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une hérésie bien autrement dangereuse que celle du jansenisme, et à faire épouser leur cause avec uu enthousiasme inouï par les successeurs de l'illustre épiscopat du grand siècle qui les couvrit de censures.

Quand on veut se former une juste idée de cette Société, et expliquer les contradictions que présente son histoire, il est important de distinguer le régime qui imprimait le mouvement à toute la masse, des membres qui ne faisaient que céder à une impulsion dont ils ignoraient souvent la tendance. Il fallait que tout pliât sous le système du corps dont le secret n'existait

que dans le régime, qui prenait toutes sortes de formes , et savait habilement profiter des vertus et des vices des individus, pour les faire lourner à la gloire de la Société et à l'agrandissement de sa puissance. Voilà pourquoi les jésuites furent toujours haïs en corps, et aimés comme particuliers, parce que l'aversion qu'on avait pour eux ne se dirigeait que contre le régime, et que l'affection était personnelle aux individus. L'abus

que

la Société fit de son ascendant, lui

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suscita des jaloux et des ennemis, dont plusieurs cherchèrent à lui ravir le mérite réel de ses services, par les vues profánes qui semblaient en vicier le principe. En faisant ressortir ses écarts , et les maux que son ambition a causés, nous n'avons pas prétendu lui refuser le juste tribut d'éloges dû à ses travaux. Ainsi nous ne lui contestons pas la gloire que ses premiers théologiens firent rejaillir sur elle par

leurs talens

pour la controverse, qui était alors la science la plus en vogue, ni leurs succès dans les combats qu'ils livrèrent aux novateurs du seizième siècle, ni les vertus qui brillèrent dans plusieurs de ses membres : c'est à tous ces titres qu'elle avait obtenu un témoignage honorable de la part du concile de Trente.

Mais elle s'enorgueillit de tant d'avantages, comme s'en plaignait saint Charles Borromée, qui se vit obligé de lui retirer sa confiance; et elle compta , parmi ses adversaires ou parmi ses censeurs, des hommes respectables et de saints personnages qui, en rendant hommage aux services que l'Église avait retirés descs travaux, virent avec peine, dit Clément XIV, « que la religion n'était chez les jésuites qu'un moyen pour parvenir au but de leur ambition. » Fénélon, avant d'être devenu leur conquête par les bons offices qu'ils lui rendirent dans l'affaire du quiétisme, leur reprochait « de s'être composé une religion qui, chez eux, était toujours tournée en politique, de manière à faire horreur (1).» Bossuet les représentait « comme des Pharisiens occupés à courber la règle de l'Évangile, pour affaiblir tous les préceptes dans leur source (2)..» La Société en était même venue jusqu'à croire sa destinée liée à celle de l'Église, et qu'elle devait participer à sa durée inaltérable dans le cours des siècles. Cette aveugle présomption la roidit contre les réformes, par lesquelles tous les établisseniens religieux réparent les brèches que le temps fait ordinairement à leur constitution, et se renouvellent dans l'esprit de leur état primitif. C'est cette même confiance qui empêcha les jésuites de prendre les précautions

(1) OEuv. de d’Aguesscau, tom. Xur, pag. 178. (2) Élévations, x've serm., pag. 18 ct 20.

convenables pour prévenir leur dernière catastrophe, et de s'apercevoir qu'ils portaient dans leur irréformable constitution, le germe

de leur inévitable ruine.

On lui sut encore mauvais gré de ce qu'au lieu de se renfermer dans la sphère des devoirs de son état , elle se mêlait trop des affaires du monde , ainsi que le remarquait le cardinal de Richelieu; de ce que, loin d'avoir pour les autres Ordres qui couraient la même carrière, les égards de confraternité, elle affectait un dédain insultant qui, pour peu qu'il lui attirât la moindre contradiction, se changeait en un système de persécution contre tout ce qui était en contact avec elle. Aussi, de tous les griefs qui animèrent le plus contre elle, celui qui tenait essentiellement à son caractère, et qui s'est le plus copstainment développé à toutes les époques de son histoire, c'est celle iptolérance qui la portait à ne vouloir souffrir de

celui qui était fait sous sa direction, et à le contrarier partout où il était fait d'une autre manière. De-là cette division scandaleuse qui a toujours existé entre la Société des jésuites et

bien que

toutes les autres Sociétés religieuses, séculières ou régulières, avec celles surtout qui avaient le mieux mérité de l'Église et de l'État, et qui, pour cela même, lui causaient le plus de jalousie. Comment se persuader que des gens, qui toujours et partout se mettent en état d'hostilité avec ceux qui ont reçu la même vocation, seraient aujourd'hui des anges de paix, dans un pays qu'ils ont troublé par un système d'intolérance inhérent à leur constitution?

Qu'est-il besoin, d'après ce tableau, dont tous les traits se reproduisent à chaque page de l'his→ toire des jésuites, d'incidenter sur quelques va gues considérations, sur quelques faits particuliers dénaturés par leurs partisans, pour juger le grand procès qui s'instruit à leur sujet, expliquer les oppositions qu'ils éprouvèrent à l'époque dé leur établissement, et les passions qui ont pu fluer dans leur destruction; d'en revenir perpétuellement à l'animosité des hérétiques, aux projets des ennemis de la religion, et surtout, selon la noble expression d'une illustre éminence, à la haine invétérée des atrabilaires jansénistes :

in

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