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Page 164, vers 25.

Esménard, par exemple, est un rimeur chrétien.

Esménard, versificateur fraîchement débarqué à Paris. Il travaille au Mercure de France; ce qui a fait tomber les souscriptions. Il n'est pas, comme le marquis du Joueur, le maître architriclin des repas, mais il en est le Pindare. C'est dans les soupers qu'il brille. On le sert aux convives avec les glaces et le sorbet. Il improvise à merveille; il faut seulement avoir la bonté de l'avertir quinze jours d'avance. Il est vrai qu'il improvise de mémoire, ou même le papier à la main. Malgré ces petits défauts dans la représentation théâtrale, l'illusion est parfaite, grâce à l'aimable simplicité qui règne en ses odes. Ceux qui sont dans le secret s'étonnent qu'elles ne soient pas improvisées; ceux qui n'y sont pas les prennent pour des complimens en prose. L'harmonie, la chaleur, l'élévation, le délire, distinguent les vrais poètes lyriques. On ne peut pas tout avoir : les trois premières qualités lui manquent sans doute; mais l'envie elle-même n'oserait lui contester le délire. Au reste son goût est si pur, qu'il ne se permet jamais un trait d'esprit. Cependant, il faut bien en convenir, il n'a jusqu'à présent déployé tout son génie que dans Le chant du coq, journal qu'on lisait au coin des rues. Mais un seul chef-d'œuvre assure à Piron l'immortalité: ainsi soit-il pour notre Esménard! Le chant du coq, voilà sa MÉTROMANIE.

Page 165, vers 17.

Soit, répond un quidam; pour moi je suis abbé.

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On fait parler ici l'auteur inconnu d'un ouvrage intitulé, Manuel des Missionnaires. Le saint homme a caché son nom, mais non pas sa robe. Parmi les instructions édifiantes qu'il

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adresse à ses confrères en jonglerie catholique, apostolique et romaine, se trouve le passage suivant, qui vaut bien la peine d'être remarqué. « Tous ceux qui étaient obligés de payer la *.dixme sont tenus de contribuer à l'entretien des ministres de l'autel. Nous n'exigerons pas cela sous le nom de dixme, mais nous pourrons inculquer avec prudence et modération « le précepte du Seigneur, Ita Dominus ordinavit üs qui evan« gelium annuntiant de evangelio vivere, et leur rappeler qu'ils n'ont que trop éprouvé ce que disait saint Ambroise, qu'on donne au soldat IMPIE ce qu'on refuse au prêtre de « Dieu. Cela s'appelle avoir bien lu les pères de l'église, et les citer fort à propos.

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Page 166, vers 13 et 14.

Ainsi par Jefferson l'heureuse Virginie
Des cultes différens vit régner l'harmonie.

Jefferson, citoyen de Virginie, est aujourd'hui (1802) président du congrès des États-Unis de l'Amérique septentrionale. Il a écrit, durant la révolution opérée dans sa patrie, quelques pages remarquables sur la liberté des cultes. Ces pages, dictées par une raison pure et sublime, ont servi de base en cette matière à la législation de Virginie. Elles doivent être comptées parmi les beaux monumens de la philosophie du dernier siècle.

Page 166, vers 20.

D'un chef-d'œuvre naissant il fut le protecteur.

Ce chef-d'œuvre est Mahomet, que Crébillon n'avait pas voulu laisser passer à la censure. D'Alembert fut moins timide. Voltaire, tourmenté par les intrigans dévots de Paris et de Versailles, dédia sa pièce au pape Benoît XIV, Lambertini. Ce souverain pontife, homme de beaucoup d'esprit, accueillit la dédicace.

Page 168, vers 16 et 17.

Aimez-vous l'enjoûment, les grâces, le bon ton? Lisez mes deux quatrains sur Voltaire et Tonton.

Ces deux quatrains sont adressés à une dame dont le chien s'appelait Tonton : les voici; on peut les chanter sur l'air, Réveillez-vous, belle endormie.

On dit qu'il faut, pour satisfaire
Votre goût et votre raison,
Et vous chanter comme Voltaire,
Et vous aimer comme Tonton:

Le premier n'est pas peu d'affaire;
Mais j'ai ma revanche au second;
Et si je le cède à Voltaire,
Je l'emporterai sur Tonton.

Page 169, vers 7.

Avant Dieu j'ai jugé les vivans et les morts.

La manie de juger ses contemporains et ses rivaux a nui beaucoup au littérateur dont il est ici question. Il s'est permis des décisions tranchantes, magistrales, et d'une rigueur qui avoisine l'injustice, quand elles ne sont pas tout-à-fait injustes. D'ailleurs le personnage de grand-prévôt littéraire est toujours un peu odieux, fût-il accompagné d'une vaste gloire; il devient ridicule dans un homme dont la réputation présente tant de côtés faibles. Voltaire lui-même, à la fin de sa carrière, après vingt chefs-d'œuvre dans tous les genres, environné, rassasié d'hommages, s'est bien gardé d'exercer une pareille

magistrature. Il connaissait trop les hommes et les convenances : il avait reçu de la nature un esprit proportionné à son 'immense talent. Comment donc un écrivain qui se glorifiait avec raison d'être son élève n'a-t-il pas imité sa circonspection? Connu sur la scène tragique par des chutes plus ou moins fortes et des succès plus ou moins faibles, comment n'a-t-il pas craint, en rabaissant les talens de Ducis, de laisser apercevoir une envieuse partialité ? Serait-ce par une suite du même sentiment qu'il n'a trouvéni éloquence ni philosophie dans les éloges composés par Garat? N'a-t-il pas jugé plus que légèrement Palissot, littérateur si éclairé, qui dans sa prose élégante rappelle l'école de Port-Royal, et qui, dans le vers de la comédie, n'est pas inférieur à Gresset? Enfin n'a-t-il pas eu ses raisons pour affecter de méconnaître le beau talent de Lebrun dans la poésie lyrique? De tout cela qu'est-il arrivé? Quelques gens ont traité La Harpe ainsi qu'il a traité ses rivaux : indulgent pour lui-même et pour lui seul, il s'attribue les qualités qu'il n'a pas; on lui a contesté celles qu'il possède. Assurément, comme critique, il occupe un rang élevé, quoique son Cour de littérature soit beaucoup trop long pour la somme d'id qu'il renferme. Comme orateur, ses éloges de Fénélon e Racine sont estimables, quoiqu'il soit très inférieur en cae, à Thomas, à Garat, à l'abbé Maury lui-même, pour l'hample mouvement, la chaleur, et non moins inférieur poète, fort pour l'esprit, la finesse et la précision. Codes heuquelques-uns de ses discours en vers offrent dengu reuses; l'Ombre de Duclos, des traits piquan sous du mélime, plusieurs détails agréables. S'il est adithyrambes, diocre dans ses odes, même en y comprengédies, du moins s'il est froid et sans imagination dans se même lui convient dans un style plus tempéré, qui parde gloire, offre une mieux, Mélanie, son plus beau ti diction constamment pure, éloquer qu'il fallait, et ce qu'il faut enco

et Fé

et pathétique : c'est ce rappeler; mais les décla

Imations de La Harpe contre opinions qu'il a professées

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OEuvres anciennes, III,

pendant quarante ans; ses attaques inconsidérées ; ses menaces lentes quand il n'attaque pas encore; cette férule qu'il ne dépose jamais; son intolérance littéraire, politique et religieuse voilà ce qui a soulevé contre lui tous les partis, toutes les classes de lecteurs; voilà ce qui a révolté jusqu'aux hommes qui, malgré la différence d'opinion sur des points importans, étaient le mieux disposés pour lui, qui se faisaient un plaisir de rendre justice à son mérite littéraire, et qui auraient donné l'exemple de respecter sa vieillesse, si lui-même avait su la respecter.

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