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CHAPITRE XII.

DE LA STABILITÉ DE L'ÉQUILIBRE DES MERS.

Plusieurs causes irrégulières, telles que les vents et les tremblements de Terre, agitent la mer, la soulèvent à de grandes hauteurs, et la font quelquefois sortir de ses limites. Cependant, l'observation nous montre qu'elle tend à reprendre son état d'équilibre, et que les frottements et les résistances de tout genre finiraient bientôt par l'y ramener, sans l'action du Soleil et de la Lune. Cette tendance constitue l'équilibre ferme ou stable, dont on a parlé dans le Livre III. On a vu que la stabilité de l'équilibre d'un système de corps peut être absolue, ou avoir lieu, quel que soit le petit dérangement qu'il éprouve; elle peut n'être que relative et dépendre de la nature de son ébranlement primitif. De quelle espèce est la stabilité de l'équilibre des mers? C'est ce que les observations ne peuvent pas nous apprendre avec une entière certitude; car, quoique dans la variété presque infinie des ébranlements que I'Océan éprouve par l'action des causes irrégulières il paraisse toujours tendre vers son état d'équilibre, on peut craindre cependant qu'une cause extraordinaire ne vienne à lui communiquer un ébranlement qui, peu considérable dans son origine, augmente de plus en plus et l'élève au-dessus des plus hautes montagnes, ce qui expliquerait plusieurs phénomènes d'Histoire naturelle. Il est donc intéressant de rechercher les conditions nécessaires à la stabilité absolue de l'équilibre des mers, et d'examiner si ces conditions ont lieu dans la nature. En soumettant cet objet à l'Analyse, je me suis assuré que l'équilibre de l'Océan est stable, si sa densité est moindre que la moyenne densité de la Terre, ce

qui est fort vraisemblable; car il est naturel de penser que ses couches sont d'autant plus denses qu'elles sont plus voisines de son centre. On a vu d'ailleurs que cela est prouvé par les mesures du pendule et des degrés des méridiens, et par l'attraction observée des montagnes. La mer est donc dans un état ferme d'équilibre, et si, comme il est difficile d'en douter, elle a recouvert autrefois des continents, aujourd'hui fort élevés au-dessus de son niveau, il faut en chercher la cause ailleurs que dans le défaut de stabilité de son équilibre. L'Analyse m'a fait voir encore que cette stabilité cesserait d'avoir lieu, si la moyenne densité de la mer surpassait celle de la Terre, en sorte que la stabilité de l'équilibre de l'Océan et l'excès de la densité du globe terrestre sur celle des eaux qui le recouvrent sont liés réciproquement l'un à l'autre.

CHAPITRE XIII.

DES OSCILLATIONS DE L'ATMOSPHÈRE.

Pour arriver à l'Océan, l'action du Soleil et de la Lune traverse l'atmosphère, qui doit par conséquent en éprouver l'influence et être assujettie à des mouvements semblables à ceux de la mer. De là résultent des variations périodiques dans la hauteur du baromètre, et des vents dont la direction et l'intensité sont périodiques. Ces vents sont peu considérables et presque insensibles dans une atmosphère d'ailleurs fort agitée; l'étendue des oscillations du baromètre n'est pas d'un millimètre, à l'équateur même où elle est la plus grande.

J'ai donné, dans le Livre IV de la Mécanique céleste, la théorie de toutes ces variations, et j'ai provoqué sur cet objet l'attention des observateurs. C'est à l'équateur qu'il semble le plus convenable d'observer les variations dans la hauteur du baromètre; non seulement elles y sont les plus grandes, mais encore les changements dus aux causes irrégulières y sont les plus petits. Cependant, comme les circonstances accessoires augmentent considérablement les hauteurs des marées dans nos ports, elles peuvent semblablement accroître les oscillations de l'atmosphère, ainsi que les variations correspondantes du baromètre, et il est intéressant de s'en assurer par les observations.

Le flux atmosphérique est produit par les trois causes suivantes : la première est l'action directe du Soleil et de la Lune sur l'atmosphère; la seconde est l'élévation et l'abaissement périodique de l'Océan, base mobile de l'atmosphère; la troisième enfin est l'attraction de ce fluide par la mer, dont la figure varie périodiquement. Ces trois causes dérivant des mêmes forces attractives du Soleil et de la Lune, elles ont,

ainsi que leurs effets, les mêmes périodes que ces forces, conformément au principe sur lequel j'ai fondé ma théorie des marées. Le flux atmosphérique est donc soumis aux mêmes lois que le flux de l'Océan; il est, comme lui, la combinaison de deux flux partiels produits, l'un par l'action du Soleil, l'autre par l'action de la Lune. La période du flux atmosphérique solaire est d'un demi-jour solaire, et celle du flux. lunaire est d'un demi-jour lunaire. L'action de la Lune sur la mer à Brest étant triple de celle du Soleil, le flux lunaire atmosphérique est au moins double du flux solaire. Ces considérations doivent nous guider dans le choix des observations propres à déterminer d'aussi petites quantités, et dans la manière de les combiner pour se soustraire, le plus qu'il est possible, à l'influence des causes qui produisent les grandes variations du baromètre.

Depuis plusieurs années, on observe, chaque jour, à l'Observatoire royal, les hauteurs du baromètre et du thermomètre, à 9 heures sexagésimales du matin, à midi, à 3 heures après midi et à 9 heures du soir. Ces observations, faites avec les mêmes instruments et presque toutes par le même observateur, sont, par leur précision et par leur grand nombre, propres à indiquer le flux atmosphérique, s'il est sensible. On voit avec évidence la variation diurne du baromètre dans les résultats de ces observations; un seul mois suffit pour la manifester. L'excès de la plus grande hauteur du baromètre observée, qui répond

à

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9 heures du matin, sur la plus petite, qui répond à 3 heures du soir, est à Paris de de millimètre, par le résultat moyen des observations faites chaque jour pendant six années consécutives.

La hauteur du baromètre due au flux solaire redevenant chaque jour la même à la même heure, ce flux se confond avec la variation diurne qu'il modifie, et il n'en peut être distingué par les observations faites. à l'Observatoire royal. Il n'en est pas ainsi des hauteurs barométriques dues au flux lunaire, et qui, se réglant sur les heures lunaires, ne redeviennent les mêmes aux mêmes heures solaires qu'après un demi-mois d'intervalle. Les observations dont je viens de parler, comparées de demi-mois en demi-mois, sont disposées de la manière la plus favo

rable pour indiquer le flux lunaire. Si, par exemple, le maximum de ce flux arrive à 9 heures du matin le jour de la syzygie, son minimum arrivera vers 3 heures du soir. Le contraire aura lieu le jour de la quadrature. Ce flux augmentera donc la variation diurne du premier de ces jours; il diminuera la variation diurne du second, et la différence de ces variations sera le double de la grandeur du flux lunaire atmosphérique. Mais, le maximum de ce flux n'arrivant pas à 9 heures du matin dans la syzygie, il faut, pour déterminer sa grandeur et l'heure de son arrivée, employer les observations barométriques de 9 heures du matin, de midi et de 3 heures du soir, faites chaque jour, soit de la syzygie, soit de la quadrature. On peut également faire usage des observations de jours qui précèdent ou qui suivent ces phases du même nombre de jours, et faire concourir à la détermination d'éléments aussi délicats toutes les observations de l'année.

On doit faire ici une remarque importante, sans laquelle il serait impossible de reconnaître une aussi petite quantité que le flux lunaire, au milieu de grandes variations du baromètre. Plus les observations sont rapprochées, moins l'effet de ces variations est sensible; il est presque nul sur un résultat conclu d'observations faites le même jour et dans le court intervalle de six heures. Le baromètre varie presque toujours avec assez de lenteur pour ne pas troubler sensiblement l'effet des causes régulières. Voilà pourquoi le résultat moyen des variations. diurnes de chaque année est toujours le même à fort peu près, quoiqu'il y ait des différences de plusieurs millimètres dans les hauteurs moyennes absolues barométriques des diverses années, en sorte que, si l'on comparait la hauteur moyenne de 9 heures du matin d'une année à la hauteur moyenne de 3 heures du soir d'une autre année, on aurait une variation diurne souvent très fautive, quelquefois même d'un signe contraire à la véritable. Il importe donc, pour déterminer de très petites quantités, de les déduire d'observations faites le même jour, et de prendre une moyenne entre un grand nombre de valeurs ainsi obtenues. On ne peut conséquemment déterminer le flux lunaire que par un système d'observations faites chaque jour, au moins à trois 41

OEuvres de L. VI.

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