Sidebilder
PDF
ePub

par une étude suivie de plusieurs siècles, les choses actuellement cachées paraîtront avec évidence, et la postérité s'étonnera que des vérités si claires nous aient échappé. » On pensait encore, dans la même école, que les planètes sont habitées, et que les étoiles sont des soleils disséminés dans l'espace et les centres d'autant de systèmes planétaires. Ces vues philosophiques auraient dù, par leur grandeur et par leur justesse, entrainer les suffrages de l'antiquité; mais ayant été accompagnées d'opinions systématiques, telles que l'harmonie des sphères célestes, et manquant d'ailleurs de preuves, qu'elles ont acquises depuis par leur accord avec les observations, il n'est pas surprenant que leur vérité, contraire aux illusions des sens, ait été méconnue.

La seule observation que l'histoire de l'Astronomie nous offre chez les Grecs, avant l'école d'Alexandrie, est celle du solstice d'été de l'an 432 avant notre ère, par Méton et Euctemon. Le premier de ces astronomes se rendit célèbre par le cycle de dix-neuf années, correspondantes à deux cent trente-cinq lunaisons, qu'il introduisit dans le calendrier. La méthode la plus simple de mesurer le temps est celle qui n'emploie que les révolutions solaires; mais, dans le premier âge des peuples, les phases de la Lune offraient à leur ignorance une division si naturelle du temps, qu'elle fut généralement admise. Ils réglèrent leurs fêtes et leurs jeux sur le retour de ces phases, et, quand les besoins de l'agriculture les forcèrent de recourir au Soleil pour distinguer les saisons, ils ne renoncèrent point à l'ancien usage de mesurer le temps par les révolutions de la Lune, dont on pouvait ainsi connaître l'âge par les jours du mois. Ils cherchèrent à établir, entre les révolutions de cet astre et celles du Soleil, un accord fondé sur des périodes qui renfermassent des nombres entiers de ces révolutions. La plus simple est celle de dix-neuf ans; Méton établit donc un cycle de dix-neuf années lunaires, dont douze étaient communes ou de douze mois; les sept autres en avaient treize. Ces mois étaient inégaux, et ordonnés de manière que, sur les deux cent trente-cinq mois du cycle, cent dix étaient de vingt-neuf jours et cent vingt-cinq de trente jours. Cet ar

rangement, proposé par Méton à la Grèce assemblée dans les jeux olympiques, fut reçu avec un applaudissement universel, et unanimement adopté. Mais on ne tarda pas à s'apercevoir qu'à la fin d'une période le nouveau calendrier retardait d'environ un quart de jour sur la nouvelle lune. Calippe proposa de quadrupler le cycle de dixneuf ans, et d'en former une période de soixante et seize ans, à la fin de laquelle on retrancherait un jour. Cette période fut nommée Calippique, du nom de son auteur: quoique moins ancienne que le saros des Chaldéens, elle lui est inférieure pour l'exactitude.

Vers le temps d'Alexandre, Pythéas illustra Marseille, sa patrie, comme géographe et comme astronome. On lui doit une observation de la longueur méridienne du gnomon, au solstice d'été, dans cette ville; c'est la plus ancienne observation de ce genre après celle de TcheouKong. Elle est précieuse en ce qu'elle confirme la diminution successive de l'obliquité de l'écliptique. On doit regretter que les anciens astronomes n'aient pas fait un plus grand usage du gnomon, qui comporte bien plus d'exactitude que leurs armilles. En prenant quelques précautions faciles pour niveler la surface sur laquelle l'ombre se projette, ils auraient pu nous laisser sur les déclinaisons du Soleil et de la Lune des observations qui seraient maintenant fort utiles.

CHAPITRE II.

DE L'ASTRONOMIE DEPUIS LA FONDATION DE L'ÉCOLE D'ALEXANDRIE
JUSQU'AUX ARABES.

Jusqu'ici l'Astronomie pratique des divers peuples n'a présenté que des observations relatives aux phénomènes des saisons et des éclipses, objets de leurs besoins ou de leurs frayeurs. Quelques périodes fondées sur de très longs intervalles de temps, et d'heureuses conjectures sur la constitution de l'univers, mêlées à beaucoup d'erreurs, formaient toute leur Astronomie théorique. Nous voyons pour la première fois dans l'école d'Alexandrie un système combiné d'observations faites avec des instruments propres à mesurer des angles, et calculées par les méthodes trigonométriques. L'Astronomie prit alors une forme nouvelle, que les siècles suivants n'ont fait que perfectionner. La position des étoiles fut déterminée avec plus d'exactitude qu'on ne l'avait fait encore les inégalités des mouvements du Soleil et de la Lune furent mieux connues; on suivit avec soin les mouvements des planètes. Enfin l'école d'Alexandrie donna naissance au premier système astronomique qui ait embrassé l'ensemble des phénomènes célestes, système, à la vérité, bien inférieur à celui de l'école de Pythagore, mais qui, fondé sur la comparaison des observations, offrait, dans cette comparaison même, le moyen de le rectifier et de s'élever au vrai système de la nature, dont il est une ébauche imparfaite.

Après la mort d'Alexandre, ses principaux capitaines se divisèrent son empire, et Ptolémée Soter eut l'Egypte en partage. Son amour pour les sciences et ses bienfaits attirèrent dans Alexandrie, capitale de ses États, un grand nombre de savants de la Grèce. Héritier de son

OEuvres de L. VI.

52

tròne et de ses goûts, son fils Ptolémée Philadelphe les y fixa par une protection particulière. Il leur donna pour demeure un vaste édifice, qui renfermait un observatoire et cette fameuse bibliothèque, formée par Démétrius de Phalère, avec tant de soins et de dépenses. Ayant ainsi les instruments et les livres qui leur étaient nécessaires, ils se livraient sans distraction à leurs travaux, qu'excitait encore la présence du prince qui venait s'entretenir souvent avec eux. Le mouvement imprimé aux sciences par cette école et les grands hommes qu'elle produisit ou qui lui furent contemporains font de l'époque des Ptolémées l'une des plus mémorables de l'histoire de l'esprit humain.

Aristille et Timocharis furent les premiers observateurs de l'école d'Alexandrie; ils fleurirent vers l'an 300 avant notre ère. Leurs observations sur la position des principales étoiles du zodiaque firent découvrir à Hipparque la précession des équinoxes, et servirent de base à la théorie que Ptolémée donna de ce phénomène.

Le premier astronome que cette école nous offre après eux est Aristarque de Samos. Les éléments les plus délicats de l'Astronomie paraissent avoir été l'objet de ses recherches; malheureusement elles ne sont point parvenues jusqu'à nous. Le seul de ses Ouvrages qui nous reste est son Traité Des grandeurs et des distances du Soleil et de la Lune, dans lequel il expose la manière ingénieuse dont il essaya de déterminer le rapport de ces distances. Aristarque mesura l'angle compris entre les deux astres au moment où il jugea l'exacte moitié du disque lunaire éclairée. A cet instant, le rayon visuel mené de l'œil de l'observateur au centre de la Lune est perpendiculaire à la ligne qui joint les centres de la Lune et du Soleil ; ayant donc trouvé l'angle à l'observateur plus petit que l'angle droit, d'un trentième de cet angle, il en conclut que le Soleil est dix-neuf fois plus éloigné de nous que la Lune; résultat qui, malgré son inexactitude, reculait les bornes de l'univers beaucoup au delà de celles qu'on lui assignait alors. Dans ce Traité, Aristarque suppose les diamètres apparents du Soleil et de la Lune égaux entre eux et à la partie de la circonférence, valeur beaucoup trop grande; mais il corrigea dans la suite cette erreur; car nous tenons d'Archi

180

[ocr errors]

720

mède qu'il faisait le diamètre du Soleil égal à la partie du zodiaque, ce qui tient le milieu entre les limites qu'Archimède lui-même, peu d'années après, assigna par un procédé très ingénieux à ce diamètre. Cette correction fut inconnue à Pappus, géomètre célèbre d'Alexandrie qui vécut dans le ve siècle et qui commenta le traité d'Aristarque. Cela peut faire soupçonner que l'incendie d'une partie considérable de la bibliothèque d'Alexandrie, pendant le siège que César soutint dans cette ville, avait déjà fait disparaître la plupart des écrits d'Aristarque, ainsi qu'un grand nombre d'autres ouvrages également précieux.

Aristarque fit revivre l'opinion de l'école Pythagoricienne sur le mouvement de la Terre; mais nous ignorons jusqu'à quel point il avait avancé par ce moyen l'explication des phénomènes célestes. Nous savons seulement que ce judicieux astronome, considérant que le mouvement de la Terre n'affecte point d'une manière sensible la position apparente des étoiles, les avait éloignées de nous incomparablement plus que le Soleil ; il paraît être ainsi dans l'antiquité celui qui eut les plus justes notions de la grandeur de l'univers. Elle nous ont été transmises par Archimède, dans son Traité de l'Arénaire. Ce grand géomètre avait découvert le moyen d'exprimer tous les nombres, en les concevant formés de périodes successives de myriades de myriades les unités de la première étaient des unités simples; celles de la seconde étaient des myriades de myriades, et ainsi de suite; il désignait les parties de chaque période par les mêmes caractères que les Grecs employaient dans leur numération jusqu'à cent millions. Pour faire sentir l'avantage de sa méthode, Archimède se propose d'exprimer le nombre des grains de sable que la sphère céleste peut contenir, problème dont il accroît la difficulté, en choisissant l'hypothèse qui donne à cette sphère la plus grande étendue : c'est dans cette vue qu'il expose le sentiment d'Aristarque.

La mesure de la Terre attribuée à Eratosthène est la première tentative de ce genre que nous offre l'histoire de l'Astronomie. Il est très vraisemblable que longtemps auparavant on avait essayé de mesurer la Terre; mais il ne reste de ces opérations que quelques évaluations de

« ForrigeFortsett »