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partout pour la gloire de Dieu, s'il se corrompt par les vices de l'esprit, en devient plus formidable : le premier tombe dans la mollesse et la léthargie, le second dans une convulsion d'intrigues et de projets ambitieux: telle est l'histoire de la Société. »

NOTE.

été

Les jésuites, absolument hors d'état de répondre au tableau que M. de Monclar avait fait de leur Société, répandirent, dans le temps, la relation d'une prétendue rétractation de ce magistrat, faite dans sa dernière maladic. Cette fable ayant renouvelée, il y a quelques années, dans le journal intitulé l'Étoile, la famille de M. de Monclar adressa au journaliste les pièces authentiques qui en démontraient la fausseté. Mais elle n'en reçut aucune satisfaction, quoique ces pièces fussent parvenues à leur adresse. Ce procédé de part du rédacteur du journal est parfaitement dans l'esprit des jésuites. Voici le fait :

la

M. de Monclar étant attaqué d'une rétention d'urine qui le conduisit au tombeau, en 1773, dans sa terre de Saint-Saturnin, au diocèse d'Apt, où

il était exilé pendant la révolution parlementaire, M. de la Morlière, évêque d'Apt, qui était entièrement dévoué à la Société, envoya des ordres au vicaire de la paroisse, confesseur du magistrat moribond, pour en obtenir une rétractation de tout ce qu'il avait fait, au sujet des jésuites et des contestations sur le jansénisme. Le vicaire, auquel cette commission répugnait beaucoup, se contenta de demander à haute voix, en présence de onze personnes, parens, amis ou domestiques de son pénitent, après l'avoir confessé et avant de l'administrer, s'il était soumis à toutes les décisions de l'Église. La réponse fut af→ firmative, sans la moindre hésitation et restriction. Le vicaire en instruisit aussitôt le prélat, en lui écrivant : « Je n'ai jamais administré per» sonne en qui j'aie reconnu de plus grands sen>> timens d'amour de Dieu, de regret de l'avoir >> offensé, de soumission aux décisions de l'Église » et d'une foi plus ferme. »

M. de la Morlière, peu satisfait de cette déclaration, adressa de nouveaux ordres au vicaire, pour requérir du malade la rétractation précise et explicite de tout ce que le magistrat avait fait dans l'affaire des jésuites; mais M. de Monclar était mort, lorsque ces nouveaux ordres arriyérent. Le vicaire, homme octogénaire, effrayé

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des menaces que contenait la lettre, craignit de perdre sa place, dont le produit formait toute sa ressource, s'il ne remplissait ponctuellement les injonctions du prélat. Il souscrivit, en conséquence, par faiblesse, une déclaration dont on lui avait envoyé le protocole ainsi conçu : « Je » soussigné, déclare que j'ai entendu en confes»sion M. le marquis de Monclar, lequel n'étant » pas en état de déclarer lui-même ses intentions, » m'a chargé de le faire pour lui, et de déclarer » publiquement, 1o. qu'il est soumis comme » tout catholique doit l'être aux décisions de l'Église, et notamment à la constitution uni» genitus, qu'il regarde comme un jugement >> dogmatique de l'Église universelle ; qu'il ré>> tracte tout ce qu'il peut avoir dit, fait et écrit >> contre l'Église elle-même et sa juridiction spi» rituelle; 2°. qu'il rend hommage aux vertus >> et aux lumières des jésuites; qu'il regarde >> comme pieux l'institut de cette Société, en ce » qui concerne la règle des mœurs et le régime » spirituel, rétractant tout ce qu'il peut avoir » dit, fait et écrit au contraire, avec le regret » d'avoir prêté son ministère à la destruction » d'une Société aussi utile; 3o. qu'il veut vivre. >> et mourir en bon, fidèle et soumis serviteur du » Roi, désavouant tout ce qui, dans sa conduite,

>> peut avoir déplu à Sa Majesté. Tels sont les >> sentimens que M. de Monclar m'a chargé de » rendre publics; en foi de quoi j'ai fait et si»> gné la présente déclaration, à Apt, en pré» sence de Mgr. l'Évêque, le 14 février 1773. » Signé, JOUVAL, prêtre, vicaire de St.-Satur

»> nin. >>>

M. de la Morlière fit aussitôt enregistrer cet acte dans le greffe de son officialité. Il en envoya des copies à tous les évêques. M. de Beaumont, archevêque de Paris, s'empressa d'aller le présenter au Roi et à tous les membres de la famille royale, et il fut inséré dans les gazettes. Quant au pauvre vicaire, il alla, en sortant du palais épiscopal, se lamenter dans toute la ville sur la violence par laquelle on lui avait arraché sa signature, dont dépendait la conservation de son état.

La famille du défunt, qui avait lieu de craindre quelque mauvais procédé de la part de l'évêque contre la mémoire de M. de Monclar, avait eu la précaution de faire dresser, le 13 février, un procès-verbal de tout ce qui s'était passé à l'administration du saint viatique, signé par les onze témoins, y compris le médecin du malade. M. de Salonne, frère du défunt, se rendit à Versailles, le présenta légalisé au Roi; plusieurs

copies en furent répandues dans le public. Toute l'histoire de cette affaire se trouve dans la Lettre d'un gentilhomme d'Apt, qui fut imprimée dans le temps: Ab uno disce omnes.

C'était là l'idée générale de la magistrature française sur les jésuites avant la révolution, c'est-à-dire du corps qui réunissait le plus de science et de vertus, et qui, par la nature de ses fonctions, avait le plus fidèlement conservé les maximes traditionnelles de notre droit public ecclésiastique, telles qu'il les avait reçues des d'Aguesseau, des Fleuri, des Séguier, etc. Je sais que ces maximes n'ont pas aujourd'hui la faveur du clergé français, depuis que l'esprit jésuitique s'est introduit dans ce corps respectable. Mais je pense que l'invasion ne va pas au point de faire regarder comme ennemi, celui qui, élevé à l'école du grand Bossuet et des évêques du beau siècle de l'Église gallicane, s'est attaché à faire voir par quelles ruses cet esprit gagne tous les jours du terrain, et qui n'a eu d'autres vucs

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