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des molécules des corps. Pour admettre cette hypothèse, il faut supposer les dimensions de ces molécules si petites, relativement aux intervalles qui les séparent, que leur densité soit incomparablement plus grande que la moyenne densité de leur ensemble. Une molécule sphérique, d'un rayon égal à un millionième de mètre, devrait avoir une densité plus de six milliards de fois plus grande que la densité moyenne de la Terre, pour exercer à sa surface une attraction égale à la pesanteur terrestre; or les forces attractives des corps surpassent considérablement cette pesanteur, puisqu'elles infléchissent visiblement la lumière, dont la direction n'est point changée sensiblement par l'attraction de la Terre. La densité des molécules surpasserait donc incomparablement celles des corps, si leurs affinités n'étaient qu'une modification de la pesanteur universelle. Au reste, rien n'empêche d'adopter cette manière d'envisager tous les corps: plusieurs phénomènes, et entre autres la facilité avec laquelle la lumière traverse dans tous les sens les corps diaphanes, lui sont très favorables. Nous avons d'ailleurs, dans l'extrême rareté des queues des comètes, un exemple frappant de la porosité presque infinie des substances vaporisées, et il n'est point absurde de supposer la densité des corps terrestres moyenne entre une densité absolue et celle des vapeurs. Les affinités dépendraient alors de la forme des molécules intégrantes et de leurs positions respectives, et l'on pourrait, par la variété de ces formes, expliquer toutes les variétés des forces attractives, et ramener ainsi à une seule loi générale tous les phénomènes de la Physique et de l'Astronomie. Mais l'impossibilité de connaître les figures des molécules et leurs distances mutuelles rend ces explications vagues et inutiles à l'avancement des sciences.

LIVRE V.

PRÉCIS DE L'HISTOIRE DE L'ASTRONOMIE.

Multi pertransibunt, et augebitur scientia.
BACON.

Nous venons d'exposer les principaux résultats du système du monde, suivant l'ordre analytique le plus direct et le plus simple. Nous avons d'abord considéré les apparences des mouvements célestes, et leur comparaison nous a conduits aux mouvements réels qui les produisent. Pour nous élever au principe régulateur de ces mouvements, il fallait connaître les lois du mouvement de la matière, et nous les avons développées avec étendue. En les appliquant ensuite aux corps du système solaire, nous avons reconnu qu'il existe entre eux, et même entre leurs plus petites molécules, une attraction proportionnelle aux masses et réciproque au carré des distances. Redescendant enfin de cette force universelle à ses effets, nous en avons vu naître, non seulement tous les phénomènes connus ou simplement entrevus par les astronomes, mais encore un grand nombre d'autres entièrement nouveaux et que l'observation a vérifiés.

Ce n'est pas ainsi que l'esprit humain est parvenu à ces découvertes. L'ordre précédent suppose que l'on a sous les yeux l'ensemble des observations anciennes et modernes, et que, pour les comparer et pour en déduire les lois des mouvements célestes et les causes de leurs inégalités, on fait usage de toutes les ressources que présentent aujourd'hui l'Analyse et la Mécanique. Mais ces deux branches de nos connaissances s'étant perfectionnées successivement avec l'Astronomie, leur état à ces diverses époques a nécessairement influé sur les théories astronomiques. Plusieurs hypothèses ont été généralement admises, quoique

OEuvres de L. — VI.

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directement contraires aux loi fondamentales de la Mécanique, que l'on ne connaissait pas encore, et dans cette ignorance, on a élevé contre le vrai sytème du monde, qui perçait de toutes parts dans les phénomènes, des difficultés qui l'ont fait pendant longtemps méconnaître. Ainsi la marche de l'Astronomie a été embarrassée, incertaine, et les vérités dont elle s'est enrichie ont été souvent alliées à des erreurs que le temps, l'observation et le progrès des sciences accessoires en ont séparées. Nous allons ici donner un précis de son histoire : on y verra l'Astronomie rester un grand nombre de siècles dans l'enfance, en sortir et s'accroître dans l'école d'Alexandrie; stationnaire ensuite jusqu'au temps des Arabes, se perfectionner par leurs travaux; enfin, abandonnant l'Afrique et l'Asie où elle avait pris naissance, se fixer en Europe, et s'élever en moins de trois siècles à la hauteur où elle est maintenant parvenue. Ce tableau des progrès de la plus sublime des sciences naturelles fera pardonner à l'esprit humain l'Astrologie, qui, dès la plus haute antiquité, s'était partout emparée de la faiblesse des hommes, mais que ces progrès ont fait pour toujours disparaître.

CHAPITRE PREMIER.

DE L'ASTRONOMIE ANCIENNE JUSQU'A LA FONDATION DE L'ÉCOLE D'Alexandrie.

Le spectacle du ciel dut fixer l'attention des premiers hommes, surtout dans les climats où la sérénité de l'air invitait à l'observation des astres. On eut besoin pour l'agriculture de distinguer les saisons et d'en connaitre le retour. On ne tarda pas à s'apercevoir que le lever et le coucher des principales étoiles, au moment où elles se plongent dans les rayons solaires ou quand elles s'en dégagent, pouvaient servir à cet objet. Aussi voit-on chez presque tous les peuples ce genre d'observations remonter jusqu'aux temps dans lesquels se perd leur origine. Mais quelques remarques grossières sur le lever et sur le coucher des étoiles ne formaient point une science, et l'Astronomie n'a commencé qu'à l'époque où, les observations antérieures ayant été recueillies et comparées entre elles, et les mouvements célestes ayant été suivis avec plus de soin qu'on ne l'avait fait encore, on essaya de déterminer les lois de ces mouvements. Celui du Soleil dans un orbe incliné à l'équateur, le mouvement de la Lune, la cause de ses phases et des éclipses, la connaissance des planètes et de leurs révolutions, la sphéricité de la Terre et sa mesure ont pu être l'objet de cette antique Astronomie; mais le peu qui nous reste de ses monuments est insuffisant pour en fixer l'époque et l'étendue. Nous pouvons seulement juger de sa haute antiquité par les périodes astronomiques qui nous sont parvenues, et qui supposent une suite d'observations d'autant plus longue que ces observations étaient plus imparfaites. Telle a été la vicissitude des choses humaines, que celui des arts qui peut seul transmettre à la pos

térité d'une manière durable les événements des siècles écoulés, l'imprimerie, étant d'une invention moderne, le souvenir des premiers inventeurs s'est entièrement effacé. De grands peuples ont disparu sans laisser sur leur passage des traces de leur existence. La plupart des cités les plus célèbres de l'antiquité ont péri avec leurs annales et avec la langue même que parlaient leurs habitants; à peine reconnaît-on la place où fut Babylone. De tant de monuments des arts et de l'industrie qui décoraient ces cités et qui passaient pour les merveilles du monde, il ne reste plus qu'une tradition confuse et des débris épars dont l'origine est le plus souvent incertaine, mais dont la grandeur atteste la puissance des peuples qui ont élevé ces monuments.

Il paraît que l'Astronomie pratique des premiers temps se bornait aux observations du lever et du coucher des principales étoiles, de leurs occultations par la Lune et par les planètes, et des éclipses. On suivait la marche du Soleil au moyen des étoiles qu'effaçait la lumière des crépuscules, et par les variations des ombres méridiennes des gnomons; on déterminait les mouvements des planètes par les étoiles dont elles s'approchaient dans leurs cours. Pour reconnaître tous ces astres et leurs mouvements divers, on partagea le ciel en constellations, et cette zone céleste nommée Zodiaque, dont le Soleil, la Lune et les planètes alors connues ne s'écartaient jamais, fut divisée dans les douze constellations suivantes :

Le Bélier, le Taureau, les Gémeaux, l'Écrevisse, le Lion, la Vierge;

La Balance, le Scorpion, le Sagittaire, le Capricorne, le Verseau, les Poissons.

On les nomma signes, parce qu'elles servaient à distinguer les saisons; ainsi l'entrée du Soleil dans la constellation du Bélier marquait, au temps d'Hipparque, l'origine du printemps; cet astre parcourait ensuite le Taureau, les Gémeaux, l'Écrevisse, etc. Mais le mouvement rétrograde des équinoxes changea, quoique avec lenteur, la correspondance des constellations avec les saisons, et à l'époque de ce grand astronome elle était déjà fort différente de celle que l'on avait établie à l'origine du zodiaque. Cependant l'Astronomie, en se perfectionnant,

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