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défiait tellement des rêveries des chimistes, qu'il considérait la chimie comme tout à fait étrangère à la médecine. Il y avait beaucoup de sagesse dans ces exagérations; et la preuve, c'est que Fr. Hoffmann, adversaire de Stahl, fit comme ce dernier, et remit en honneur cette méthode diététique, si féconde en tout temps, et si favorable aux prétendues cures merveilleuses des médecins dits homoeopathes. Bordeu, qui émanait de Stahl, et qui était comme l'avant-coureur de la grande révolution qui devait transformer la médecine au commencement de ce siècle, Bordeu, de même que Sydenham et Baglivi, faisait aussi grand usage de cette méthode dans le traitement des maladies aiguës et des affections chroniques, et plus particulièrement dans la convalescence, qu'il appelle excellemment « une sorte de maladie. >>

Broussais donna le coup de grâce à la polypharmacie, et elle a fait vainement effort pour se relever, en dépit de la réaction soulevée contre le formidable réformateur.

En dehors des moyens héroïques de la médecine active, des spécifiques réels et de quelques médicaments d'une efficacité éprouvée, les drogues des apothicaires ont perdu leur crédit en même temps que leurs vertus, et vainement la chimie industrielle, s'aidant d'une nomenclature singulièrement ingénieuse, prétend restaurer la gloire éclipsée de la pharmacologie. La matière médicale tend à s'épurer depuis que l'on recherche à bien définir l'effet produit par les drogues de diverse provenance, à l'état physiologique ou normal.

Cette investigation expérimentale est un grand progrès et annonce une amélioration sensible dans l'étude des modificateurs. C'est en effet par l'observation des influences qu'exercent les agents extérieurs sur l'organisme vivant et sain, que les anciens parvinrent à fonder une méthode sûre et rationnelle en thérapeutique. L'analyse, qui est notre grand instrument scientifique, nous permet d'étudier à fond cet ensemble de moyens dont ils savaient tirer si bon parti; nos analyses confirment leurs prévisions, et désormais, leurs notions étant des connaissances positives, nous pouvons les faire tourner plus avantageusement au bénéfice de l'art médical, par les acquisitions considérables que nous devons à l'anatomie et à la physiologie. A vrai dire, nos tendances nous entraînent trop exclusivement vers les explorations anatomiques et physiologiques; et peut-être est-ce à cause de cela que notre médecine offre à l'observateur philosophe un caractère trop matériel et concret. Certes, il est essentiel de savoir comment sont faits les organes et comment la vie se manifeste par eux; mais il n'est pas moins important de connaître les conditions qui contribuent à ces manifestations ou qui les modifient. Car l'homme vit dans un

Tome VII. 28° Livraison.

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milieu, il ne peut vivre autrement; de sorte que les rapports d'action et de réaction qui existent entre le milieu et l'organisme vivant sont de la dernière conséquence.

La physiologie est boiteuse, de même que la sociologie, sans la considération des modificateurs. De Blainville l'avait compris supérieurement, et son essai est un exemple qui devrait être imité. Le grand progrès de la médecine moderne a été de démontrer que la pathologie n'est qu'un cas de la physiologie, et d'établir par là une intime alliance entre la physiologie et la médecine. Le progrès sera complet quand il sera démontré que, de même qu'elle ne serait rien sans la physiologie, la médecine ne saurait non plus se passer de l'hygiène. Ce que les anciens avaient fait empiriquement, nous devons le faire scientifiquement. Puisque l'observation inductive des phénomènes provoqués dans l'organisme vivant par l'action des modificateurs les amena à élaborer une admirable méthode thérapeutique, nous, dont les ressources sont incomparablement supérieures, nous devons établir plus solidement encore cette méthode inébranlable sur les deux fondements de la physiologie et de l'hygiène, de manière à rendre l'art médical de plus en plus certain et secourable.

J.-M. GUARDIA.

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La poudre à canon n'a pas été seulement, quoi qu'en disent les pessimistes, un engin de mort et de destruction, un des mille fléaux sortis de la boîte de Pandore pour le malheur du genre humain. S'il est vrai de dire qu'elle a entassé bien des ruines, il est juste de la faire profiter du bénéfice des circonstances atténuantes, et de placer, en regard du tableau des maux qu'elle a causés, celui des services qu'elle a rendus.

La poudre à canon, disent MM. Hubault et Marguerin dans leur Histoire des temps modernes ', a fait passer le niveau sur toutes les têtes; «< elle a substitué la stratégie aux mêlées confuses des batailles féodales, assuré l'égalité du vilain et du chevalier sur le champ de bataille et préparé de la sorte la conquête de l'égalité civile. L'artillerie du roi, en détruisant les orgueilleuses forteresses des seigneurs rebelles, imposa à la noblesse provinciale le respect de la paix publique. >>

Ainsi, au point de vue politique, la poudre fut un agent brutal, il est vrai, mais éminemment pacificateur. Telle Minerve, armée de pied en cap, l'égide au bras, le casque en tête, frappa le sol de sa lance et en fit sortir l'olivier.

Ce n'est là, du reste, qu'un des côtés de la question. La poudre ne changea pas seulement la face de la vieille Europe; elle avait de plus hautes destinées à sa lueur, sur tous les points du globe, la barbarie recule épouvantée.

A d'autres points de vue, l'influence du nouvel agent ne fut ni moins grande ni moins civilisatrice. Les recherches de Roger Bacon

1. Histoire des temps modernes, par MM. Hubault et Marguerin. Paris, Désobry et Magdeleine, 1854.

furent fécondes pour la science; alchimistes et physiciens y trouvèrent leur compte: ceux-là enrichirent leurs tablettes de recettes précieuses; ceux-ci acquirent des notions plus exactes sur la force expansive des gaz. On apprit qu'avec un peu de salpêtre, de soufre et de charbon, non-seulement on allumait des feux aussi brillants que les éclairs, non-seulement on lançait des projectiles à des distances énormes, mais encore on engendrait une force capable de faire sauter les rochers et de transporter les montagnes. Le moine allemand qui, en 1320, vit éclater le mortier dans lequel il préparait son mélange, songeait à fournir aux hommes un agent de travail et de prospérité, bien plus qu'un instrument de mort et de ruine.

Si, malgré sa robe de bure, le moine de Fribourg n'inspire qu'une confiance médiocre, franchissons, d'un seul bond, un intervalle de plus de trois cents ans, et demandons du renfort à un savant du dixseptième siècle, Jean de Hautefeuille, chapelain en l'église royale de Saint-Aignan d'Orléans.

Parmi les armes que l'illustre abbé nous met entre les mains, il en est une qui nous semble invincible, c'est un opuscule qui parut en 1678. Cet opuscule a pour titre : « Pendule perpétuelle avec un nouveau balancier, et la manière d'élever l'eau par le moyen de la poudre à canon, et autres nouvelles inventions contenues dans une lettre de M. de Hautefeuille à un de ses amis. » Jamais titre ne fut plus pacifique.

Convaincu des services que la poudre à canon peut rendre à l'industrie, Hautefeuille construisit deux machines dans lesquelles il eut recours à cette matière.

<< Repassant dans mon imagination, dit-il, toutes les forces qui pouvoient estre dans la nature, il s'en présenta à mon esprit une qui est infiniment plus grande que celle du vent, du courant des rivières et des torrents, et la plus violente qui ait jamais été. Cette force est la poudre à canon, que l'on n'a point encore employée à l'élévation des eaux, et dont il y a deux manières.

<< La première consiste à avoir un vaisseau de telle grandeur que l'on voudra, d'un muid ou deux ou davantage, lequel sera élevé à trente pieds de la surface de l'eau, et assez fort pour résister à la compression de l'air. »

Un tuyau qui plonge dans l'eau débouche dans le vaisseau; celui-ci est muni de soupapes s'ouvrant de dedans en dehors. Une espèce de petit tiroir, ou, pour nous servir des expressions mêmes de l'auteur, une coulisse en manière de bassinet sert à mettre la poudre à canon.

<< Il est visible que la poudre ayant été enflammée, elle raréfiera l'air enfermé dans le vaisseau et le fera sortir par l'ouverture des soupapes, lesquelles se fermeront aussi-tost; et, ne pouvant rentrer, l'air qui pèze sur la surface de l'eau la doit pousser par le tuyau jusques dans le grand vaisseau que l'on vuidera par un robinet dans le réservoir.

<< On mettra, si l'on veut, dans ce réservoir un pareil tuyau pour élever l'eau à soixante pieds, et un autre pour l'élever à quinze toises. >>

Dans ce premier appareil, l'inventeur n'utilise pas directement la force expansive de la poudre, dont il se défie parce qu'elle est trop brisante; il se borne à profiter du vide partiel que produit l'explosion. Mais l'abbé de Hautefeuille revint bientôt des terreurs que lui inspirait le ressort de la poudre. Dans son second essai, aucune force n'est perdue l'eau est chassée par l'explosion comme la balle d'une arquebuse, et le vide qui succède à l'expansion aspire l'eau dans la culasse du système.

Le tuyau qui sert à l'ascension de l'eau a la forme d'un tube en U, et plonge, par sa partie inférieure, dans un réservoir; une soupape permet l'admission du liquide dans le tube et l'empêche d'en sortir. L'une des branches du tuyau, ouverte à son extrémité supérieure, a telle longueur que l'on veut et contient, de distance en distance, des soupapes s'ouvrant de bas en haut; l'autre branche est courte et fermée.

« C'est de ce côté, dit Hautefeuille, qu'on met, dans le bassinet, la quantité de poudre qui est nécessaire, à peu près selon quelqu'une de ces manières si seures et si simples dont se sert depuis quelques années un de nos amis pour charger, par la culasse, les différentes. armes de son invention.

<< La poudre ayant pris feu, il faudra ou que l'eau monte vers le réservoir, à quelque hauteur qu'il soit élevé, ou que les tuyaux crèvent, ce qui ne peut arriver puisqu'on les suppose de cuivre, de fer ou de fonte, et si épais qu'ils pourront résister à la force de la poudre à canon.

<< Je ne vous marque point la quantité de poudre que l'on doit employer à chaque fois, parce que cela dépend de la grandeur des tuyaux et de la quantité de l'eau qu'on élève; joint que je n'ay fait cette expérience qu'en petit, de laquelle on ne peut point dire qu'elle ne réussira pas également en grand, étant plutôt de celles qui augmentent leur effet à mesure qu'on les fait plus grandes.

« Je ne vous marqueray point non plus les utilitez que l'on peut

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