Sidebilder
PDF
ePub
[ocr errors]

Bordeaux, où les anciens chefs de la ligue dominaient. Le Roi les confirma par une déclaration générale, enregistrée sans difficulté, la même année 1595, dans ceux de Rouen, de Rennes et de Dijon. Les jésuites ne se sont avisés de nier l'authenticité de cette déclaration qu'en 1762, c'est-à-dire, un siècle et demi après sa publication, sous prétexte qu'il n'en est point fait mention dans les instructions des cardinaux Duperron et d'Ossat. Mais ne leur était-il pas expressément recommandé « de représenter au pape les » justes causes qui avaient mu les parlemens à >> bannir les jésuites du royaume, et forcé Sa » Majesté d'y consentir (1) » ? ce qui fait manifestement allusion à un acte positif de l'autorité royale, pour sanctionner les arrêts des parlemens, et en rendre les dispositions générales à toute la France. Il est vrai que cette loi éprouva quelques difficultés dans le ressort des parlemens de Toulouse et de Bordeaux, pour la raison que nous en avons donnée, mais c'est de cette difficulté même que sort la preuve positive de son authenticité; car l'article 52 de la capitulation par laquelle la première de ces villes rentra sous l'obéissance du roi, portait : « qu'encore que Sa

[ocr errors]
[ocr errors]

Majesté cût fait une déclaration générale tou

(1) Ambassades de Duperron, pag. 146.

>> chant les jésuites, elle était suppliée de les » remettre dans ladite ville, ce qui fut accordé >> provisoirement (1). » Aussi, vérification faite, cette déclaration s'est-elle trouvée dans les greffes de tous les parlemens (2).

Le roi, après avoir rappelé en détail, dans le dispositif de son édit, les circonstances du crime de Châtel et de la complicité des jésuites dans cet attentat, ajoute : « Nous ordonnons que les prê>> tres et écoliers du collège de Clermont et tous >> autres soi-disans de ladite société et congré»gation, en quelque lieu et ville de notre royau» me qu'ils soient, comme corrupteurs de la » jeunesse, perturbateurs du repos public et nos >> ennemis et de l'état et couronne de France, >> en vuideront dans trois jours, après que le >> commandement leur en aura été fait, et quinze »jours après de notre royaume ; que ledit temps » passé, où ils seront trouvés, ils soient punis >> comme coupables de crime de lèse-majesté, » les déclarant dès à présent indignes posses>> seurs des biens qu'ils tiennent en notre royau>> me, et faisons en outre très expresses inhibi>>>tions à tous nos sujets de quelqu'état, qualité

[ocr errors]

(1) Hist. génér. du Languedoc, tom. v, pag. 479; Pièces justif., pag. 137.

(2) Annal. des jésuites, tom. 1, pag. 605.

» et condition qu'ils soient, d'envoyer des éco>>liers aux colléges de ladite société qui sont >> hors de notre royaume, pour y être instruits, >>>sous la même peine. »>

Henri IV persista jusqu'à la fin dans l'idée qu'il s'était formée de la complicité des jésuites dans les attentats contre sa personne, et dans la justice de l'arrêt du parlement; aussi lorsque ceux de Lorraine lui firent à Verdun des représentations contre cet arrêt, l'année qui précédait leur rappel, il leur répondit: « L'arrêt que mon par>>lement a rendu contre les jésuites, ne l'a été » qu'après de longues et mûres délibérations. »

V. Concluons de tous les faits rapportés dans ce chapitre, 1°. que les jésuites ne furent reçus dans le royaume qu'avec une extrême répugnance; qu'ils ne durent leur établissement qu'à l'influence de l'esprit de faction qui commençait dès-lors à agiter la France; 2°. qu'ils justifièrent la prévention générale par leur conduite dans nos troubles civils, pendant lesquels ils se montrèrent les émissaires des ennemis du dehors et des factieux du dedans; 3°. qu'ils agirent de concert avec ceux qui se proposaient de changer l'ordre légitime de la dynastie royale, soit par leur doctrine, soit par leurs manœuvres; 4o. que le clergé, effrayé de leurs priviléges et de leurs

prétentions contre la juridiction des pasteurs, ne leur accorda son consentement qu'à regret, et qu'à des conditions dont l'inobservation de leur part entraînait la nullité de l'acte de leur réception; 5o. qué par cet acte ils ne furent point considérés comme corps de société, mais comme de simples individus envers lesquels l'état ne formait point un engagement irrévocable; 6o. enfin que par cet acte ils n'avaient obtenu en France qu'une existence provisoire et conditionnelle, ce qui les mettait dans une classe différente de tous les autres corps ecclésiastiques légalement reconnus. Voyons si par leur rétablissement, en 1603, ils sont véritablement sortis de cet état précaire pour entrer dans l'état légal.

W

CHAPITRE II.

Du rétablissement des Jésuites en 1603.

I. LE rétablissement des jésuites par le même prince qui, huit ans auparavant, les avait bannis ignominieusement, est moins difficile à expliquer qu'on ne pense; une réflexion naïve échappée à l'historien de la Société nous en indique la véritable cause. «Henri, dit-il, jugea qu'il était plus » expédient pour lui de les avoir pour amis » que pour ennemis (1). » C'est-à-dire que, sans être rassuré sur leurs desseins, il avait plus à craindre de leur ressentiment, en les laissant dans la disgrâce, que de leurs intrigues en les rappelant dans le royaume. Telle est l'idée qui se présente naturellement à l'esprit, en lisant sa correspondance confidentielle, et ses entretiens intimes avec ses amis et ses ministres.

Il écrivait le 9 janvier 1595, à M. de Buzenval, son ambassadeur auprès des états-généraux: « Je

(1) Consultiùs judicavit habere illos obsequentes et amicos potiùs quàm infensos. Lib. xi, no. 62.

« ForrigeFortsett »