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Il avoit envoyé le général Savary complimenter l'empereur de Russie, et lui demander une entrevue. L'empereur de Russie lui dépêcha à son tour le prince Dolgorouski, qui, en arrivant aux avant-postes françois, vit que tout respiroit la crainte et la foiblesse; que de toutes parts on élevoit des fortificatious et des redoutes; que le service se faisoit avec une extrême sévérité. Introduit auprès de Napoléon, il osa lui proposer comme préliminaire de la paix d'abandonner la Belgique et l'Italie...!

Ces visites réciproques et ces ruses de guerre eurent le résultat que Napoléon en espéroit. Dans la présomption que les frayeurs simulées des François inspirèrent aux Russes, ils abandonnèrent les fortes positions qu'ils occupoient sur les hauteurs entre Aujest, Pratzen et Holubitz : ils descendirent dans la plaine, où Napoléon les attendoit.

Le premier décembre, vers le soir, en considérant ces nombreux bataillons qui sembloient venir d'euxmêmes se livrer à sa merci, il lui échappa de dire : Voilà la plus belle soirée de ma vie ; mais s'apercevant aussitôt de l'impression fâcheuse que ce mot, digne de Néron, avoit produite sur quelques uns de ses officiers généil se hâta d'en corriger l'effet, en ajoutant : « Mais je ne pense qu'avec regret que je perdrai demain un grand nombre de mes braves; au mal que cela me fait je sens qu'ils sont mes enfants. »

raux,

Il fit lire à la tête de chaque bataillon la proclamation suivante :

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ger l'armée autrichienne d'Ulm. Ce sont ces mêmes bataillons que vous avez battus à Hollebrun. Les positions que nous occupons sont formidables, et pendant qu'ils marcheront pour tourner ma droite, ils me présenteront le flanc.

«

<< Soldats, si vous portez le désordre et la confusion dans les rangs ennemis, je me tiendrai loin du feu ; mais si la victoire étoit un moment incertaine, vous verriez votre empereur s'exposer aux premiers rangs.

« Cette victoire terminera notre campagne, et la paix qui la suivra sera digne de vous et de moi.

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Le maréchal Soult commandoit la droite; le maréchal Lannes la gauche; le maréchal Bernadotte le centre; le prince Murat la cavalerie.

L'empereur, avec son fidéle compagnon de guerre, le maréchal Berthier, et le général Junot, son premier aide-de-camp général, se plaça en réserve avec dix bataillons de sa garde, et dix bataillons de grenadiers, commandés par le général Oudinot.

L'armée, impatiente de combattre, bivouaqua toute la nuit; et le 2, à huit heures du matin, le feu commença des deux côtés. A neuf heures, une canonnade épouvantable s'engagea sur toute la ligne : deux cents pièces de canon vomissoient la mort de part et d'autre. On se rapprocha, on se battit à la baïonnette avec un extréme acharnement. Les succès furent long-temps balancés. Le courage étoit égal des deux côtés; mais, du côté des François, le courage étoit secondé par un chef audacieux, par des manoeuvres habiles, et par l'expérience des officiers. La garde impériale françoise fit des

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prodiges de valeur contre la garde impériale russe, qui, repoussée quatre fois, revint quatre fois à la charge. Le maréchal Lannes, surnommé le brave des braves, paya plusieurs fois de sa personne, et rallia lui-même ses bataillons dispersés.

se

Le maréchal Bernadotte fut vivement attaqué, et un moment battu par le grand-duc Constantin ; mais, couru à propos par la cavalerie de la garde impériale, que commandoit le maréchal Bessières, il reprit l'avantage, et mit à son tour le désordre dans les rangs du grand-duc.

L'action duroit depuis six heures, sans qu'on pût dire encore de quel côté penchoit la victoire, lorsque l'empereur Alexandre, qui perdoit du terrain, et qui ne sacrifioit pas les hommes avec autant de légèreté que son ennemi, fit ordonner la retraite, laquelle se fit en bon ordre, lentement, et de manière à laisser croire que la bataille n'étoit que suspendue.

Le champ de bataille nous resta, couvert de vingtcinq mille morts; les François eurent moins de morts, mais plus de blessés que les alliés. Les généraux St.Hilaire, Walter, Kellermann, Valhubert, Thiebault, Rapp, Compans et Sebastiani furent du nombre de ces derniers.

En parlant de cette horrible boucherie dans son trentième bulletin, Napoléon disoit : « Le cœur saigne à la vue de ce vaste cimetière: puisse tant de sang versé retomber sur les perfides insulaires qui en sont la cause! Puissent les lâches oligarques de Londres porter la peine de tant de maux »>! (1)

(1) Ce fut pendant cette campagne que parurent pour la première

Alexandre tint, pendant la nuit, avec ses officiersgénéraux, un conseil, dont le résultat fut de recommencer la bataille à la pointe du jour. Cette résolution ayant été communiquée à l'empereur d'Autriche, lui parut téméraire; il refusa d'y souscrire, parla d'armistice et de paix, et ne cacha pas qu'il alloit demander une entrevue au vainqueur. Elle lui fut accordée surle-champ.

« J'attends de vous, mon frère, lui dit Napoléon sans autre préambule, que vous signerez cette nuit un armistice. »

François II hésita, et invoqua timidement le nom d'ALEXANDRE..... - La cause d'Alexandre, reprit brusquement Napoléon, n'est plus la vôtre. Je sais qu'il a le projet de recommencer demain la bataille; je l'attends. Quant à vous, sire, je vous invite à signer un armistice; la rentrée dans votre capitale est à ce prix. L'infortuné François II n'eut rien à répliquer : il prit la plume en tremblant, et signa tout ce que le vainqueur voulut.

En apprenant cette nouvelle, Alexandre eut un moment d'humeur; mais ensuite réfléchissant sur la situation critique de son auguste allié, il le plaignit sincèrement, ne voulut pas l'exposer à de nouveaux malheurs en prolongeant une guerre deyenue pour lui-même sans objet, et se retira avec son armée, sans conclure ni paix ni trève avec le vainqueur d'Austerlitz (1).

fois ces relations mensongères, connues sous le nom de Bulletins de la grande armée; invention nouvelle qui avoit le double but de caresser la vanité des soldats et d'entretenir la crédulité des peuples. Ils étoient communément fabriqués dans le cabinet du général Berthier, et toujours revus par l'empereur.

(1) Ainsi fut nommée la bataille dont nous venons de faire le récit.

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Presbourg.

Le 26 décembre suivant, François II et Napoléon sìPaix de gnèrent à Presbourg un traité, par lequel le premier reconnoissoit le second en qualité d'empereur des François et de roi d'Italie; lui cédoit à perpétuité la Belgique, les états de Venise, de Parme, de Plaisance et de la Toscane; reconnoissoit en qualité de rois les électeurs de Bavière et de Wurtemberg, etc.

Par ce traité, l'Autriche perdit l'influence qu'elle avoit exercée jusqu'alors dans la confédération germanique, que Napoléon devoit bientôt soumettre à la

sienne.

Avant de quitter Vienne, Napoléon adressa aux habitants de cette ville une proclamation qui, par les paroles pleines de modération qu'elle contient, méritoit de couronner la campagne glorieuse dont elle annonçoit la fin.

« Habitants de la ville de Vienne,

« J'ai signé la paix avec l'empereur d'Autriche. Prêt à partir pour ma capitale, je veux que vous sachiez l'estime que je vous porte, et le contentement que j'ai de votre bonne conduite, pendant le temps que vous avez été sous ma loi. Je vous ai donné un exemple inoui jusqu'à présent dans l'histoire des nations. Dix mille hommes de votre garde nationale sont restés armés, ont gardé vos portes; votre arsenal tout entier est demeuré en votre pouvoir : et pendant ce temps-là je courois les chances les plus hasardeuses de la guerre. Je me suis confié en vos sentiments d'honneur, de bonne foi et de loyauté. Vous n'avez point trahi ma confiance.

Elle prit ce nom de l'un des villages situés dans cette partie de la
Moravie, et qui fut pris et repris plusieurs fois pendant l'action.

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