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stante neutralité. Ce subside lui fut exactement payé jusqu'en 1804, temps où Napoléon, dont la politique, comme celle des Romains, étoit de n'avoir à la fois qu'un ennemi sur les bras, et qui croyoit avoir assez compromis le roi de Prusse pour n'avoir rien à craindre de ses projets, lui retira tout à coup ses, subsides, et envoya une armée à ses portes, sous prétexte de l'occupation du Ha

novre.

Au milieu des bouleversements de l'empire germanique, la Prusse étoit restée intacte. Les sécularisations l'avoient amplement dédommagée de quelques pertes qu'elle avoit faites sur le Rhin. En y joignant la part qu'elle avoit obtenue dans le dernier partage de la Pologne, elle étoit plus riche en territoire, en population, et en moyens de toute espèce, qu'elle ne l'avoit été dans les temps les plus prospères du grand Frédéric.

Mais le grand Frédéric auroit prévu les conséquences de cet ordre de choses qui menaçoit son petit-neveu, et ne les eût pas si paisiblement attendues : il n'auroit jamais pensé que les affaires de l'Allemagne méridionale lui fussent étrangères. Il n'auroit pas laissé refouler l'Autriche derrière l'Inn; et, d'accord avec elle, il auroit reconstruit une digue assez forte

pour préserver cette partie de l'Europe de l'inondation des Francois.

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Prusse.

Le roi de Prusse actuel (Frédéric-Guil- Guerie de laume III), indignement traité dans la personne de son ministre à Paris (M. de Luchesini), et inquiété sur ses frontières par une armée françoise, mit enfin la sienne sur le pied de guerre, et prit les précautions que sa sûreté, l'intérêt et l'honneur de sa couronne lui commandoient impérieusement.

Napoléon parut s'en offenser; il saisit ce prétexte pour commencer l'exercice du pouvoir que lui donnoit son nouveau titre de protecteur de la confédération du Rhin. Il écrivit à tous les princes confédérés « que la Prusse armoit depuis un mois sans cause et sans raison; que ces armements lui paroissoient le résultat d'une coalition avec la Russie et l'Angleterre, dirigée principalement contre la confédération du Rhin; que, dans ce cas, il lui sembloit urgent de convoquer ies forces que la confédération du Rhin étoit obligée de fournir pour la défense de ses intérêts communs; qu'au lieu de deux cent mille hommes que, par le traité, la France devoit fournir, elle en fourniroit trois cent mille; et que les troupes nécessaires pour compléter c nombre seroient transportées en poste sur le Rhin.

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Ses dispositions furent bientôt faites. Le 25 septembre il quitta Paris, arriva le 28 à Mayence, et le 8 octobre à Bamberg.

Huit jours avant son départ, il avoit cru nécessaire d'instruire l'Europe de ses projets dans cette intention, il adressa au sénat un message, dans lequel il disoit :

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« Les armées prussiennes, portées au grand complet de guerre, se sont ébranlées de toutes parts, ont dépassé leurs frontières et envahi la Saxe. Notre premier dévoir, à cette nouvelle, a été de passer le Rhin nous-mêmes, de former nos camps, et de faire entendre le cri de guerre. Il a retenti au cœur de tous nos guerriers.

« Tous nos camps sont formés; nous allons marcher contre les armées prussiennes, et repousser la force par la force. Dans une guerre aussi juste, où nous ne prenons les armes que pour nous défendre, que nous n'avons provoquée par aucun acte, par aucune prétention, et dont il nous seroit impossible d'assigner la vraie cause, nous comptons entièrement sur le secours de Dieu, sur l'appui des lois, et sur l'affection de nos peuples. >>

L'armée ne savoit pas encore pourquoi, ni contre quels ennemis elle alloit se bat

tre. La proclamation suivante l'en in

struisit.

« Soldats,

« Des cris de guerre se sont fait entendre à Berlin. Depuis deux mois nous sommes provoqués à outrance.

« La même faction qui, à la faveur de nos dissensions intestines, conduisit, il y a quatorze ans, les Prussiens au milieu des plaines de la Champagne, domine dans leurs conseils. Si ce n'est plus Paris qu'ils veulent brûler, c'est la Saxe qu'ils veulent soumettre; ce sont vos lauriers qu'ils veulent flétrir.

« Les insensés ! qu'ils sachent qu'il seroit mille fois plus facile de détruire la grande capitale, que de flétrir l'honneur d'un grand peuple. Leurs projets seront confondus. Soldats! il n'est aucun de vous qui veuille retourner en France par un autre chemin que par celui de la gloire. Nous ne devons y rentrer que sous des arcs de triomphe. »

A ces déclamations qui avoient évidemment pour objet d'insulter le roi de Prusse et de le porter à des récriminations violentes, l'empereur joignit des outrages directs à la reine, l'une des plus belles femmes de son temps, qui, née avec des sentiments très-élevés et un courage au

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dessus de son sexe, voyant avec peine son pays soumis à l'influence du cabinet des Tuileries, fit tous ses efforts pour réveiller dans le cœur de son mari les souvenirs du grand Frédéric, et en vint å bout. C'est pourquoi Napoléon, oubliant les égards qu'il devoit à son sexe, à son rang, et à lui-même, lui fit adresser des injures grossières par ses journalistes, et l'exposa aux regards du public dans des caricatures qui la représentoient tantôt sous l'emblème de la belle Hélène séduisant Pâris (1), et tantôt sous la figure d'une nouvelle Armide qui, dans son égarement, mettoit le feu à son propre palais.

Le roi de Prusse fut enfin convaincu qu'il n'y avoit plus d'autre parti à prendre que celui des armes; et dès qu'il eut pris ce parti, il crut devoir le justifier aux yeux de l'Europe par le manifeste suivant, qu'il publia le 9 octobre 1806.

MANIFESTE DU ROI DE PRUSSE.

« Sa majesté le roi de Prusse, en prenant les armes pour la défense de son peuple, croit nécessaire de faire connoître à la nation et à l'Europe les motifs

(1) L'empereur Alexandre, désigné ici sous le nom de Paris, fut l'ami constant du roi de Prusse, et, à ce titre, devoit être aussi maltraité que la reine dans les journaux et par les vils courtisans de Buonaparte,

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