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friraient autant que les nôtres de l'abolition de la traite, elle se trouverait cependant perdre très-peu, tandis que nous aurions tout perdu.

On sait en effet les immenses possessions qu'elle a dans l'Inde. Les ressources qu'elles offrent à son commerce et à son industrie sont tellement considérables, qu'elle peut aisément se passer de celles qu'elle tre de ses Antilles. Ses îles d'Amérique, si l'on en excepte la Jamaïque, në sont d'aucune importance pour elle, relativement à son commerce et à son industrie. La plupart ne lui sont nécessaires que comme des points de rafraîchissement et de relâche, ou comme des positions qui la rendent maîtresse des communications entre les métropoles du continent européen et leurs colonies d'Amérique. Ainsi, quand, par l'effet de l'abolition de la traite, la prospérité de ses Antilles viendrait à décroître, ses intérêts n'en recevraient pas la moindre atteinte, tandis que la même cause serait mortelle pour les

nôtres.

On voit donc que l'Angleterre ne s'im

pose aucun sacrifice en abolissant le commerce des noirs. Elle peut se promettre, au contraire, d'en retirer de grands avantages. Elle donne au monde, sans qu'il puisse lui en rien coûter, un grand exemple de désintéressement et d'humanité; elle met ainsi la dernière main à sa réputation de philantropie, et ajoute beaucoup, par conséquent, à la popularité qu'elle aspire à acquérir parmi les peuples de l'Europe. Mais ces avantages ne sont rien encore en comparaison de ceux qu'elle peut attendre de cette grande mesure, si elle parvient à obtenir des autres métropoles de l'Europe qu'elles imitent son exemple, et renoncent au commerce des esclaves africains. Elle seule alors, en effet, pourra faire ce commerce, sans qu'on puisse l'accuser de faire la traite, puisqu'elle seule à des possessions sur la côte d'Afrique; et ses établissemens du Sénégal et de la Guinée en prospéreront d'autant plus. D'un autre côté elle aura probablement la satisfaction de voir dépérir les colonies de tous les états de l'Europe, ou du moins celles de la France, tandis que la prospérité de ses pros

sessions dans l'Inde et de ses établissemens en Afrique ira toujours croissant. Ainsi elle trouvera à la fois dans cette mesure son avantage et notre ruine, et l'objet fondamental de sa politique sera rempli de tout point.

Il nous semble que ces considérations doivent jeter un grand jour sur les écrits qu'on publie en ce moment en Angleterre, relativement à la traite des esclaves, et particulièrement sur ce que les journaux de Londres contiennent à ce sujet. Les sentimens qu'on y étale sont admirables sans doute; mais le moyen de croire qu'ils soient sincères? Et comment s'empêcher de voir l'égoïsme et l'ambition qui percent de toutes parts à travers le voile de philantropie dont l'Angleterre affecte de se couvrir? La puissance de cette nation s'étend par d'immenses ramifications dans les quatre parties du monde; elle compte près de mille vaisseaux de guerre; son pavillon flotte sur toutes les mers et dans tous les ports du monde connu; et cependant son ambition n'est pas satisfaite, et elle semble nous porter

encore envie, et elle s'irrite de voir que nous voulions rentrer en possession des colonies qu'elle nous a rendues, et que nous puissions espérer de les voir renaître et offrir quelques faibles ressources à notre commerce et à notre industrie. Elle ressemble à un avare qui, assis sur des monceaux d'or, convoiterait un écu qu'il verrait dans les mains d'un malheureux. Toute prospérité étrangère excite sa haine et sa jalousie; tout bonheur qui n'est pas le sien, devient une calamité pour elle. Elle voudrait être le centre unique du commerce du monde, la seule puissance manufacturière du monde : elle voudrait pouvoir aller part-tout, puiser å vil prix les objets nécessaires à son industrie; pouvoir, de plus, inonder toute la terre de ses marchandises fabriquées, attirer insensiblement à elle, de cette manière, les trésors de tous les peuples, et avoir toujours ainsi à sa disposition le moyen de les corrompre, de les diviser, de les affaiblir les uns par les autres, et de les tenir tous dans la dépendance et l'avilissement.

Tel est l'esprit avide, cruel, immoral,

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Sur la vie de WENWORTH, Comte de Strafford, principal Ministre du Roi Charles Ier., et sur l'histoire générale d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande, à cette époque; par M. le Comte de LallyTollendal.-Seconde édition.

LORSQUE les peuples anciens eurent fait les premiers pas vers l'esclave, rien ne fut capable de les arrêter; leurs lois, leurs mœurs et leurs connaissances s'altérèrent graduellement, et finirent par s'éteindre dans la servitude la plus complète. La découverte de l'imprimerie, et de nouvelles combinaisons dans l'organisasion du corps social, ont fait suivre aux peuples modernes une marche contraire. Un chef ambitieux peut encore, en employant la violence ou la corruption, assujétir une nation à une autorité sans li

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