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qu'il en soit, c'est contre ces différentes assertions, la dernière exceptée cependant, que je prends la liberté de m'élever, en assurant, autant que cela se peut d'après des dessins toujours plus ou moins incomplets, ces trois points :

» 1°. Le crâne dont le dessin a été envoyé par M. H. Durand, n'a pu appartenir qu'à une espèce du genre Chameau; 2° il ne peut, en aucune manière, être rapporté au Sivatherium; 3° le Sivatherium n'était certainement pas une giraffe.

>> Pour le premier point, je mets de nouveau sous les sous les yeux de l'Académie, le dessin envoyé par M. Durand, à côté d'un crâne de chameau, par un heureux hasard de même âge et de même grandeur, sorti, il est vrai, comme le fait justement observer M. Geoffroy, de la collection d'anatomie comparée, ce qui n'empêchera pas, j'espère, de reconnaître par la forme de l'occiput et de sa crête, par celle des pariétaux fort allongés, au contraire des frontaux beaucoup moins étendus en arrière que dans les ruminants cornigères, et n'offrant d'ailleurs aucun indice de prolongements frontaux, qu'il y a une parfaite ressemblance entre l'objet figuré A, et le crâne mis à côté B, d'où l'on pourra conclure que l'opinion de M. Durand est pleinement justifiée. Ajoutons que les auteurs du mémoire sur le Sivatherium ont fait la remarque que le lieutenant Baker (compagnon de M. Durand) leur a montré des preuves indubitables de l'existence d'un élan et d'une espèce de chameau, dans les mêmes terrains.

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» Pour le second point, il ne sera pas moins facile de reconnaître par l'inspection simultanée de la figure donnée par M. Durand, et de celle du Sivatherium, que, sans parler de l'énorme différence de grandeur, il n'y a sous aucun rapport de forme générale, de proportions de parties, pas la moindre ressemblance entre ces objets; ainsi l'occiput, le front, l'origine de la face, la ligne supérieure et inférieure du crâne, l'orbite, etc., diffèrent autant qu'il est possible, comme l'Académie pourra s'en convaincre en rapprochant les deux figures A et C.

>> Pour la troisième assertion, le Sivatherium n'a aucun autre rapport avec la giraffe, que ceux d'appartenir au même ordre des ruminants, il suffira aussi d'examiner comparativement la tête du Sivatherium d'après le dessin donné par MM. Hugh Falconer et Cautley, avec celle de la giraffe que je mets sous les yeux de l'Académie; en portant son attention sur les considérations suivantes.

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>> 1°. Dans le Sivatherium, la forme générale de la tête est en coin ou triangulaire, très élargie en arrière, avec le vertex élevé; très raccourcie au contraire et atténuée en avant, n'offrant que deux rétrécissements, l'un médiocre derrière les orbites, et l'autre très marqué en avant des molaires; la ligne médiane supérieure rapidement ascendante de l'extrémité antérieure à la postérieure, et l'inférieure, au contraire, relevée fortement et brusquement dans sa partie vertébrale, sur la partie maxillaire, un peu

comme dans les rhinocéros, de manière à ce que la tête, posée sur un plan, et appuyée sur les dents, les condyles occipitaux en sont très distants par leur élévation.

» Dans la giraffe, au contraire, la tête est longue et étroite, courbée presque également, suivant sa longueur, dans toute la ligne médio-supère et médio-infère, de manière à toucher vers ses deux extrémités le plan de position. Sa plus grande largeur est en outre, non pas en arrière, mais au milieu, dans le diamètre orbitaire, s'atténuant aussi bien en arrière qu'en

avant.

» 2°. Dans le sivatherium l'occiput, ou mieux le vertex, est extrêmement remarquable, parce que, ayant une hauteur assez grande, il se dilate de chaque côté en une protubérance considérable, et telle que, MM. Falconer et Cautley ont pu douter si ces protubérances ne se prolongeaient pas en cornes; alors il faudrait admettre que, comme dans les boeufs, cet élargissement postérieur de la tête serait formé par le frontal: aussi MM. Falconer et Cautley disent-ils que le crâne, mutilé dans la région pariétale, paraît, sous le rapport de la jonction des pariétaux avec les frontaux, avoir été comme dans le boeuf.

» Dans la giraffe l'occiput est au contraire plutôt rétréci que dilaté, et n'offre aucun indice des protubérances latérales du Sivatherium; le frontal qui portant en partie les épiphyses des fausses cornes étant bien loin de s'avancer jusqu'à la face occipitale de la tête.

» 3°. Le front est surtout fort remarquable dans ce dernier, non-seulement par sa largeur et par l'excavation de sa moitié supérieure, mais surtout parce que entre les orbites, et un peu au-dessus et en arrière, s'élèvent d'une base large, et insensiblement du frontal, deux grandes protubérances courtes, coniques, lisses ou sans rugosités, un peu divergentes entre elles, et se portant obliquement en avant.

» Or, il n'y a absolument rien de semblable dans la giraffe, dont le front, au contraire, au lieu d'être large et excavé, est bombé et s'élève en une sorte de crête médiane ou de bosse comprimée portant l'épiphyse corniforme médiane si caractéristique de cet animal.

» 4°. Quant aux prolongements dont la tête est armée, il ne peut y avoir davantage de comparaison, ni pour le nombre, ni pour la position, ni pour la structure.

>> Dans le Sivatherium c'étaient sans doute de véritables cornes, car le prolongement osseux se continue sans interruption avec le frontal; et si dans la figure il semble que du côté droit la cheville soit séparée

par une suture, cela est évidemment dû à une fracture partielle, dont il n'existe aucune trace sur l'autre côté. En outre, ces cornes n'étaient qu'au nombre de deux ou de quatre, deux sus-orbitaires et deux suboccipitales, comme dans l'Antilope quadricornis.

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>> Dans la giraffe, au contraire, il n'y a pas de cornes proprement dites; mais la peau, soulevée pour ainsi dire en deux ou trois endroits, suivant les sexes, est soutenue par des épiphyses singulières, toujours pleines, quoique vasculifères, ayant plus de rapports avec un bois de cerf qu'avec une corne, toujours plus ou moins creuse et en communication avec les sinus frontaux.

» D'ailleurs, ces prolongements frontaux sont, dans la giraffe, au nombre de trois, un médian au milieu du front, et les deux autres sur la suture fronto-pariétale.

» 5°. Les orbites dans le Sivatherium, comme dans la giraffe et comme dans tous les ungulogrades, sont fort éloignés entre eux ou écartés; mais ils sont très petits, et le plan de leur ouverture tout-à-fait latéral dans le premier, tandis qu'ils sont très grands et antéro-latéraux dans la seconde, disposition qui devait considérablement changer la physionomie du premier de ces animaux.

» 6°. La face est courte, large et massive dans le Sivatherium, ce qui est le contraire dans les ruminants en général, et dans la giraffe plus que dans tout autre, et ce qui rappelle un peu ce qui existe chez les éléphants.

» 7°. Les os du nez sont courts, arqués, et s'avancent beaucoup au-delà du bord postérieur de la fosse nasale chez le Sivatherium; ce qui lui donne quelque ressemblance avec le rhinocéros, et surtout dans la figure, à cause de la troncature du museau; tandis que dans la giraffe, au contraire, ces os sont fort longs, très larges en arrière, atténués et bifides en avant, et dépassant à peine l'origine postérieure de la fosse nasale.

» 8°. Les arcades zygomatiques ne sont nullement proéminentes; elles sont longues et se portent en avant pour aller joindre l'apophyse correspondante de l'os jugal, disposition qui se trouve également dans la giraffe et dans les autres ruminants; ce qui, pour le dire en passant, semble assez fortement en contradiction avec la figure donnée qui représente une arcade zygomatique large, épaisse, ayant une certaine ressemblance avec celle du rhinocéros, mais peut-être à cause de la roche qui cache plus ou moins le véritable état des choses.

» 9°. Enfin, les dents molaires, au nombre de six, comme dans tous les ruminants, ayant surtout beaucoup de ressemblance avec celles du cha

meau, sont cependant beaucoup plus épaisses que larges; mais en outre les trois postérieures présentent dans la forme du croissant interne de leur surface triturante, qui, au lieu de se courber simplement, se plie en zigzag ou en sinuosités profondes, un peu, comme dans l'Elasmotherium et même dans l'Anoplotherium, une disposition qui n'a nullement lieu dans la giraffe, pas plus que dans aucun ruminant connu jusqu'ici. >> Je pourrais avec la plus grande facilité rapporter encore beaucoup d'autres preuves contre la proposition de M. Geoffroy, en les puisant dans le mémoire des auteurs cités, ou bien dans une comparaison plus détaillée de la tête du Sivatherium, avec celle de la giraffe; mais pour abréger, j'aime mieux présenter ici la copie de la figure donnée par MM. Falconer et Cautley, d'après une tête tronquée un peu en avant et en arrière, et dont toutes les sutures complétement soudées indiquent un animal plus qu'adulte, à côté de celle d'une giraffe, réduite au septième. On y trouvera, j'espère, la preuve évidente que le Sivatherium était réellement quelque chose de très extraordinaire, une grande espèce d'antilope, plus hideuse encore que le Gnu (Antilope gnu, L.), à tête courte et pesante, à crâne très relevé et surtout très élargi en arrière, portant peut-être deux paires de cornes, une plus petite en avant et une autre tout-à-fait en arrière comme dans l'aurochs, à face et figure de rhinocéros, pourvu de très petits yeux latéraux, et sans doute de grandes lèvres, peut-être même d'une trompe nasale, comme le pensent MM. Hugh Falconer et Cautley, et dont le col et les membres devaient être en proportion, c'està-dire robustes et solides, et assez peu élevés, tout au contraire de ce qui existe dans la giraffe, animal dont toutes les parties de l'organisation, les proportions et les allures si particulières, indiquent un habitant des vastes pays de plaines et de forêts, et nullement de lieux plus ou moins

montueux.

» Je termine en priant l'Académie d'excuser l'étendue que j'ai donnée à ma réclamation et à ma réfutation des assertions ou des propositions de M. Geoffroy; mais l'étude des fossiles ne se bornant pas à la considération zoológique, c'est-à-dire à remplir les lacunes de la série animale, et s'appliquant à fournir à la géologie un de ses éléments les plus importants pour la résolution des grandes questions étiologiques dont elle s'occupe, il faut craindre que ces éléments faussés ou exagérés ne la conduisent de nouveau à des hypothèses dont elle a eu tant de peine à se débarrasser vers la fin du dernier siècle, et qui ont arrêté si long-temps ses progrès. >>

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