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1804.

Allocution du

de tous les malheurs à ses yeux: il vouloit l'éviter à tout prix ; il crut qu'il l'éviteroit, en cédant aux vœux de Napoléon.

Cependant une voix secrète et plus forte que toutes ses craintes lui conseilloit de ne pas faire cette démarche. Il avoit eu la nomination des Bourbons au conclave (1); il savoit que leurs droits étoient incontestables: manquera-t-il à la justice et à la reconnoissance, en allant poser leur couronne sur la tête de l'usurpateur? Cette pensée l'effraya un moment, mais ne l'arréta pas.

Il annonça sa dernière résolution dans une allocution saint qu'il prononça en plein consistoire, le 29 octobre 1804, et dans laquelle il dit :

père.

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« Vénérables frères,

Lorsque nous vous annoncâmes, de ce lieu même, que nous avions fait un concordat avec S. M. l'empereur des François, nous fìmes éclater, en votre présence, la joie dont le Dieu de toute consolation remplissoit notre cœur, à la vue des heureux changements que le concordat venoit d'opérer dans ce vaste et populeux empire, pour le bien de la religion.

« Une œuvre si grande et si admirable dut exciter en nous les plus vifs sentiments de reconnoissance pour le très puissant prince qui avoit employé son autorité à la conduire à sa fin.

(1) Pour entendre ceci, il faut savoir que les princes catholiques disposoient dans le conclave de la voix des cardinaux qui restoient leurs sujets. Avoir la nomination des Bourbons, c'étoit avoir le suffrage des cardinaux françois, espagnols et napolitains ; et c'étoit un poids dans la balance!

« Ce puissant prince, notre très cher fils en J. C., nous a fait connoître qu'il desiroit vivement recevoir de nous l'onction sainte et la couronne impériale, afin que la religion, imprimant à cette cérémonie solennelle le caractère le plus sacré, en fît la source des plus abondantes bénédictions.

« Cette demande, faite dans de tels sentiments, n'est pas seulement un témoignage authentique de la religion de l'empereur et de sa piété filiale pour le saint-siége, mais elle se trouve encore appuyée de déclarations positives que sa volonté ferme est de protéger de plus en plus la foi sainte, dont il a jusqu'ici travaillé à relever les ruines par tant de généreux efforts.

"

Ainsi, vénérables frères, vous voyez combien sont justes et puissantes les raisons que nous avons d'entreprendre ce voyage. Nous y sommes déterminés par des vues d'utilité pour notre sainte religion, et par des sentiments particuliers de reconnoissance pour le trèspuissant empereur qui, après avoir rétabli la religion catholique en France, nous témoigne le desir de favoriser ses progrès et sa gloire.

« A ces causes, vénérables frères, marchant sur les traces de nos prédécesseurs, qui se sont quelquefois éloignés de leur siége, et se sont transportés dans des régions lointaines pour le bien de l'église, nous entreprenons ce voyage, sans nous dissimuler que sa longueur, une saison peu favorable, notre âge avancé et notre foible santé, auroient dû nous en détourner (1);

(1) Il y avoit pour l'en détourner des raisons bien plus puissantes que celles qu'il allègue dans son discours, sur lesquelles la politique l'obligeoit alors de garder le silence, et que ses remords lui ont rappelées depuis avec amertume,

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Arrivée

du saint

mais nous comptons pour rien ces obstacles, pourvu que Dieu nous accorde ce que notre cœur lui demande. » La nouvelle de ce voyage étonna toute l'Europe, et consterna les partisans de la légitimité.

Le saint-père quitta Rome le 5 novembre, et arriva père à à Fontainebleau le 25 du même mois.

Paris.

Couronnement

Napoléon, prévenu de son arrivée, alla au-devant de lui jusqu'à la croix de Saint-Herem, le reçut avec toutes les marques d'un profond respect, et lui fit rendre partout les honneurs dus à son éminente dignité.

Le 2 décembre étoit le jour fixé pour la cérémonie de l'em- du couronnement, à laquelle toute l'élite de la France pereur. assista par députation.

A dix heures du matin, l'empereur sortit des Tuileries pour se rendre à Notre-Dame. Son cortège étoit nombreux et magnifique : cinq cents voitures escortoient la sienne; il y avoit cinquante mille hommes sous les armes, et cinq cent mille curieux aux fenêtres ou dans les rues.

L'église étoit entièrement tendue en étoffes de soie cramoisie, ornées de franges, de galons, et d'armoiries brodées en or. La nef, le choeur et le sanctuaire, étoient couverts de tapis d'Aubusson et de la Savonnerie. Des gradins en amphithéâtre étoient chargés de spectateurs: les femmes brillantes de graces et de parure, les hommes revêtus d'un costume obligé, des places assi gnées à tous les grands dignitaires de l'état, le trône de l'empereur élevé au milieu de la nef, celui du pape dans le sanctuaire et à côté de l'autel.... tout cela étoit beau, magnifique et bien ordonné. Ce mélange de la pompe des cérémonies de l'église romaine avec la magnificence de la cour des Tuileries, présentoit à l'œil, il faut en

convenir, un brillant spectacle, mais laissoit dans tous les esprits je ne sais quelle inquiétude, qui provenoit sans doute autant de la profanation des mystères de la religion, que de l'intervertissement des dogmes anciens de la politique.

L'empereur reçut à genoux l'onction sainte des mains du pape; mais il prit lui-même la couronne sur l'autel, et la plaça sur sa tête; puis, assis sur son trône, la couronne en tête et la main sur l'Evangile, il prononça le serment suivant : « Je jure de maintenir l'intégrité du territoire de la république, la vente des biens nationaux, la loi du concordat, la liberté des cultes, l'institution de la légion d'honneur, et de gouverner dans la seule vue de l'intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple françois.

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Le chef des hérauts dit alors d'une voix forte: « Le très glorieux et très auguste empereur Napoléon, empereur des François, est couronné et intronisé. Vive l'empereur! » Et pendant dix minutes l'église retentit des cris répétés de vive l'empereur.

Aucun accident ne troubla la cérémonie. La police veilloit par-tout. Tous les travaux furent suspendus. Le peuple parut joyeux, bruyant et animé, mais fut contenu. Le soir la ville fut illuminée avec profusion. Des flammes de Bengale, allumées sur les édifices les plus élevés, répandoient au loin un éclat nouveau et d'un effet extraordinaire.

Toute l'Europe, moins l'Angleterre, voulut être témoin de cette cérémonie. Les princes d'Allemagne furent invités, ce jour-là, à déjeûner chez le maréchal Murat, gouverneur de Paris. Après le repas, le maréchal, par une galanterie qui dut les offenser, mais qu'ils

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n'osèrent refuser, leur offrit quatre carrosses à sa livrée, et à six chevaux, pour les conduire à Notre-Dame, où il les fit accompagner par deux aides-de-camp, et une escorte d'honneur de cent hommes à cheval. La beauté des attelages, la richesse de la livrée et l'élégance des voitures firent remarquer ce cortège parmi tant d'autres, et même après celui de l'empereur.

Celui de l'empereur étoit d'une rare magnificence. Je ne sais si, depuis ces fameux triomphes dont la capitale du monde s'enorgueillissoit, on avoit rien vu d'aussi brillant, tant par l'éclat des armes que par la richesse des costumes; tout étoit éblouissant. Sa voiture, d'une construction nouvelle, surmontée d'une couronne, attelée de huit chevaux blancs, panachés et caparaçonnés, étoit à découvert, et lui permettoit de tout voir et d'être vu. Quelque insatiable que fût sa vanité, elle dut être satisfaite ce jour-là, car jamais aucun mortel ne fut plus avidement regardé, ni plus magnifiquement accompagné.

La fête du couronnement fut suivie de deux autres fétes, dont l'une, donnée au peuple, auquel on distribua largement du vin, des volailles, et de petites médailles d'argent portant d'un côté l'effigie de l'empereur, avec cette légende: Napoléon empereur; et, de l'autre, le même en pied, vêtu à la romaine, élevé sur un bouclier, avec cette légende : le sénat et le peuple.

L'autre fête étoit consacrée à l'armée, qui, par des députations qu'elle avoit envoyées à Paris, reçut ce jour-là les aigles et les drapeaux que l'empereur lui destinoit, et qu'il distribua au Champ-de-Mars, en lui adressant cette courte harangue :

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Soldats, voilà vos drapeaux. Ces aigles vous servi

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