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ner ici à faire quelques remarques sur une disposition à laquelle on n'a donné, à ce qu'il paraît, qu'une attention fort légère.

L'article 33 porte que la chambre des pairs et celle des députés n'envoient des députations qu'au Roi et avec sa permission. Ainsi, d'après cet article, les chambres ne pourront communiquer avec le Roi, que lorsque le Roi voudra bien le leur permettre; mais comment obtiendront-elles cette permission? Sans doute par l'intermédiaire des ministres. Si donc les ministres craignent les communications qui pourraient avoir lieu entre les chambres et le Roi, ils pourront impunément y mettre obstacle, et les premiers corps de l'Etat ne pourront pas même user du droit de pétition que nos lois constitutionnelles garantissent à tous les citoyens.

Si je disais que la sûreté de l'Etat et du Roi peut être compromise par l'effet de cette disposition, on ne manquerait pas de m'accuser d'exagération. Je vais donc rapporter un fait qui tiendra lieu de preuve à ceux pour lesquels tout raisonnement est une théorie dangereuse.

« Le lendemain (27 août 1648) le parlement s'assembla, et résolut d'aller en corps de cour au Palais Royal demander la liberté des prisonniers et la révocation des ordres qui exilaient MM. Laîné, Benoît et Loisel. Tandis qu'ils étaient assemblés, on vint dire que le peuple cherchait M. le chancelier pour le tuer. C'est que s'étant mis en chemin pour venir au palais, on avait arrêté son carrosse, et ayant

été reconnu lorsqu'il fuyait à pied, on l'avait pour suivi jusqu'à l'hôtel de Luynes, où il s'était caché. Le peuple l'y cherchait, et il n'évita d'en être assommé qu'à l'aide des Gardes-françaises qui le tirèrent d'un très-grand danger.

» Cependant le parlement se mit en marche, les huissiers en tête. Partout on ouvrait les passages, sachant qu'on allait redemander les prisonniers. Arrivés au Palais Royal, le premier président fit sentir à la reine combien étaient pernicieux les conseils violens qu'on lui avait donnés. Mais la reine irritée ne voulut rien accorder; elle se retira même dans son petit cabinet, et laissait le parlement retourner sans lui donner aucune satisfaction. Mais la compagnie qui voyait le danger où était le royaume, après avoir descendu l'escalier, remonta pour faire un nouvel effort, et intéresser les princes dans une affaire dont les suites pouvaient être si tristes. Enfin, la reine fit dire qu'elle accorderait la liberté aux prisonniers, si le parlement voulait cesser ses assemblées jusqu'à la Saint-Martin. On était au 27 août. Le premier président dit qu'il en fallait déli,. bérer; et quelques-uns proposaient de le faire au Palais Royal: mais le grand nombre voulait que ce fût dans la grand'chambre, in loco majorum. On se remit donc en marche pour aller au au palais. Le peu. ple demandait si on avait obtenu la liberté des prisonniers, et ces Messieurs répondaient qu'ils avaient de très-bonnes paroles, sur quoi on les laissait passer; mais à la Croix du Trahoir on voulut des paro

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les positives. On eut même la hardiesse de prendre par le bras M. le premier président, et on l'obligea, lui et sa compagnie, à retourner au Palais Royal. Dans ce tumulte, cinq présidens à mortier et une vingtaine de conseillers prirent l'épouvante et s'échappèrent comme ils purent. Tous les autres retour nèrent au Palais Royal, et le premier président dit à la reine le mal allait devenir sans remède si on que tardait à rendre les prisonniers; qu'il n'était plus temps de se roidir; que le parlement et le Roi luimême n'étaient point assez forts pour résister à cent mille hommes qui avaient les armes à la main. Le cardinal Mazarin voulut dire le mal n'était pas aussi grand qu'on le faisait; mais on lui répondit qu'il prît la peine d'aller seulement jusqu'au Pontneuf, et qu'il verrait comment il s'en tirerait. Les princes et princesses tenaient le même langage que parlement. La reine d'Angleterre qui était présente dit que, quand les troubles commencèrent en Angleterre, les esprits y étaient moins échauffés. Alors la reine jeta un grand soupir, et dit que le parlement vît donc ce qu'il avait à faire (1). »

que

le

Supposons que, dans ces momens de trouble, il eût existé une loi qui eût autorisé le cardinal Mazarin à empêcher toutes communications entre le parlement et la régente: qu'en serait-il résulté? une guerre civile, et peut-être la cour n'aurait appris les

(1) Histoire abrégée du parlement durant les troubles du commencement du règne de Louis XIV, § 3.

désordres qui régnaient dans la ville que par l'incendie du palais. Ces faits n'arriveront plus. Qu'en sait-on? Ne parle-t-on pas déjà d'un ministre qui ne tend qu'à séquestrer le Roi, et à rompre toutes les communications qui peuvent mener à lui? L'ar ticle dont il s'agit n'est-il pas lui-même une preuve que les ministres craignent que la vérité n'arrive jusqu'au Roi?

1

- Séance du 5 août. Je passe quelques séances pour arriver à celle de ce jour, qui n'est pas la moins remarquable, quoiqu'il n'y ait eu ni rapport ni dis

cussion.

A onze heures toutes les tribunes étaient déjà remplies, à l'exception de deux : celle de MM. les pairs et celle du président : la première n'a tardé à être envahie par les dames qui se pressaient à l'entrée et qui ont ainsi laissé MM. les pairs à la porte; la seconde a été également bientôt occupée, mais elle ne l'a été sans doute que par les personnes auxquelles M. le président l'avait réservée.

Cependant il arrivait toujours du monde et MM. les députés faisaient de vains efforts pour placer leurs amis ou des personnes de leur famille. Enfin l'un d'entre eux s'est rappelé que, dans lą séance du 22 juillet, un très-grand nombre de personnes s'étaient placées dans l'enceinte même où se tiennent les séances, et il á cru que la discussion qui allait avoir lieu intéresserait le public d'assez près pour lui accorder la même faveur. Bientôt toutes les places inutiles à MM, les députés ont été occupées.

En attendant l'arrivée de M. le président, on a fait circuler quelques brochures avec ou sans nom d'auteur, contre la liberté de la presse ; une première a pour titre un premier mot; une seconde porte en titre quelques développemens. L'extrême insignifiance de ces deux brochures anonymes, dirigées contre le rapport fait par M. Raynouard, me dispense d'en rendre compte. Il en est deux autres qui, sans être beaucoup plus fortes en raisonnemens, méritent plus d'attention parce qu'elles portent les noms des auteurs.

La première a pour titre Opinions de M. le marquis de Beaumez, membre de la chambre des députés”, sur le projet de loi relatif à la liberté de la presse. On présume bien que M. le marquis n'est pas le défenseur de la liberté de la presse ; et que le danger de voir paraître un second Molière doit lui inspirer un singulier effroi. Aussi ne néglige-t-il rien pour nous communiquer ses terreurs.

La seconde, intitulée abus de la liberté de la presse, appartient à M. de Sédillez, membre de la chambre des députés. M. de Sédillez, à l'exemple de tant d'autres, appelle la liberté une belle theorie; et l'on sait ce que cela signifie depuis le règne du grand empereur, qui n'aimait pas les théories.

M. de Sédillez, qui tient beaucoup à la censure, dit dans la page 2 de sa brochure : « La plupart des hommes que je connais, que j'estime et que j'aime le plus, ont embrassé l'opinion contraire à la mienne. » À la page 7, il ajoute : « Sans la police, la presse aurait bientôt ses brigands; elle les a déjà,

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