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CHAPITRE V.

Des Entreprises des Jésuites sur les droits de la hiérarchie.

I. Le titre de pasteur universel, que les papes s'attribuèrent en vertu de la jurisprudence canonique établie par les fausses décrétales, tendait à priver tous les autres pasteurs de leur divine institution, à n'en faire que de simples délégués du pontife romain, et par conséquent à n'avoir qu'une juridiction précaire. Cette manière de considérer la hiérarchie était assez généralement en vogue, lorsque les jésuites parurent dans le monde. Ce n'est donc point eux qui l'ont inventée ; ils n'ont fait que l'accréditer par leur enseignement, et lui donner toute l'extension dont elle est susceptible. Ils s'y trouvèrent engagés, dés leur naissance, par leur vœu spécial d'obéissance envers le pape; et leur zèle à propager cette doctrine leur valut ces privilèges immenses, à la faveur desquels ils entreprirent de s'affranchir de l'autorité des évêques, et ils parvinrent à jeter la plus étrange confusion dans l'ordre de la juridiction des pasteurs.

Leurs entreprises en ce genre n'eurent point de bornes. Elles s'étendirent à toutes les fonctions du sacerdoce, ne purent être contenues par aucune autorité, et ils se jouèrent de toutes les mesures prises, en différentes circonstances, pour les réprimer, et pour les soumettre aux règles du droit commun. Les pasteurs des deux ordres en éprouvèrent une insubordination qui donna souvent lieu à des scandales, dont ils réussissaient à rejeter l'odieux sur leurs adversaires, par leur adresse à intéresser tour à tour les cours des princes et celle de Rome en leur faveur, quelquefois à compromettre ensemble les deux puissances, pour profiter de leur division, au profit de leurs prétentions particulières. En France, ils éprouvèrent plus d'opposition que partout ailleurs, parce que les droits de la hiérarchie Ꭹ étaient mieux connus que dans les autres Églises, qu'ils y formaient une partie du droit public du royaume, et qu'ils avaient dans les parlemens des soutiens que crainte des excommunications injustes, lancées par les papes, n'effrayaient pas. Les assemblées du clergé, les évêques, dans leurs diocèses respectifs, se virent néanmoins dans la nécessité de lutter souvent contre leurs prétentions sans cesse renaissantes. De-là cette bruyante guerre qui remplit notre Église de troubles durant tout le cours du dix-septième siècle, et qui

la

laissa encore bien des traces, après que ceux qui l'avaient excitée eurent été plutôt comprimés que

soumis.

II. Saint Ignace, en envoyant le P. Lainez au Concile de Trente, lui avait recommandé d'éviter toute nouvelle opinion, de s'y conduire toujours avec la modestie et la discrétion convenables à l'état d'un religieux. Mais soit avant. soit après sa promotion au généralat de son ordre, cet homme audacieux et entreprenant ne tint aucun compte de cet avis salutaire ; il parla toujours avec hauteur, et annonça des prétentions dont les évêques eurent lieu d'être très mécontens. Il soutint avec beaucoup de chaleur que toute la puissance de juridiction qui existe dans l'Église prend sa source dans celle du pape; que celle des autres pasteurs n'en est que l'écoulement; qu'ils ne la reçoivent de lui qu'avec une certaine mesure; que le pape, pasteur universel, peut la restreindre et en attribuer une portion plus ou moins grande à des administrateurs particuliers, indépendans des ordinaires. Il ne craignit pas que les maximes de France, à cet égard, étaient contraires à celles de l'Église universelle, etc.

d'avancer

Les prélats et les docteurs français furent révoltés de ce système. Le cardinal de Lorraine

obligea le jésuite à se rétracter dans une assemblée particulière, et l'évêque de Paris le réfuta péremptoirement en plein concile. « Je veux, » dit-il, encourager par mon exemple les pères » du concile à empêcher que l'autorité épisco» pale, déjà si rabaissée, ne soit enfin anéantie >> par toutes les congrégations de réguliers et de » moines qu'on voit pulluler de jour en jour. >> Nous en avons la preuve sous les yeux, dans » une compagnie née depuis deux jours, et qui, » selon le jugement qu'en a porté l'Université » de Paris, n'est venue que pour faire des dogmes >> nouveaux dans la foi, troubler le repos de l'É»glise, et renverser la hiérarchie. Elle s'efforce >> d'abolir entièrement la juridiction épiscopale, » de la faire précaire et d'institution humaine, » voulant par-là justifier la désobéissance aux

évêques et enchérir sur les attentats que leur » ont portés les autres ordres qui l'ont précé» dée (1). » On voit par-là, disait Gentien Hervet, que les jésuites, dès leur naissance, se montrèrent les flatteurs des papes et les promoteurs de toutes les prétentions de la cour de Rome (2).

La condition que le clergé avait mise à son con

(1) Fra-Paolo, Hist. du concile de Trente, liv. VII. (2) Jesuitæ, sub ipsa Societatis initia, vitiis pontifi

sentement, dans l'acte de Poissy, cn les obligeant de renoncer à leurs priviléges et d'être soumis au droit commun, ne les avait pas retenus, Voilà pourquoi Henri IV crut devoir la leur rappeler avec de nouvelles injonctions par l'édit de leur rétablissement. «Ne pourront ceux de ladite » Compagnie, y est-il dit, entreprendre ne faire >> aucune chose, tant au spirituel qu'au tempo»rel, au préjudice des évêques, chapitres, cu» rés, universités de notre royaume, ne les autres >> religieux ne pourront pareillement prêcher, » administrer les sacremens, ni même celui de » la confession, si ce n'est par la permission des » évêques diocésains. » Cette clause leur avait singulièrement déplu, ils s'y soumirent cependant, sauf à n'y avoir aucun égard. Effectivement, dès l'année même de leur rétablissement, ils firent afficher des placards dans Paris, pour engager les fidèles à venir recevoir les sacremens dans leurs églises (1); ce qui était une infraction manifeste à l'édit qui leur avait défendu expressément tout exercice public des fonctions du ministère dans la capitale. A la vérité, ils s'y étaient fait autoriser par une permission

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cum curiæ Romanæ adulabantur. (Epist. ann. 1563 ad Salmer.)

(1) Pasquier, Recherches, liv. m, pag, 334.

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