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jésuites sur le clergé, qu'aucun autre des prélats des assemblées de Conflans et de Paris, n'osa tenir l'engagement qu'il y avait contracté ; que parmi les autres membres du corps épiscopal, il n'y eut que l'archevêque de Lyon, l'évêque d'Angers et l'évêque d'Alais, qui adoptèrent l'instruction de Soissons. Le premier, surtout, en donna une excellente analyse, et il y ajouta la réfutation des Réflexions posthumes du P. Berruyer sur la foi, imprimées à Berne, sous la rubrique de Trévoux, qui furent condamnées à Rome par un décret du saint-office, du 6 juin 1764, et qu'on répandait avec affectation dans le diocèse de Lyon. M. de Bezons, évêque de Carcassonne, fit de vains efforts, dans l'assemblée métropolitaine de Narbonne, pour qu'on y chargeât les députés à l'assemblée générale du clergé d'y solliciter la condamnation de l'ouvrage; sa demande fut absolument rejetée. Ce ne fut même qu'après de longs et de très vifs débats, qu'il put obtenir que sa pétition serait insérée au procèsverbal. On sent bien que tous ces prélats durent encourir la note de jansénistes.

Enfin l'autorité civile se joignit à l'autorité pontificale et à la minorité des prélats, pour proscrire, dans l'intérêt de la morale publique, un ouvrage qui, sous tous les rapports, méritait la flétrissure la plus solennelle et la plus authen

tique. Dès 1750, le parlement de Paris, sur la réquisition de l'avocat-général Joly de Fleury, avait condamné le livre à être brûlé par la main du bourreau.

VI. Toute la conduite des jésuites dans cette affaire fait ressortir, d'une manière bien plus saillante que dans aucune autre, l'esprit qui les animait, et justifie parfaitement le caractère que Fénélon attribuait à leur Société quand il disait, avant d'être subjugué par eux, que la religion y était toujours subordonnée à la politique. Elle justifie également cette réflexion de M. de Monclar: « Je ne compte point des déclarations forcées,

imparfaites, équivoques, qui décèlent presque »toutes, par des restrictions étudiées, l'atta>>chement à la doctrine qu'on feint de désavouer, » et dont chacune fait voir la fausseté et l'insuf>> fisance de celle qui l'a précédée. » Le parlement de Paris était donc bien fondé à déclarer, par son arrêt du 6 août 1762, « illusoires et nul» les les déclarations des désaveux ou rétracta>>tions des membres de la Société, comme censées >> faites en exécution d'aucuns principes de leur >> doctrine et pratique, et comme étant d'ailleurs » toujours démenties ensuite par la continuation » dudit enseignement, et par la redistribution

» et réimpression des ouvrages désavoués en >> apparence. »>

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Les erreurs des PP. Hardouin et Berruyer étaient très graves, et n'étaient susceptibles d'aucune justification; elles avaient été manifestement condamnées, et sans la moindre équivoque, par le Saint-Siége, par les prélats les plus distingués, par la Faculté de théologie de Paris, et réfutées par les plus habiles théologiens. L'intérêt de la religion et celui de leur propre honneur, faisaient aux jésuites un devoir rigoureux de se prononcer ouvertement contre des excès aussi révoltans, non par de simples désaveux, par de vagues et insignifiantes déclarations, mais par une condamnation publique, précise, qui n'aurait laissé lieu à aucun subterfuge ils n'avaient que ce moyen de se justifier aux yeux de l'univers catholique qui les inculpait. Or, non seulement on ne vit sortir de la Société aucune marque d'animadversion, ni contre les coupables, ni contre leurs apologistes; plusieurs, au contraire, de ces derniers y furent honorés, tandis que leurs adversaires n'éprouvèrent que des désagrémens, ou du moins ne purent point obtenir la permission de les réfuter par des écrits publics. Le P. Berthier dit bien que les supérieurs avaient désapprouvé la seconde partie de l'ouvrage de Berruyer; mais

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où en est la preuve? Nous en avons vu le contraire dans le P. Berthier lui-même. Pourquoi s'étaient-ils empressés de la faire imprimer aussitôt après la mort du P. Tournemine dont ils redoutaient la réclamation? Pourquoi avaient-ils favorisé la publication de tant de libelles contre ceux qui l'avaient attaquée? Pourquoi attendirentils la veille de la destruction du corps, et jusqu'au moment où il leur était devenu impossible de suspendre l'impression du jugement doctrinal de la Faculté de théologie de Paris, et où l'instruction de Soissons venait de mettre à découvert tout ce que les systèmes de leurs deux confrères avaient de plus répréhensible? Aussi l'estimable journaliste ne put-il s'empêcher de témoigner ses regrets de ce qu'on eût tant différé à désapprouver l'ouvrage, et à lui refuser la permission d'en publier la réfutation. Enfin, ce qui démontre combien le corps y prenait intérêt, c'est que, dès l'année même de leur rétablissement à Rome, ils n'ont eu rien de plus pressé que d'en donner une nouvelle édition dans cette ville. En France, depuis qu'ils se sont remis en possession de la clé de la science, on le recommande aux simples fidèles, on l'introduit dans les couvens, on le fait lire au réfectoire, dans les séminaires, et cela au mépris des censures émanées de l'autorité des papes, des évêques, des facultés de théologie. Aussi les pres

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ses ne peuvent-elles suffire à l'avidité de leurs dévots; et l'on croit avoir remédié à tout le mal, moyennant les corrections équivoques de quelque théologien d'une science suspecte. Quis talia fanda à lacrymis! Tous ces faits n'attestentils pas que cet ouvrage, par lequel l'auteur avait mis le comble au scandale, était véritablement un ouvrage de corps? Qui ne serait tenté de penser que tant d'erreurs sorties de la Société, ou protégées par elle, accréditées par son enseignement, et qui à l'époque de sa résurrection ont repris leur ancienne vogue, n'aient dans l'ordre de la Providence contribué à la catastrophe, dont il nous reste maintenant à tracer l'histoire?

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