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peuvent, d'ailleurs, être sans inquiétude au sujet de l'intégrité de leur territoire. La nécessité, plus morale encore que physique, qui a présidé au tracé de sa configuration, n'a pas cessé d'exister, et on n'y a jamais touché impunément.

L'empereur de la Chine est mort. Il laisse pour héritier un enfant de sept ans, placé sous la tutelle d'un conseil de régence composé des huit grands fonctionnaires de l'empire. Il a soigneusement écarté de ce conseil le prince Kong, son cousin, prince intelligent, trèspopulaire auprès de la démocratie chinoise, et à qui ses courtisans ne se font pas faute de rappeler qu'il est un fils du Ciel déclassé. Si la Chine était un État constitutionnel, il n'y aurait aucun inconvénient à ce que cet enfant restât sur le trône, parce que dans les États de ce genre le roi règne et ne gouverne pas. Mais dans un pays despotique, où la personne du souverain est presque la seule agissante, toutes les chances sont contraires à l'enfant et favorables au prince Kong.

P. LANFREY.

IDÉES ANTI-PROUDHONIENNES SUR L'AMOUR LA FEMME ET LE MARIAGE, par madame Juliette Lamber. 2e édition augmentée d'un examen critique du livre la Guerre et la Paix. 1 vol., chez Dentu.

M. Proudhon n'a pu résister au courant général, et, dans l'un de ses derniers ouvrages, il a voulu, à son tour, donner son opinion sur l'amour, la femme et le mariage, problèmes délicats que ne peut suffire à résoudre une dialectique habituée à combattre les institutions sociales.

L'attaque de M. Proudhon était violente et devait amener de nombreuses protestations. Madame Juliette Lamber a relevé le gant. Sans s'effrayer du redoutable adversaire avec lequel elle a entrepris de se mesurer, elle prend hardiment la défense de la femme et nie l'infériorité naturelle que M. Proudhon attribue à toute une moitié de l'espèce humaine.

A part un talent vigoureux et qu'il faut reconnaître dès l'abord, ce qui étonne et séduit le plus à la lecture des Idées antiproudhoniennes, c'est que madame Juliette Lamber, en s'appliquant à réhabiliter l'amour, fait bien moins appel au sentiment qu'à la raison. Femme d'esprit, luttant contre un dialecticien, c'est aux seules armes de la dialectique qu'elle a recours. Ce n'est point au nom du cœur, mais au nom de la raison qu'elle démontre et soutient sa thèse. Elle croit profondément à l'équité de sa cause et dédaigne de toucher ses juges, ou de surprendre leur conscience par des mouvements oratoires. Pour gagner le procès, il suffisait de prouver que la logique, les idées claires, les opinions philosophiques et même les connaissances scientifiques peuvent fort bien s'allier dans le même cerveau aux grâces de l'esprit féminin. Cette démonstration, madame Juliette Lamber l'avait déjà commencée dans le Mandarin; elle la continue aujourd'hui dans les Idées anti-proudhoniennes.

Ce volume, assez court, mais rempli de verve et de bon sens, mérite d'être lu, nonseulement pour les opinions qu'il combat, mais encore pour celles qu'il défend.

L'auteur, en effet, ne s'est point contenté de réfuter son adversaire, et madame Juliette Lamber résume en une page, que nous recommandons pour sa clarté et sa modération, ses idées personnelles sur la femme et sur le mariage.

LES RÉCRÉATIONS INSTRUCTIVES, recueil publié sous la direction de M. Jules Delbrück. 2e série.

Voici la deuxième série d'un recueil destiné aux jeunes enfants, et dont le premier volume, publié l'année dernière, a reçu un accueil mérité du public spécial auquel il s'adresse.

Dans tout ouvrage de cette nature, le choix des morceaux offerts à l'étude, la méthode suivant laquelle on expose les diverses connaissances ont une importance prédominante. Lorsqu'on s'adresse à des enfants, chez qui l'imagination et le sentiment sont beaucoup plus développés que la raison, il faut plaire aux yeux, et, en excitant la curiosité, en touchant le cœur, arracher graduellement l'intelligence au sommeil qui engourdit ses facultés.

Les Récréations instructives nous paraissent répondre parfaitement à ce programme difficile. Dans une série de chapitres, l'auteur a groupé ensemble tous les faits ayant une origine commune et se rapportant à la même idée.

M. Delbrück forme de la sorte une petite encyclopédie enfantine où ses jeunes lecteurs trouvent exposées une foule de connaissances pratiques un peu négligées dans l'éducation scolaire, et qu'on regrette souvent de n'avoir pas apprises plus tôt, sans peine et sans effort.

LA CHINE ET LES PUISSANCES CHRÉTIENNES, par M. D. Sinibaldo de Mas, ancien envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la reine d'Espagne en Chine. - 2 vol. in-12.

L'auteur, qui a longtemps habité la Chine et qui semble la connaître à fond, a voulu, au moment où une nouvelle guerre tournait tous les regards vers l'Empire du

milieu, nous donner le résultat de ses études, et, tout en proclamant certaines vérités utiles sur les Chinois, détruire bon nombre de préjugés odieux ou ridicules que l'ignorance entretient en Europe.

Les deux volumes de M. de Mas, composés avec une méthode excellente, écrits dans un style simple et clair qui ne vise jamais à l'effet, nous ont paru d'une lecture tout à la fois très-intéressante et trèsinstructive.

Langue, histoire, religion, guerres, mœurs, coutumes, lois, commerce, armée, discipline, navigation, culture des terres, populations, gouvernement, littérature, tout est passé en revue dans une série de chapitres remplis de faits que l'auteur a vus par lui-même, ou qu'il a puisés aux sources les meilleures et les plus authentiques.

L'ancien plénipotentiaire de la reine d'Espagne apporte dans la rédaction de ses notes et de ses souvenirs un grand esprit d'impartialité, dont il faut lui savoir gré, et s'il constate que les Chinois n'ont jamais eu l'habitude de noyer leurs enfants, comme on l'a prétendu sans preuve; s'il explique les causes de ce qu'on a appelé leur lâcheté et leur inimitié contre les barbares, il évite cependant, avec un soin louable, de leur prêter des vertus qu'ils n'out point.

Ces deux volumes portent tous les caractères de la vérité, et méritent d'être lus et étudiés sérieusement.

CONTES DE TOUTES LES COULEURS, par M. X. B. Saintine. 1 vol. 1861.

L'auteur du Mutilé et de Picciola nous présente aujourd'hui un volume nouveau de Contes, pris un peu partout, de toutes les couleurs, comme le dit M. Saintine luimême.

Le Cocher Léonard est le héros de ce livre intéressant et consciencieux, comme tout ce qu'écrit M. Saintine. Il ne manque

à la vie de ce pauvre et loyal Léonard aucune des péripéties du mélodrame le plus complet enfant sauvée, amour, trahison, abnégation, sacrifice.

Tout le monde connaît le talent particulier de l'auteur du Chemin des Écoliers, son style net et sobre, le soin, bien rare aujourd'hui, avec lequel il compose ses moindres récits.

Dans les Contes de toutes les couleurs, M. Saintine, voulant justifier son titre, a réussi à nous montrer son esprit sous les faces les plus différentes, passant du drame à la comédie, et de la prose aux

vers.

GRÉTA, par M. Valéry Vernier.

Ce roman de M. Valéry Vernier appartient au genre doux, moral, modéré et sentimental. Il nous transporte sur les bords du Mein, dans la nuageuse Allemagne, et tout y devient nuageux : personnages, intrigue, passions, caractère. Les deux héros, un oncle et un neveu, comme on en voit peu, car la vertu fut toujours en minorité sur la terre, sont certainement les plus honnêtes gens du monde ; mais ils abusent un peu des larmes, et Gréta ne nous paraîtrait pas moins séduisante, si, la première fois qu'elle cause seule avec l'homme qu'elle adore, elle ne lui faisait pas subir un examen religieux plus naturel au confessionnal que dans un tête-à-tête.

Il y a cependant des pages gracieuses et des scènes touchantes dans ce petit récit, et l'on peut être assuré qu'il ne mènera à mal aucun de ses lecteurs.

Toutefois, si nous avions un conseil à offrir à M. Valéry Vernier, nous l'engagerions à donner un peu plus de nerf à son style et plus de vigueur à ses personnages, qui gagneraient, sans doute, en vérité ce qu'ils perdraient en idéal.

ARTHUR ARNould.

CHARPENTIER, propriétaire-gérant.

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L'événement de la quinzaine, c'est la lettre adressée par l'Empereur au ministre d'État et l'insertion faite au Moniteur du Mémoire lu par M. Fould, en séance du conseil privé et du conseil des ministres, le 12 novembre dernier. A l'émotion produite par la lecture du Moniteur, il est facile de juger que la résolution prise par l'Empereur répond à des inquiétudes qui, pour être comprimées dans leur expression, n'en étaient peut-être ni moins profondes ni moins dangereuses. La lettre du 12 novembre 1861, qui annonce une nouvelle phase de la Constitution, aura sa place dans notre histoire politique, à côté du décret du 24 novembre 1860, décret qui nous a rendu la publicité des débats parlementaires, la discussion de l'adresse et la validité du droit de pétition. Dans ces deux actes, émanés de l'initiative impériale, il y a, nous n'hésitons pas à le reconnaître, un vif sentiment de la situation, le désir d'y remédier, un heureux retour vers ce régime de publicité et de liberté qui a toujours été dans le goût de la France. On peut s'amuser à faire le procès aux institutions parlementaires; comme toutes choses humaines, elles ont leurs inconvénients et leurs abus; mais, on aura beau imaginer des formes nouvelles, il faudra toujours en revenir à ce qui fait le fond du système constitutionnel : le gouvernement du pays par le pays. Ce que veut la France, ce qu'elle a toujours voulu depuis 1789, c'est de voir clair dans ses affaires, c'est de contrôler ceux qui la gouvernent, c'est de dire son avis, et d'être écoutée quand elle a raison. Il n'y a pas là un caprice politique; ce ne sont pas des journaux qui trompent le pays sur ses véritables intérêts; il y a là une nécessité de position. Un peuple qui vit de travail, d'industrie, de crédit, est un peuple qui a besoin de connaître à toute heure sa situation et de rester maître de son avenir. Voilà pourquoi l'opinion est plus que jamais la reine du monde; voilà pourquoi le premier devoir d'un chef d'État est de ne gêner en rien cette puissance suprême. A moins qu'elle ne soit injuste ou tyrannique, il faut la consulter sans cesse et la suivre tou

Tome VII.- 26 Livraison.

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jours. Depuis 1789, tous les gouvernements qui sont tombés en France ont péri pour s'être crus plus sages ou plus habiles que le pays; la vraie politique est celle qui, dans les choses d'intérêt général (j'excepte toujours la justice), ne contrarie pas l'esprit public et se fait gloire de marcher avec l'opinion.

La lettre de l'Empereur est la proclamation de cette politique. « Fidèle à mon origine, dit Sa Majesté, je ne puis regarder les prérogatives de la Couronne, ni comme un dépôt sacré auquel on ne saurait toucher, ni comme l'héritage de mes pères qu'il faille avant tout transmettre intact à mon fils. Elu du peuple, représentant ses intérêts, j'abandonnerai toujours sans regret toute prérogative inutile au bien public, de même que je conserverai inébranlable dans mes mains tout pouvoir indispensable à la tranquillité et à la prospérité du pays. »

Ce sont là des principes constitutionnels; le gouvernement représentatif a précisément pour objet de remédier à cette confusion de pouvoirs, qui fait d'un seul homme l'arbitre de tous les intérêts, le maître de tous les droits. Chez un peuple libre, la loi donne au chef de l'État une grande autorité, en même temps qu'elle laisse aux citoyens la garde de leurs droits, et qu'elle charge les Chambres de garantir la liberté et les intérêts de tous. C'est une erreur de croire que, dans un État constitutionnel, le prince n'ait qu'un rôle passif. Tout au contraire, l'expérience enseigne que si le souverain n'a pas certaines prérogatives essentielles, certains droits nécessaires à l'administration des affaires générales, cette impuissance amène à sa suite l'anarchie dans les pouvoirs publics. Elle trouble la sécurité sociale et compromet à la fois le crédit public et la fortune des particuliers. La liberté d'action, l'initiative du chef de l'État, sont une part des libertés publiques; les affaiblir, c'est affaiblir le pays.

Ainsi donc, aux citoyens la libre jouissance de leurs droits, aux Chambres le contrôle et la garantie, au souverain l'action, le gouvernement; ce sont là des vérités qu'il ne faut jamais oublier, des conquêtes publiques qu'il ne faut jamais compromettre. Aujourd'hui, l'Empereur, pour remédier à ce qu'il faut bien nommer un désordre financier, renonce « au pouvoir d'ouvrir, dans l'intervalle des sessions, des crédits supplémentaires ou extraordinaires. » Il annonce en outre que « cette résolution fera partie du sénatus-consulte qui, suivant la promesse de Sa Majesté, réglera par grandes sections le vote du budget des différents ministères. » Et l'Empe

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