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la Marine, nous engage à multiplier les occasions de faire connaissance, en ajoutant les heures de fête aux heures de travail.

Parmi les fêtes, une des premières et la plus communicative, est la réunion amicale autour de ces tables de festin, avec la rare fortune d'avoir pour président un Prince par le sang et par la science.

Nous ne saurions renouveler les repas d'autres âges, qui doivent leur célébrité à l'imagination des auteurs qui les ont chantés. Certains côtés des tableaux de la vie antique demandent à être tenus dans l'ombre. Au point de vue du confort et de la beauté du cadre, nous pouvons soutenir tout rapprochement. Quant aux gracieuses convives que nous sommes si heureux de compter au milieu de nous, la plus stricte convenance m'interdit d'essayer aucune comparaison avec le passé.

La présence des dames est ici toute naturelle. Il n'est pas de légende touchant à la marine où il ne soit question de la femme. Qu'il s'agisse de la mer Tyrrhénienne aux sirènes entraînantes, ou des côtes de l'Amérique aux fées charmeresses guettant les téméraires qui osent pénétrer dans leurs caverneuses demeures, nos ancêtres ont toujours eu tendance - peu flatteuse au fond- à attribuer leurs naufrages à quelque fatale influence féminine, capricieuse et mobile comme les flots.

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Plus juste et bien supérieure est notre conception. C'est par des mesures bienfaitrices que vous voulez marquer l'achèvement de la victoire humaine sur la mer; vos réunions ne sauraient dès lors être complètes sans la présence des anges de la charité.

Je porte un toast aux dames qui ont bien voulu parer cette fête, à toutes celles qui se feront, comme l'a si justement demandé l'honorable et sympathique président du Congrès, les plus utiles auxiliaires de l'Association Internationale de la Marine et l'aideront à mettre en devise « l'union de tous pour le bien de l'humanité ».

sa pratique réelle

A l'issue de ce très beau banquet, Son Altesse Sérénissime s'est retirée, respectueusement saluée par toute l'assistance et, accompagnée des membres du bureau du Congrès et des personnes de sa suite, s'est rendue à la Fête populaire organisée à la Condamine par la Société musicale la Lyre Monégasque. L'entrée du Prince et des membres du Congrès a été accueillie par une ovation enthousiaste et la musique de la Lyre Monégasque a joué l'Hymne Monégasque et les hymnes des diverses nations représentées au Congrès, aux acclamations de la foule qui se pressait dans l'enceinte de la fête. Avant de se retirer, Son Altesse a félicité M. le chevalier Joseph Marquet, le dévoué président de la Lyre Monégasque, pour l'organisation de cette fête populaire, qui a été le digne couronnement de cette belle journée.

TROISIÈME JOURNÉE

Dimanche 14 Avril

Les membres du Congrès de Monaco conserveront un précieux et inoubliable souvenir de leur journée du dimanche 14 avril, au cours de laquelle S. A. S. le Prince de Monaco leur a offert, à bord de son magnifique yacht Princesse-Alice, une hospitalité aussi agréable qu'instructive. Le charme de la promenade en mer le long du littoral enchanteur s'est, en effet, doublé pour eux du très grand attrait scientifique des curieuses expériences de télégraphie sans fil, dont la complète réussite les a émerveillés.

Vers 8 heures du matin, fidèles au rendez-vous, les congressistes invités à bord du yacht princier arrivaient à l'embarcadère du port, où les recevait, avec son habituelle obligeance, le baron de Rolland et d'où par petites embarcations ils se rendaient bientôt à bord de la Princesse-Alice, dont S. A. S. le Prince Albert avait pris, de bonne heure, le commandement pour effectuer une courte sortie d'essai des appareils de télégraphie sans fil.

En outre du groupe des principales personnalités du Congrès et de leurs familles firent partie de l'excursion: S. A. S. le Prince de Münster et sa nièce Mme la comtesse d'Assburg; M. le capitaine baron de Gail, aide de camp, et Mme la baronne de Gail; M. Desprès, ministre plénipotentiaire de France; M. Joseph Reinach; M. l'abbé Pichot; M. Fuhrmeister, attaché au Secrétariat, et quelques invités spéciaux parmi lesquels il faut particulièrement citer M. Travailleur, dont les explications sur les appareils Marconi ont vivement intéressé les passagers, et M. le docteur Jules Richard, qui s'est fort gracieusement mis à la disposition de tous, pour montrer et décrire les merveilleux aménagements scientifiques du yacht, ses laboratoires et son armement si curieux d'engins de pêche et de matériel perfectionné en vue des recherches océanographiques.

A huit heures et quart, le Prince qui, sur la passerelle, dirige la manœuvre, donne l'ordre du départ, et la Princesse-Alice sort lente

ment du port, donnant tout d'abord aux excursionnistes l'occasion de contempler la monumentale façade du Musée Océanographique surplombant le rocher qui lui sert de base. Le navire activant sa marche, le panorama de la Côte d'azur se déroule admirable de fraîcheur et de clarté devant les regards ravis: le ciel est d'une rare pureté, et, audessus des flots bleus et des verts coteaux du rivage, se profile sur l'horizon terrestre la chaîne pittoresque des montagnes des AlpesMaritimes, encore couvertes de neige d'une éblouissante blancheur.

La mer est légèrement houleuse, mais les qualités nautiques du yacht sont telles qu'à peine si le roulis est perceptible et, qu'à part quelques très rares exceptions, les excursionnistes ne sont pas incommodés par le terrible mal de mer. On ne s'arrache au merveilleux spectacle du panorama mouvant que présente la côte, que pour aller, tour à tour, voir fonctionner les appareils Marconi, dans la cabine sur le pont où ils ont été installés. Sur une table sont posés à côté l'un de l'autre le transmetteur et le récepteur, reliés par un fil qui se prolonge extérieurement de la cabine jusqu'à l'extrémité du mât de misaine.

Le poste avec lequel s'est mis en rapport la Princesse-Alice avait été installé à Biot, où un grand mât, planté en terre, était terminé comme le mât de misaine du bord, par un fil relié à des appareils identiques.

Pour prouver que la communication était bien établie, le poste de Biot a lancé une première dépêche dont voici le texte :

Les Ingénieurs de la poste télégraphique sans fil, à Biot, ont l'honneur d'envoyer leurs respectueuses salutations à S. A. S. le Prince de Monaco et de lui souhaiter un bon voyage.

Cette expérience concluante faite, Son Altesse a alors écrit au crayon le texte du télégramme suivant, qui a été immédiatement envoyé à travers l'espace au poste de Biot, d'où le bureau télégraphique ordinaire l'a transmis à son adresse:

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Je conduis le premier Congrès de l'Association maritime internationale au large des côtes de France, pour assister sur mon navire à des expériences de télégraphie sans fil, et je veux que ma première dépêche transmette au Président de la République le témoignage de mon amitié.

ALBERT, Prince de Monaco.

Pendant que l'ingénieur, représentant de M. Marconi, martèle avec son levier les signes traduisant ce texte, Son Altesse rédige ce second télégramme qui va suivre la même voie aérienne :

Sa Majesté l'Empereur Guillaume Berlin.

Pour la première fois, des expériences de télégraphie sans fil ont lieu dans la Méditerranée, à bord de mon navire et devant le Prince de Münster. Je prie Votre Majesté d'agréer les hommages que je lui envoie à travers l'espace.

ALBERT, Prince de Monaco.

Tour à tour, diverses autres dépêches sont envoyées par M. Charles-Roux et M. Durassier qui, au nom des membres du Congrès, adressent leur salut respectueux au Ministre de la Marine et au Ministre des Postes et Télégraphes; par le Chevalier Pesce à la Lega Navale Italiana, à la Spezia; par le Délégué du Gouvernement portugais à S. M. le Roi de Portugal; par M. Reinach à M. WaldeckRousseau, et par M. de Meurville au Figaro. (Voir p. 282-284).

Pendant ce temps, le yacht poursuit sa route, et vers dix heures et demie, tout étonnés d'être à bord depuis deux heures, tant ces deux heures-là ont passé rapides et délicieuses, le but de l'excursion est atteint. La Princesse-Alice jette l'ancre dans l'anse voisine de l'hôtel du Cap d'Antibes, et plusieurs petits canots se détachent de la côte pour transporter à terre les Congressistes.

Son Altesse et les personnes de Son entourage restent seules à bord. Allègrement, la plupart des Congressistes vont à pied

en atten

dant l'heure du déjeuner — visiter la belle et célèbre propriété connue sous le nom d'Eilenroc, dont on admire autant les richesses florales que la merveilleuse situation dans un des sites les plus pittoresques du littoral.

On revient ensuite à l'hôtel, et, l'appétit aiguisé par l'air de la mer et par la promenade, on se met à table en compagnie de nombreux autres Congressistes et notabilités officielles de Monaco, venus, soit par le remorqueur Gladiator, parti une heure après la Princesse-Alice, soit plus prosaïquement, mais plus sûrement, pour les personnes qui redoutent le mal de mer, par la voie ferrée.

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droite M. J. Charles-Roux, et à sa gauche M. Durassier, représentant le Ministre de la Marine française se lève et prononce la spirituelle et éloquente allocution suivante :

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MESDAMES, MESSIEURS,

Voici le moment où l'honneur de présider un banquet tel que celui-ci tourne au péril. Mais, depuis que je fais partie de l'Association internationale de la Marine, je me sens des dispositions à braver tous les dangers, comme si une âme de marin s'était soudain éveillée en moi. D'ailleurs, en dépit du caractère un peu solennel que donnent à cette réunion tant de hautes personnalités, jointes à tant de grâce, elle n'est en réalité qu'une réunion confraternelle, j'espère même pouvoir ajouter une réunion d'amis, dans laquelle, pour trouver le mot qui porte, il suffit de laisser parler le cœur. Je vais donc abandonner au mien le soin de m'inspirer.

Les premières paroles qu'il me met aux lèvres vont au pays dont nous foulons le sol, sur ce promontoire enchanté, véritable parterre de fleurs, qui semble placé en avant de la Côte d'azur pour en annoncer les merveilles et envoyer au navigateur qui passe un peu de l'âme hospitalière de la France, dans un parfum. Saluons, Messieurs, cette terre généreuse et féconde; saluons la nation dont elle reproduit les nobles et aimables qualités. Et, pour préciser notre hommage, saluons-la en la personne du chef d'Etat qui la représente si dignement. Messieurs, levons nos verres en l'honneur de S. Exc. le Président de la République Française.

Je vous ai déclaré que je laisserai parler mon cœur. C'était vous faire prévoir qu'après ce premier toast à la France, dont j'ai le bonheur et la fierté de me dire l'enfant, mon hommage irait aux dames qui ont bien voulu nous accompagner jusqu'ici. Après le compliment si poétique et si fin que leur adressait hier notre cher Gouverneur Général, comment trouver quelque chose à leur dire qui ne leur paraisse fade et banal? Quelques-unes d'entre elles se sont bravement confiées aux flots, qui, pour marquer leur reconnaissance, se sont efforcés d'adoucir leur impétuosité naturelle. D'autres ont préféré les chemins parfumés du Cap, sans doute pour donner aux fleurs leur part de fête. Toutes se sont unies pour nous faire la nôtre plus large, en nous apportant ici ce double charme de la grâce et de la bonté, si justement célébré déjà à plusieurs reprises par les orateurs de notre Congrès.

Et maintenant, Messieurs, je voudrais remercier individuellement tous ceux qui nous ont apporté le concours de leurs efforts, le lustre de leur talent et de leur autorité. Mais il faudrait vous citer tous. Permettez-moi

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