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prétexte qu'elle n'avait pas encore été approuvéé à Rome. « Ces enfans, disaient-ils dans leur re»lation, firent voir, en cette occasion, un cou» rage admirable au milieu d'un péril si injuste » et si imminent, et l'on ne put jamais tirer >> d'eux autre chose que ce que nous leur avions >> enseigné; qu'à la vérité on doit craindre et » honorer son roi, mais que c'est au pape à dé» clarer qu'il est roi légitime (1). » Après même que le pape eut parlé, ils se trouvèrent compromis dans tous les attentats contre la personne de ce prince. « Je tremble au seul nom de Barrière,' >> disait le premier président de Harlay, en » adressant la parole à Henri IV; enrôlé par » Société, armé par Varade, muni de l'abso»lution qu'il avait reçue, et du précieux corps » de Jésus-Christ, il s'engagea, par serment, » d'enfoncer le poignard dans le sein de Sa » Majesté. » Comme ce fanatique doutait si la conversion de Henri ne devait pas lui faire abandonner l'exécution de son parricide, Varade recteur du collège de Clermont, à qui il avait été adressé par le curé Aubri, leva son scrupule, en lui représentant que la conversion du roi était feinte et simulée ; que le seul moyen de mettre la

(1) Litteræ soc. Jesu, ann. 1594 et 95. (Neapoli, 1607, pag. 265.)

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religion en sûreté, était de tuer le Béarnais (1). Les jésuites se sont inscrits en faux contre cette anecdote; mais la vérité en est attestée par l'arrêt du parlement, par l'édit de 1595, par Pasquier qui avait eu communication des pièces du procès, par le P. Barny dans la défense de ses confrères contre l'Université: ce père prétend excuser Varade de n'avoir pas révélé le projet d'assassinat, en disant qu'il regarda Barrière comme un homme peu sage et peu sensé; mais n'était-ce pas là, au contraire, une raison de' plus de le faire surveiller, au lieu de le confirmer dans son détestable projet ?

Châtel, dit-on, ne chargea aucun jésuite, nominativement, de l'avoir porté à assassiner Henri IV; mais n'est-il pas prouvé qu'il ne cessa, dans tous ses interrogatoires, de dire que c'était à leur école et dans leurs livres, dans leurs entretiens, dans leurs exercices de religion, qu'il avait appris à regarder ce parricide comme une action méritoire et expiatoire de ses péchés, parce que le roi n'étant pas encore réconcilié avec l'Église l'autorité du pape, il ne pouvait être considéré que comme un tyran; que tel était le sentiment général de la Société ; que tous les écrits trouvés chez le P. Guignard, son professeur de

par

(1) De Thou, Ubi supr.

philosophie, justifièrent pleinement toutes les dépositions du disciple. On y lisait que Henri III et Henri IV n'étaient pas des rois légitimes; on y faisait l'apologie de la Saint-Barthélemi, et l'éloge de Jacques Clément. « Si l'on ne peut pas » déposer le Béarnais sans guerroyer, y disait»on, qu'on le guerroie ; si l'on ne peut pas faire » la guerre sans causer sa mort, qu'on le tue ». On y exprimait le vœu de voir la couronne passer à une autre dynastie que celle des Bourbons; enfin, on connaît le propos de Henri IV, en apprenant que Châtel avait été élevé chez les jésuites: «< N'était donc pas assez, s'écria-t-il, que, >> par la bouche de tant de gens de bien, ceux » de cette secte fussent réputés ne m'aimer pas, » s'ils n'en étaient convaincus par ma propre » bouche et par mon sang espandu!»>

Ces faits et autres semblables ne sont point contestés. Le P. Jouvency se borne à dire que les livres saisis chez le P. Guignard étaient anté-. rieurs à l'édit d'amnistie. Mais cet édit ne contenait-il pas l'ordre positif de brûler tous les écrits de ce genre? Il ajoute que le recteur lui avait ordonné de les conserver pour être déposés. à la bibliothèque. Quel intérêt pouvait-on donc avoir de conserver avec tant de soin ces monumens de folie et de fanatisme? Se proposait-onde les reproduire dans des circonstances plus

favorables? Ce n'était pas, du reste, chez le P. Guignard seul que ces sortes d'écrits étaient mis en réserve. Richer rapporte, dans son histoire manuscrite de l'Université, qu'il y en avait de semblables chez le P. Hay, professeur de rhéto¬ rique, et que Pierre Pithou y ayant devancé les commissaires du parlement, eut l'adresse de les soustraire à leurs recherches. On peut bien penser que ces deux jésuites n'étaient pas les seuls qui eussent leur bibliothèque fournie de livres de cette espèce, qui ne présentaient d'ailleurs que les conséquences pratiques du dogme qu'on a si justement appelé le péché originel de la société.

IV. En appliquant toute cette théologie au cas particulier dont il est ici question, on conçoit facilement comment la doctrine des maîtres aurait pu passer dans la tête des disciples et troubler leur raison; comment Châtel, à force d'entendre dire que le moyen le plus assuré d'obtenir la rémission de ses péchés, ou du moins d'en diminuer la peine, étant de tuer un roi encore réputé hérétique, a pu former le projet de son attentat. Ainsi, sous quelque rapport qu'on le considère, les jésuites ne sauraient être entièrement justifiés d'y avoir contribué plus ou moins directement. Je ne sais où le P. Jouvency a pris que le premier président de Harlay, revenu de sa prévention,

blama la sévérité dont on avait usé envers le P. Guignard; car je n'en trouve rien dans l'endroit de l'histoire de M. de Thou qu'il cite. Le contraire même résulte de la remontrance de ce magistrat à Henri IV, huit ans après l'événement. Ce qui explique cette sévérité, c'est le reproche que les magistrats se firent d'avoir usé de trop d'indulgence envers les jésuites, en se laissant arracher, par leurs intrigues, l'arrêt de surséance qu'il leur avait accordé dans leur procès avec l'Université, convaincus que s'ils en eussent fait alors bonne justice, ils auraient prévenu le nouvel attentat. Tel était l'avis d'Etienne Fleury, doyen des conseillers, l'homme du monde le plus éloigné des conseils turbulens; tel fut encore celui du vieux président de Thou, que son fils représente comme un magistrat d'une probité reconnue, d'un caractère incapable de tout déguisement, et qui avait témoigné la plus vive indignation contre ceux « qui, par une malheureuse politique, » avaient opiné pour la surséance. » L'arrêt était d'ailleurs une mesure de haute police, comme cela arrive dans les temps de sédition où l'on n'est pas astreint aux formes ordinaires.

L'arrêt du parlement de Paris, qui condamna les jésuites à être bannis du royaume, fut suivi d'arrêts semblables rendus par les autres parlemens, excepté par ceux de Toulouse et de

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