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depuis deux mille ans, sa substance n'a pas diminué d'un deux millionième.

La nature nous offre, dans les phénomènes électriques et magnétiques, des forces répulsives qui suivent la même loi que la pesanteur universelle. Coulomb a fait voir, par des expériences très délicates, que les points animés de deux électricités semblables se repoussent en raison inverse du carré de la distance, et qu'ils s'attirent suivant la même loi, lorsque les électricités sont contraires. En concevant les électricités opposées comme deux fluides différents, parfaitement mobiles dans les corps conducteurs et contenus par les surfaces des corps non conducteurs, en supposant ensuite que les molécules d'un même fluide se repoussent mutuellement et attirent les molécules de l'autre. fluide suivant la loi des attractions célestes, on peut leur appliquer les formules relatives à ces attractions. C'est ainsi que je suis parvenu à démontrer que le fluide électrique dans un corps conducteur doit, pour l'équilibre, se porter en entier à la surface, où il se forme une couche extrêmement mince contenue par l'air qui l'enveloppe. Sa répulsion est nulle dans son intérieur; mais à sa surface extérieure elle est, à chaque point, proportionnelle à l'épaisseur de la couche; la pression qu'un de ses points extérieurs éprouve, et en vertu de laquelle il tend à s'échapper, est proportionnelle au carré de cette épaisseur. Sur un ellipsoïde quelconque, les deux surfaces extérieure et intérieure de la couche sont semblables et concentriques à la surface de l'ellipsoïde: si l'ellipsoïde est de révolution et allongé, la tendance du fluide à s'échapper aux pôles est à sa tendance à s'échapper à l'équateur dans le rapport du carré du grand axe au carré du petit axe, ce qui donne une explication mathématique du pouvoir des pointes. Mais la distribution des fluides électriques sur un corps de figure quelconque ou sur plusieurs corps en présence les uns des autres est un problème d'une extrême difficulté, qui peut donner lieu à des recherches analytiques très curieuses; car la solution de ces questions difficiles a l'avantage de perfectionner à la fois la Physique et l'Analyse. Déjà M. Poisson, par une Analyse fort ingénieuse, est parvenu à déterminer la loi sui

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vant laquelle l'électricité se répand à la surface de deux sphères en présence l'une de l'autre. L'accord de ses résultats avec les expériences de Coulomb confirme la justesse du principe qui leur sert de base. On doit au reste considérer toutes ces forces comme des concepts mathématiques propres à les soumettre au calcul, et non comme des qualités inhérentes aux molécules électriques. Il est possible qu'elles soient des résultantes d'autres forces analogues aux affinités, qui ne sont sensibles par elle-mêmes qu'extrêmement près du contact, mais dont l'action, au moyen de fluides intermédiaires, est transmise à des distances sensibles, et en raison inverse du carré de ces distances. Les attractions des petits corps qui nagent à la surface des liquides nous fourniront, dans le Chapitre suivant, un exemple remarquable de ces transmissions.

CHAPITRE XVIII.

DE L'ATTRACTION MOLÉCULAIRE.

L'attraction disparaît entre les corps d'une grandeur peu considérable: elle reparaît dans leurs éléments sous une infinité de formes. Ea solidité, la cristallisation, la réfraction de la lumière, l'élévation et l'abaissement des liquides dans les espaces capillaires, et généralement toutes les combinaisons chimiques sont le résultat de forces dont la connaissance est un des principaux objets de l'étude de la nature. Ainsi la matière est soumise à l'empire de diverses forces attractives: l'une d'elles, s'étendant indéfiniment dans l'espace, régit les mouvements de la Terre et des corps célestes; tout ce qui tient à la constitution intime des substances qui les composent dépend principalement des autres forces dont l'action n'est sensible qu'à des distances imperceptibles. Il est presque impossible, par cette raison, de connaître les lois de leur variation avec la distance; heureusement la propriété de n'être sensibles qu'extrêmement près du contact suffit pour soumettre à l'Analyse un grand nombre de phénomènes intéressants qui en dépendent. Je vais ici présenter succinctement les principaux résultats de cette Analyse, et par là compléter la théorie mathématique de toutes les forces attractives de la nature.

On a vu, dans le Livre Ier, qu'un rayon lumineux, en passant du vide dans un milieu transparent, s'infléchit de manière que le sinus d'incidence est au sinus de réfraction en raison constante. Cette loi fondamentale de la dioptrique est le résultat de l'action du milieu sur la lumière, en supposant que cette action n'est sensible qu'à des distances imperceptibles. Concevons, en effet, le milieu terminé par une surface

plane; il est visible qu'une molécule de lumière, avant de la traverser, est attirée semblablement de tous les côtés de la perpendiculaire à cette surface, puisqu'à une distance sensible de la molécule il y a de tous les côtés le même nombre de molécules attirantes; la résultante de leurs actions est donc dirigée suivant cette perpendiculaire. Après avoir pénétré dans le milieu, la molécule de lumière continue d'être attirée suivant une perpendiculaire à la surface, et si l'on imagine le milieu partagé en tranches parallèles à cette surface et d'une épaisseur infiniment petite, on verra que, l'attraction des tranches supérieures à la molécule attirée étant détruite par l'attraction d'un nombre égal de tranches inférieures, la molécule de lumière est précisément attirée comme elle l'était à la même distance de la surface, avant de la traverser; l'attraction qu'elle éprouve est donc insensible, lorsqu'elle a pénétré sensiblement dans le milieu diaphane, et son mouvement devient alors uniforme et rectiligne. Maintenant il résulte du principe de la conservation des forces vives, exposé dans le Livre III, que le carré de la vitesse primitive de la molécule de lumière, décomposée perpendiculairement à la surface du milieu, est augmenté d'une quantité toujours la même, quelle que soit cette vitesse. Parallèlement à cette surface, la vitesse n'est point altérée par l'action du milieu; l'accroissement du carré de la vitesse entière et par conséquent celui de cette vitesse elle-même sont donc indépendants de la direction primitive du rayon lumineux. Or le rapport de la vitesse parallèle à la surface à la vitesse primitive forme le sinus d'incidence; son rapport à la vitesse dans le milieu est le sinus de réfraction; ces deux sinus sont donc réciproquement comme les vitesses de la lumière avant et après son entrée dans le milieu, et par conséquent ils sont en raison constante. La différence de leurs carrés, divisée par le carré du sinus de réfraction et multipliée par le carré de la vitesse de la lumière dans le vide, exprime l'action du milieu sur le rayon; en la divisant par la densité spécifique de ce milieu, on a son pouvoir réfringent.

Une surface courbe qui termine un milieu diaphane peut être confondue avec le plan tangent au point où le rayon la traverse, parce

que, l'action des corps sur la lumière n'étant sensible qu'à des distances imperceptibles, on peut négliger l'action du ménisque compris entre le plan tangent et la surface; on aura donc la direction du rayon dans le milieu, en élevant une perpendiculaire à cette surface au point où le rayon la rencontre, et en prenant les sinus d'incidence et de réfraction dans le même rapport que si la surface était plane.

En passant d'un milieu dans un autre, la lumière s'y réfracte de manière que les sinus d'incidence et de réfraction sont en raison constante; mais alors la réfraction n'est due qu'à la différence des actions qu'elle éprouve de la part de ces milieux. Lorsqu'un rayon traverse plusieurs milieux transparents terminés par des surfaces planes et parallèles, sa vitesse dans chaque milieu est égale et parallèle à celle qu'il aurait prise s'il eût passé immédiatement du vide dans ce milieu. Généralement, de quelque manière que le rayon lumineux parvienne du vide dans un milieu transparent, sa vitesse est la même.

L'hypothèse d'une action insensible à des distances sensibles permet d'étendre ces résultats aux couches infiniment petites d'un milieu diaphane de densité variable.

Au moyen de ces principes, dont on est redevable à Newton, tous les phénomènes du mouvement de la lumière à travers un nombre quelconque de milieux transparents et dans l'atmosphère ont été soumis à des calculs rigoureux. Ces phénomènes ne déterminent point la loi de l'attraction des corps sur la lumière; ils ne l'assujettissent qu'à la condition d'être insensible à des distances sensibles.

Un milieu diaphane agit d'une manière différente sur les rayons de diverses couleurs. C'est en vertu de cette différence qu'un rayon de lumière blanche, en traversant un prisme transparent, se décompose dans une infinité de couleurs. L'inégalité des vitesses que l'on peut supposer aux divers rayons ne suffit pas pour expliquer les phénomènes observés dans la dispersion de la lumière; car alors cette dispersion serait la même pour tous les milieux qui réfractent également les rayons moyens, ce qui est contraire à l'expérience, qui seule peut la déterminer.

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