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« Mes éloges, voilà des écrits admirables;

<< Car j'ai loué par fois : on peut vanter les gens, « Quand ils sont enterrés au moins depuis cent ans. « Pour mes contemporains, sans user d'artifice, «J'ai dit du mal de tous; car j'aime la justice.

« L'indulgence est un crime; et je suis sans remords. <«< Avant Dieu j'ai jugé les vivants et les morts. >>

Il vous en adviendra quelque mésaventure.
O Grand Perrin Dandin de la littérature,
De votre tribunal président éternel;

Le public, président du tribunal d'appel,
Par de nouveaux arrêts pourra casser les vôtres;
Et l'on vous jugera, vous qui jugez les autres.
Long-tems, jaloux poète, aux enfans d'Apollon
Vous avez cru fermer les sentiers d'Hélicon;
Aujourd'hui, nouveau saint, il faut que l'on vous donne
Les clefs du paradis, pour n'ouvrir à personne!
Pierre les gardera, si vous le trouvez bon.
D'un bel ange autrefois l'orgueil fit un démon.
Quel exemple pour vous! Jusque dans la vieillesse
On tient par habitude aux péchés de jeunesse :
Vous fûtes grand pécheur; souvenez-vous-en bien;
Et devenez plus humble afin d'être chrétien.

NOTES

SUR LA SATIRE: LES NOUVEAUX SAINTS.

Page 160, vers 15 et suivans.

Oui, par Martin Fréron, le triomphe est certain!
Dit Geoffroi: venez tous, héritiers de Martin;
Et vous sur-tout, Clément, son émule intrépide, etc.

Geoffroi et Clément, redoutables antagonistes de la philosophie du dix-huitième siècle. Le premier a traduit Théocrite. Sa mauvaise traduction en prose a rendu plus supportables les mauvais vers de Longepierre. L'autre est connu par des satires sans esprit et sans talent poétique, par une tragédie de Médée justement sifflée, et par neuf gros volumes contre les ouvrages de Voltaire. Ces juges éclairés se font les protecteurs de Racine, qui certes n'a pas besoin d'eux, et qu'ils auraient sottement dénigré s'ils eussent été ses contemporains. Sentent-ils bien le prodigieux mérite de ce premier des poètes modernes, les hommes qui affectent de méconnaître les beautés enchanteresses de Zaïre et le génie qui a dicté Mahomet? Ignorent-ils, ou feignent-ils d'ignorer que, si Racine eût fait la tragédie de Mérope, elle serait comptée parmi ses chefsd'œuvre ?

Page 161, vers 2.

Dieu prend soin de sa vigne; et les Débats vont bien.

Geoffroi rédige en partie le journal des Débats. A l'entendre

les tragédies de Voltaire sont détestables; Monvel et Talma sont de mauvais acteurs tragiques; la musique d'Euphrosine et de Stratonice écorche ses oreilles.... entières. Courage, Méhul! Quand Apollon punit Marsyas, il commença par les

oreilles.

Page 161, vers 17 et 18.

On ne tourmente pas Guyon, frère Berthier,
Chaumeix et Patouillet, Nonotte et Sabathier.

Ces écrivains ont vécu dans le dix-huitième siècle: Voltaire certifie leur existence en plusieurs de ses ouvrages.

Page 162, vers 9 et suivans.

Vous n'y trouverez point cette heureuse élégance, Cet esprit délicat, dont les traits ingénus Brillaient dans Sévigné, Lafayette, et Caylus.

Les lettres de madame de Sévigné sont restées modèle, et modèle inimitable. Le roman de la Princesse de Clèves, par madame de Lafayette, tient une place honorable à la suite des chefs-d'œuvre du dix-septième siècle. Madame de Caylus était sans doute fort inférieure aux deux premières; mais l'écrit sans prétention qu'elle a composé sous le nom de Souvenirs offre beaucoup d'anecdotes piquantes, et racontées avec grâce. Ces femmes charmantes ne faisaient point de livres, de gros volumes sur l'éducation, de longs traités de morale ou de métaphysique, encore moins de la théologie. Avaient-elles trop peu d'esprit, ou seulement un trop bon esprit ?

Page 162, vers 25.

Mes trente in-octavo sont d'un poids admirable:

y compris le petit la Bruyère. L'auteur de cet ouvrage veut bien encourager plusieurs gens de lettres, qui seront peu flattés d'être loués dans un livre où l'on dénigre avec fureur les plus illustres écrivains. Au reste, on a le droit d'être difficile quand on compose à la fois des histoires, des caractères, des romans, un théâtre, le tout pour l'instruction de la jeunesse; quand on réunit en soi Bossuet, Fénélon, la Bruyère, je dirais presque Molière; mais c'est un nom si profane! d'ailleurs les Femmes Savantes! Tartufe! ce ne sont pas là des péchés véniels. Prions Dieu pour l'ame de Molière!

Page 163, vers 21 et 22.

Ah! vous parlez du diable? il est bien poétique, Dit le dévot Chactas, ce sauvage érotique.

Quelques personnes ont prôné sans mesure le roman chrétien d'Atala; elles ont placé ce petit ouvrage au-dessus de Paul et Virginie, et de la Chaumière indienne. Assurément c'était comparer la première esquisse d'un écolier aux meilleurs tableaux d'un grand maître. On ne trouve dans ces deux productions, pleines de charmes, rien qui ressemble aux capucinades de M. Aubry, aux étranges amours de Chactas, à une foule d'expressions plus étranges encore, et à ces amplifications descriptives d'un sauvage qui a fait sa rhétorique. L'auteur d'Atala, en mettant l'amour aux prises avec la religion, croit avoir conçu une idée neuve, et vaincu une extrême difficulté. Pour la nouveauté de l'idée, comment peut-il y croire? il est peu probable qu'il n'ait pas entendu parler de Renaud et d'Armide, de Roger et de Bradamante, ou même

de la tragédie de Zaïre. Quant à la difficulté vaincue, c'en est une sans doute d'avoir trouvé le moyen d'ennuyer avec de si puissans motifs d'intérêt, et dans un roman de deux cents pages. Si l'on en croit l'auteur dans sa modeste préface, il ne lit depuis long-tems qu'Homère et la Bible. Tant pis: il faut varier ses lectures, et ne pas redouter l'excès d'instruction. D'ailleurs c'est en grec qu'Homère a composé ses poëmes immortels; et, quand l'esprit saint a cru devoir dicter la Bible, il n'a pas jugé à propos de la dicter en français. Or il semble que l'auteur d'Atala, projetant d'écrire en notre langue, aurait surtout besoin d'en étudier à fond le génie, et de relire encore long-tems les modèles qui ont illustré notre belle littérature. L'auteur médite ce qu'il appelle un grand ouvrage, pour démontrer que la religion chrétienne est essentiellement poétique le sujet est bien choisi; et l'ouvrage sera curieux à lire. On pourrait croire au premier aperçu que la mythologie d'Homère, de Virgile et d'Ovide, est un peu plus favorable à la poésie que les dogmes du christianisme.

L'idolatrie encore est le culte des arts,

a dit un poète habile, qu'on n'accusera pourtant pas d'être un esprit fort, un philosophe. Despréaux, poète plus habile encore, et législateur en matière de goût, n'était pas infiniment frappé des beautés poétiques du christianisme. Cependant, toutes les fictions étant du domaine de la poésie, la religion chrétienne, tout comme une autre, a bien son côté poétique, soit dans le genre sérieux, soit dans le genre plaisant. Parmi les preuves dont l'auteur d'Atala peut appuyer son système, il ne manquera pas doute de citer la Jérusalem délivrée et la Henriade; il n'oubliera point Polyeucte, et d'autres chefsd'œuvre du théâtre français; il ne faut pas qu'il oublie non plus le divin poëme de l'Arioste, et la Pucelle de Voltaire, ouvrage charmant, ouvrage admirable, mais dont le nom seul alarme aujourd'hui les oreilles pudiques de quelques dévots de place. Ils aimeraient peut-être mieux la Pucelle de Chapelain: il est vrai qu'elle est plus catholique.

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