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gesse et circonspection attentives à leur bonheur, elles ont voulu qu'ils demeurassent, pendant ce temps de faiblesse et d'inexpérience, sous l'autorité protectrice de leurs parens ou de leurs tuteurs, et elles ont déterminé l'époque à laquelle ils pourraient être livrés à eux-mêmes et devenir libres en devenant majeurs.

M. l'abbé de Montesquiou, que le ciel a doué, pour notre félicité et pour le plus grand bien de la belle littérature, d'un génie extrêmement subtil et pénétrant, a cru découvrir qu'il existait une secrète analogie entre l'âge des hommes, et le nombre de feuilles dont un volume se compose; entre les étourderies d'un adolescent, et les incartades d'un pamphlet. Il a conclu de ce rapport mystérieux que les écrits, lorsqu'ils n'étaient pas d'une certaine épaisseur, avaient besoin d'être mis en tutelle, comme les jeunes gens, tant qu'ils n'étaient point parvenus à un certain âge; et de même que nos lois avaient dit qu'un homme n'atteindrait la majorité qu'à vingt-un ans, M. l'abbé de Montesquiou a fait décider qu'un livre ne

serait majeur qu'à la vingt-unième feuille Tout-à-fait mineur par le volume, et trop majeur peut-être sous le rapport des sentimens, le Censeur a bien vu qu'on aurait deux motifs au lieu d'un pour l'assujétir à cette loi rigoureuse, et qu'on se hâterait d'autant plus de le mettre en tutelle, que son format était plus mince et son caractère plus indépendant. Naturellement inflexible, il n'a pas voulu subir le joug de la censure; il a mieux aimé renoncer à la forme sous laquelle il était né, qu'à la liberté sans laquelle il ne saurait vivre; il a fait un grand effort pour atteindre sa majorité, il est arrivé à vingt feuilles, et le voilà devenu libre, et tout-à-fait sui juris. Dès aujourd'hui, messieurs, il échappe à votre juridiction, et ne doit plus reconnaître d'autre censure que celle des magistrats, censure aussi favorable à la liberté que la vôtre lui est fatale, et à laquelle il se soumettra avec autant de docilité qu'il aurait supporté la vôtre avec impa tience.

Vous allez croire peut-être, messieurs, qu'en nous affranchissant ainsi de votre auto1*

rité, nous avons voulu nous débarrasser de toute espèce de frein, et nous livrer sans discrétion à tous les mouvemens d'une humeur désordonnée. Nous ne voulons point vous laisser à cet égard la moindre inquiétude, et nous allons nous expliquer sur les motifs qui nous déterminent à décliner votre uridiction. Nous osons nous flatter, messieurs, qu'aucun homme probe et vraiment impartial n'a pu se tromper, en lisant nos écrits, sur la nature des sentimens qui nous animent. Il est impossible qu'on n'ait point vu dans les efforts que nous avons faits pour défendre nos institutions contre les entreprises des ministres, l'aversion sincère dont nous sommes pénétrés pour toute espèce de licence. Ce sentiment, messieurs, offre à nos lecteurs la meilleure garantie du soin scrupuleux avec lequel nous nous tiendrons dans les bornes qui nous seront tracées par les lois et les convenances sociales: nous n'oublierons point d'ailleurs que nous avons à justifier notre émancipation; nous tiendrons à honneur, vous pouvez le croire, de convaincre le public qu'on peut écrire

sagement sans être placé sous votre surveillance, et notre liberté deviendra un nouveau garant de notre modération. II n'est pas impossible que notre ton contraste souvent avec la violence des écrits publiés dans l'intérêt du ministère et avec son approbation; et peut-être aura-t-on à rougir plus d'une fois de la réserve et de la modération de notre langage.

Ce n'est donc point, messieurs, pour abuser de la liberté de la presse que nous nous sommes soustraits à votre juridiction; c'est parce que la nature de notre travail ne nous permettait pas de nous y soumettre ; c'est que le titre seul de notre ouvrage repoussait toute idée de censure préalable, et qu'il eût été souverainement absurde qu'un écrit dont l'objet principal est de relever les erreurs et les actes arbitraires des ministres, ne parût qu'avec l'approbation de leurs agens. On ne peut point se le dissimuler, la vérité est une monnaie qui souvent perd beaucoup de sa valeur en passant par les mains de la censure: et il est tel cas où, en sortant de son creuset, elle ne peut être reçue dans la circulation

Il est vrai, messieurs, que le Censeur, dans ses premiers numéros, n'a encore rempli que la moitié de sa tâche, et qu'au milieu des nombreuses infractions à la charte qu'il a signalées, il n'a pas cité un seul acte ministériel qui eût pour objet d'affermir nos institutions nouvelles. Mais peut-on inférer de ce silence qu'il ait négligé de faire connaître ce que les ministres ont fait pour donner à nos institutions de la force et de la stabilité ? Où sont les actes qui attestent, à cet égard, leur sollicitude, et dont nous ayons omis de faire mention? Nous ne demandons pas quel bien ont fait les ministres, la question serait sans doute trop générale ; mais qu'ontils fait pour assurer l'exécution de la charte? Quelles sont celles de ses dispositions qui ont été rendues plus certaines ou plus complètes par des lois particulières et proposées par eux? Est-ce l'article relatif à la liberté de la presse? Celui qui proclame la liberté des cultes? Celui qui garantit la liberté individuelle ? Celui qui prescrit l'oubli du passé? Celui qui déclare les ministres responsables? Celui qui rend indistinctement

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