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CHAPITRE XI.

DU MOUVEMENT DES PLANÈTES AUTOUR DU SOLEIL,

Si l'homme s'était borné à recueillir des faits, les Sciences ne seraient qu'une nomenclature stérile, et jamais il n'eût connu les grandes lois de la nature. C'est en comparant les faits entre eux, en saisissant leurs rapports et en remontant ainsi à des phénomènes de plus en plus étendus qu'il est enfin parvenu à découvrir ces lois, toujours empreintes dans leurs effets les plus variés. Alors la nature, en se dévoilant, lui a montré un petit nombre de causes donnant naissance à la foule des phénomènes qu'il avait observés; il a pu déterminer ceux qu'elles doivent faire éclore, et lorsqu'il s'est assuré que rien ne trouble l'enchainement de ces causes à leurs effets, il a porté ses regards dans l'avenir, et la série des événements que le temps doit développer s'est offerte à sa vue. C'est uniquement encore dans la théorie du Système du monde que l'esprit humain, par une longue suite d'efforts heureux, s'est élevé à cette hauteur. La première hypothèse qu'il a imaginée pour expliquer les apparences des mouvements planétaires n'a dù être qu'une ébauche imparfaite de cette théorie; mais en représentant d'une manière ingénieuse ces apparences, elle a donné le moyen de les soumettre au calcul, et l'on verra que, en lui faisant subir les modifications que l'observation a successivement indiquées, elle se transforme dans le vrai système de l'univers.

Ce que les apparences des mouvements planétaires offrent de plus remarquable est leur changement de l'état direct à l'état rétrograde, changement qui ne peut être évidemment que le résultat de deux mou

vements alternativement conspirants et contraires. L'hypothèse la plus naturelle pour les expliquer est celle qu'imaginèrent les anciens astronomes, et qui consiste à faire mouvoir dans le sens direct les trois planètes supérieures sur des épicycles dont les centres décrivent, dans le même sens, des cercles autour de la Terre. Il est visible qu'alors, si l'on conçoit la planète au point de son épicycle le plus bas ou le plus voisin de la Terre, elle a dans cette position un mouvement contraire à celui de l'épicycle qui toujours est transporté parallèlement à lui-même ; en supposant donc que le premier de ces mouvements l'emporte sur le second, le mouvement apparent de la planète sera rétrograde et à son maximum. Au contraire, la planète étant au point le plus élevé de son épicycle, les deux mouvements conspirent et le mouvement apparent est direct et le plus grand possible. En allant de la première à la seconde de ces positions, la planète continue d'avoir un mouvement apparent rétrograde, qui diminue sans cesse, devient nul, et se change dans un mouvement direct. Mais l'observation fait voir que le maximum du mouvement rétrograde a constamment lieu au moment de l'opposition de la planète avec le Soleil; il faut donc que chaque épicycle soit décrit dans un temps égal à celui de la révolution de cet astre, et que la planète soit à son point le plus bas lorsqu'elle est opposée au Soleil. Alors on voit la raison pour laquelle le diamètre apparent de la planète en opposition est à son maximum. Quant aux deux planètes inférieures, qui ne s'écartent jamais du Soleil au delà de certaines limites, on peut également expliquer leurs mouvements alternativement directs et rétrogrades en les supposant mues, dans le sens direct, sur des épicycles dont les centres décrivent, chaque année et dans le même sens, des cercles autour de la Terre, et en supposant, de plus, qu'au moment où la planète atteint le point le plus bas de son épicycle, elle est en conjonction avec le Soleil. Telle est l'hypothèse astronomique la plus ancienne, et qui, adoptée et perfectionnée par Ptolémée, a pris le nom de cet astro

nome.

Rien n'indique, dans cette hypothèse, les grandeurs absolues des cercles et des épicycles; les apparences ne donnent que les rapports de

leurs rayons. Aussi Ptolémée ne parait pas s'être occupé de rechercher les distances respectives des planètes à la Terre; seulement il supposait plus éloignées les planètes supérieures, dont la révolution est plus longue; il plaçait ensuite au-dessous du Soleil l'épicycle de Vénus, et plus bas celui de Mercure. Dans une hypothèse aussi indéterminée, on ne voit point pourquoi les arcs de rétrogradation des planètes supérieures sont d'autant plus petits qu'elles sont plus éloignées, et pourquoi les rayons mobiles des épicycles supérieurs sont constamment parallèles au rayon vecteur du Soleil et aux rayons mobiles des deux cercles inférieurs. Ce parallélisme, que Kepler avait déjà introduit dans l'hypothèse de Ptolémée, est clairement indiqué par toutes les observations du mouvement des planètes, parallèlement et perpendiculairement à l'écliptique. Mais la cause de ces phénomènes devient évidente, si l'on conçoit ces épicycles et ces cercles égaux à l'orbe du Soleil. II est facile de s'assurer que l'hypothèse précédente, ainsi modifiée, revient à faire mouvoir toutes les planètes autour du Soleil, qui, dans sa révolution réelle ou apparente autour de la Terre, emporte les centres de leurs orbites. Une disposition aussi simple du système planétaire ne laisse plus rien d'indéterminé, et montre avec évidence la relation des mouvements directs et rétrogrades des planètes avec le mouvement du Soleil. Elle fait disparaitre de l'hypothèse de Ptolémée les cercles et les épicycles décrits annuellement par les planètes, et ceux qu'il avait introduits pour expliquer leurs mouvements perpendiculaires à l'écliptique. Les rapports que cet astronome a déterminés entre les rayons des deux épicycles inférieurs et les rayons des cercles que leurs centres décrivent expriment alors les moyennes distances des planètes au Soleil, en parties de la distance moyenne du Soleil à la Terre, et ces mêmes rapports, renversés pour les planètes supérieures, expriment leurs moyennes distances au Soleil ou à la Terre. La simplicité de cette hypothèse suffirait donc seule pour la faire admettre; mais les observations que nous devons au télescope ne laissent aucun doute à son égard.

On a vu précédemment que les éclipses des satellites de Jupiter dé

terminent la distance de cette planète au Soleil, et il en résulte qu'elle décrit autour de lui un orbe presque circulaire. On a vu encore que les apparitions et les disparitions de l'anneau de Saturne donnent sa distance à la Terre, environ neuf fois et demie plus grande que celle de la Terre au Soleil, et, suivant les déterminations de Ptolémée, ce rapport est à fort peu près celui du rayon de l'orbite de Saturne au rayon de son épicycle, d'où il suit que cet épicycle est égal à l'orbite solaire, et qu'ainsi Saturne décrit à peu près un cercle autour du Soleil. Les phases observées dans les deux planètes inférieures prouvent évidemment qu'elles se meuvent autour du Soleil. Suivons, en effet, le mouvement de Vénus et les variations de son diamètre apparent et de ses phases. Lorsque, le matin, elle commence à se dégager des rayons du Soleil, on l'aperçoit, avant le lever de cet astre, sous la forme d'un croissant, et son diamètre apparent est à son maximum; elle est donc alors plus près de nous que du Soleil, et presque en conjonction avec lui. Son croissant augmente et son diamètre apparent diminue, à mesure qu'elle s'éloigne du Soleil. Parvenue à 50° environ de distance de cet astre, elle s'en rapproche en nous découvrant de plus en plus son hémisphère éclairé; son diamètre apparent continue de diminuer jusqu'au moment où elle se plonge le matin dans les rayons du Soleil. A cet instant, Vénus nous paraît pleine, et son diamètre apparent est à son minimum; elle est donc, dans cette position, plus loin de nous que le Soleil. Après avoir disparu pendant quelque temps, cette planète reparaît le soir, et reproduit, dans un ordre inverse, les phénomènes qu'elle avait montrés avant sa disparition. Son hémisphère éclairé se détourne de plus en plus de la Terre; ses phases diminuent, et en même temps son diamètre apparent augmente à mesure qu'elle s'éloigne du Soleil. Parvenue à 50° environ de distance de cet astre, elle revient vers lui; ses phases continuent de diminuer, et son diamètre d'augmenter, jusqu'à ce qu'elle se plonge de nouveau dans les rayons solaires. Quelquefois, dans l'intervalle qui sépare sa disparition du soir de sa réapparition du matin, on la voit, sous la forme d'une tache, se mouvoir sur le disque

du Soleil. Il est clair, d'après ces phénomènes, que le Soleil est à peu près au centre de l'orbite de Vénus, qu'il emporte en même temps. qu'il se meut autour de la Terre. Mercure nous offre des phénomènes semblables à ceux de Vénus; ainsi le Soleil est encore au centre de son orbite.

Nous sommes donc conduits, par les apparences des mouvements et des phases des planètes, à ce résultat général, savoir, que tous ces astres se meuvent autour du Soleil, qui, dans sa révolution réelle ou apparente autour de la Terre, parait emporter les foyers de leurs orbites. Il est remarquable que ce résultat dérive de l'hypothèse de Ptolémée, en y supposant égaux à l'orbe solaire les cercles et les épicycles décrits chaque année dans cette hypothèse, qui cesse alors d'être purement idéale et propre uniquement à représenter à l'imagination les mouvements célestes. Au lieu de faire tourner les planètes autour de centres imaginaires, elle place au foyer de leurs orbites de grands corps, qui, par leur action, peuvent les retenir sur ces orbites; et elle nous fait ainsi entrevoir les causes des mouvements circulaires.

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