres 1; 4,6776; 0,391. M. Damoiseau

dans sa pièce, avait donné le second de ces nombres à fort peu près égal à 4; mais, ayant revu ses calculs avec un soin particulier, il est parvenu au résultat de MM. Plana et Carlini, auteurs de l'autre pièce. Comme ils ont porté fort loin les approximations, leurs nombres paraissent préférables à ceux que j'avais déterminés. Enfin, ces approximations leur ont donné les moyens mouvements du périgée et des nœuds de l'orbe lunaire exactement conformes aux observations.

Il suit incontestablement de ce qu'on vient de voir que la loi de la gravitation universelle est la cause unique de toutes les inégalités de la Lune, et si l'on considère le grand nombre et l'étendue de ces inégalités et la proximité de ce satellite à la Terre, on jugera qu'il est de tous les corps célestes le plus propre à établir cette grande loi de la nature et la puissance de l'Analyse, de ce merveilleux instrument sans lequel il eût été impossible à l'esprit humain de pénétrer dans une théorie aussi compliquée, et qui peut être employé comme un moyen de découvertes, aussi certain que l'observation elle-même.

Quelques partisans des causes finales ont imaginé que la Lune avait été donnée à la Terre pour l'éclairer pendant les nuits. Dans ce cas, la nature n'aurait point atteint le but qu'elle se serait proposé, puisque souvent nous sommes privés à la fois de la lumière du Soleil et de celle de la Lune. Pour y parvenir, il eût suffit de mettre, à l'origine, la Lune en opposition avec le Soleil, dans le plan même de l'écliptique, à une distance de la Terre égale à la centième partie de la distance de la Terre au Soleil, et de donner à la Lune et à la Terre des vitesses parallèles proportionnelles à leurs distances à cet astre. Alors la Lune, sans cesse en opposition au Soleil, eût décrit autour de lui une ellipse semblable à celle de la Terre; ces deux astres se seraient succédé l'un à l'autre sur l'horizon, et comme, à cette distance, la Lune n'eût point été éclipsée, sa lumière aurait constamment remplacé celle du Soleil.

D'autres philosophes, frappés de l'opinion singulière des Arcadiens, qui se croyaient plus anciens que la Lune, ont pensé que ce satellite était primitivement une comète, qui, passant fort près de la Terre, avait été forcée par son attraction de l'accompagner. Mais, en remontant

par l'Analyse aux temps les plus reculés, on voit toujours la Lune sc mouvoir dans un orbe presque circulaire, comme les planètes autour du Soleil. Ainsi ni la Lune, ni aucun satellite n'a été originairement

une comète.

La pesanteur à la surface de la Lune étant beaucoup plus petite qu'à la surface de la Terre, et cet astre n'ayant point d'atmosphère qui puisse opposer une résistance sensible au mouvement des projectiles, on conçoit qu'un corps, lancé avec une grande force par l'explosion d'un volcan lunaire, peut atteindre et dépasser la limite où l'attraction de la Terre commence à l'emporter sur l'attraction de la Lune. Il suffit pour cela que sa vitesse initiale suivant la verticale soit de 2500TM par seconde. Alors, au lieu de retomber sur la Lune, il devient un satellite de la Terre, et décrit autour d'elle une orbite plus ou moins allongée. Son impulsion primitive peut être tellement dirigée qu'il aille rencontrer directement l'atmosphère terrestre; il peut aussi ne l'atteindre qu'après plusieurs et même un très grand nombre de révolutions; car il est visible que l'action du Soleil, qui change d'une manière très sensible les distances de la Lune à la Terre, doit produire, dans le rayon vecteur d'un satellite mû dans un orbe fort excentrique, des variations beaucoup plus considérables, et peut diminuer à la longue la distance périgée du satellite, en sorte qu'il pénètre dans notre atmosphère. Ce corps, en la traversant avec une grande vitesse, éprouverait une très forte résistance et finirait bientôt par se précipiter sur la Terre; le frottement de l'air contre sa surface suffirait pour l'enflammer et le faire détoner, s'il renfermait des matières propres à ces effets, et alors il nous offrirait tous les phénomènes que présentent les aérolithes. S'il était bien prouvé qu'ils ne sont point des produits des volcans ou de l'atmosphère et qu'il faut en chercher la cause au delà, dans l'espace céleste, l'hypothèse précédente, qui d'ailleurs explique l'identité de composition observée dans les aérolithes par celle de leur origine, ne serait point destituée de vraisemblance.

CHAPITRE VI.

DES PERTURBATIONS DES SATELLITES DE JUPITER.

De tous les satellites, les plus intéressants, après celui de la Terre, sont les satellites de Jupiter. Les observations de ces astres, les premiers que le télescope a fait découvrir dans les cieux, ne remontent pas à deux siècles; on ne doit même compter qu'un siècle et demi d'observations de leurs éclipses. Mais, dans ce court intervalle, ils nous ont offert, par la promptitude de leurs révolutions, tous les grands changements que le temps ne développe qu'avec une extrême lenteur dans le système planétaire, dont celui des satellites est l'image. Les inégalités produites par leur attraction mutuelle sont peu différentes de celles des planètes et de la Lune; cependant les rapports qu'ont entre eux les moyens mouvements des trois premiers satellites donnent à quelques-unes de ces inégalités des valeurs considérables, qui ont une grande influence sur toute leur théorie. On a vu, dans le Livre II, que ces mouvements sont à peu près en progression sous-double, et qu'ils sont assujettis à des inégalités très sensibles dont les périodes, différentes entre elles, se transforment, dans les éclipses, en une seule de 437,659. Ces inégalités se présentent les premières dans la théorie des satellites, comme elles se sont, les premières, offertes aux observateurs. Non seulement la théorie détermine ces inégalités; elle nous montre, de plus, ce que les observations indiquaient avec beaucoup de vraisemblance, savoir que l'inégalité du second satellite est le résultat de deux inégalités, dont l'une, ayant pour cause l'action du premier satellite, varie comme le sinus de l'excès de la longitude du premier satel

pre

lite sur celle du second, et dont l'autre, produite par l'action du troisième satellite, varie comme le sinus du double de l'excès de la longitude du second satellite sur celle du troisième. Ainsi le second satellite éprouve de la part du premier une perturbation semblable à celle qu'il fait éprouver au troisième, et il éprouve de la part du troisième une perturbation semblable à celle qu'il fait éprouver au premier. Ces deux inégalités se confondent dans une seule, en vertu des rapports qui existent entre les moyens mouvements et les longitudes moyennes des trois miers satellites, et suivant lesquels le moyen mouvement du premier, plus deux fois celui du troisième, est égal à trois fois celui du second, et la longitude moyenne du premier satellite, moins trois fois celle du second, plus deux fois celle du troisième, est constamment égale à la demi-circonférence. Mais ces rapports subsisteront-ils toujours, ou ne sont-ils qu'approchés, et les deux inégalités du second satellite, aujourd'hui confondues, se sépareront-elles dans la suite des temps? C'est ce que la théorie va nous apprendre.

L'approximation avec laquelle les Tables donnaient les rapports précédents me fit soupçonner qu'ils sont rigoureux, et que les petites quantités dont elles s'en éloignaient encore dépendaient des erreurs dont elles étaient susceptibles. Il était contre toute vraisemblance de supposer que le hasard a placé originairement les trois premiers satellites aux distances et dans les positions convenables à ces rapports, et il était extrêmement probable qu'ils sont dus à une cause particulière : je cherchai donc cette cause dans l'action mutuelle des satellites. L'examen approfondi de cette action me fit voir qu'elle a rendu ces rapports rigoureux; d'où je conclus qu'en déterminant de nouveau, par la discussion d'un très grand nombre d'observations éloignées entre elles, les moyens mouvements et les longitudes moyennes des trois premiers satellites, on trouverait qu'ils approchent encore plus de ces rapports auxquels les Tables doivent être rigoureusement assujetties. J'ai eu la satisfaction de voir cette conséquence de la théorie confirmée avec une précision remarquable par les recherches que Delambre a faites sur les satellites de Jupiter. Il n'est pas nécessaire que ces rap

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