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autres membres avaient été élus par les deux assemblées. Les choix du Corps législatif étaient des choix d'opposition : tous les membres appartenaient à la fraction dite constitutionnelle. Quelque effacée qu'eût été cette assemblée devant les prospérités de l'Empereur, le principe d'élection d'où elle sortait faisait arriver jusqu'à elle un souffle de l'opinion, et la lassitude des départements où résidaient la plupart de ses membres, les mécontentements qu'elle avait ressentis, en 1808, de la note offensante du Moniteur, et récemment de la nomination directe de son président par l'Empereur, concoururent à la disposer à s'emparer du rôle que lui présentaient les circonstances pour se relever de sa longue humiliation, en devenant l'interprète du vœu public. Ce vœu était si manifeste et si impérieux, que le Sénat, dont la commission était moins hostile et plus prudente, crut lui-même nécessaire de l'exprimer. Il supplia l'Empereur, dans son adresse, de faire. un nouvel effort pour obtenir la paix. « C'est le vœu de la France et le besoin de l'humanité, disait le Sénat. Si l'ennemi persiste dans ses refus, eh bien, nous combattrons pour la patrie entre les tombeaux de nos pères et les berceaux de nos enfants. >>>

La commission du Corps législatif devait naturellement parler un langage plus accentué. Après avoir pris communication des pièces mises à sa disposition par M. d'Hauterive, qui tenait l'intérim des affaires étrangères, en l'absence du duc de Vicence, nommé plénipotentiaire à Manheim, la commission, dans le sein de laquelle les plus vives paroles, provoquées par la maladresse du duc de Massa, avaient été prononcées sur la « nécessité de relever le Corps législatif, si longtemps déprimé, de faire entendre le cri du peuple pour la paix, et son gémissement contre l'oppression,» adopta le rapport de M. Lainé, qui fut lu, le 28 décembre 1813, au Corps législatif.

Dans ce rapport, la commission faisait devant le Corps législatif l'historique des dépêches échangées entre M. de Metternich et le gouvernement impérial; puis elle ajoutait: «Comme le Corps législatif attend de sa commission des réflexions propres à préparer une réponse digne de la nation française et de l'Empereur, nous nous permettrons de vous exposer quelques-uns de nos sentiments. Le premier est celui de la reconnaissance pour une communication qui appelle en ce moment le Corps législatif à prendre connaissance des intérêts politiques de l'État. On éprouve ensuite un sentiment d'espérance en voyant, au milieu des désastres de la guerre, les rois et les nations prononcer à l'envi le nom de paix. Les déclarations solennelles et réitérées des puissances belligérantes s'accordent, en effet, avec le vœu universel de l'Europe pour la paix, avec le vœu si généralement exprimé autour de chacun de nous dans son département, et dont le Corps législatif est l'organe naturel.... Cette paix, qui peut donc en retarder les bienfaits? Les puissances coalisées rendent à l'Empereur l'éclatant témoignage qu'il a adopté les bases essentielles au rétablissement de l'équilibre et de la tranquillité de l'Europe. Nous avons pour premier garant de ses desseins pacifiques et cette adversité, conseil véridique des rois, et le besoin des peuples hautement exprimé, et l'intérêt même de la couronne. »

Le rapport insistait ensuite sur la nécessité d'opposer à la déclaration des puissances alliées une déclaration propre à désabuser le pays. « On verrait d'une part des puissances protestant qu'elles ne veulent pas s'approprier un territoire dont l'indépendance est nécessaire à l'équilibre de l'Europe, et, de l'autre, un monarque se déclarant animé de la seule volonté de défendre ce même territoire. Si l'Empire français restait seul fidèle à ces principes libéraux, la guerre deviendrait nationale, et la France saurait déployer, pour le maintien de

ses droits, l'énergie dont elle avait donné d'assez éclatantes preuves. >>

Le rapport disait en terminant: « D'après les lois, c'est au gouvernement de proposer les moyens qu'il croira les plus prompts et les plus sûrs pour repousser l'ennemi et asseoir la paix sur des bases durables. Ces moyens seront efficaces si les Français sont persuadés que le gouvernement n'aspire plus qu'à la gloire de la paix; ils le seront si les Français sont convaincus que leur sang ne sera plus versé que pour défendre une patrie et des lois protectrices. Mais ces mots consolateurs de paix et de patrie retentiraient en vain si l'on ne garantit les institutions qui promettent les bienfaits de l'une et de l'autre. Il paraît donc indispensable à votre commission, qu'en même temps que le gouvernement proposera les mesures les plus promptes pour la sûreté de l'État, Sa Majesté fût suppliée de maintenir l'entière et constante exécution des lois qui garantissent aux Français les droits de la liberté, de la sûreté et de la propriété, et à la nation le libre exercice de ses droits politiques. Cette garantie a paru à votre commission le plus efficace moyen de rendre aux Français l'énergie nécessaire à leur propre défense. Ces idées ont été suggérées à votre commission par le désir et le besoin de lier intimement le trône et la nation, afin de réunir leurs efforts contre l'anarchie, l'arbitraire et les ennemis de notre patrie. Si la première pensée de Sa Majesté, en de grandes circonstances, a été d'appeler autour du trône les députés de la nation, leur premier devoir n'est-il pas de répondre dignement à cette convocation, en portant au monarque la vérité et le vœu du peuple pour la paix? >>

La lecture de ce rapport produisit une vive impression sur l'assemblée. Pour la première fois depuis longues années, le Corps législatif des muets, comme l'avait surnommé le mépris populaire, redevenait un parlement. La puissance morale y

Les Papiers politiques du baron d'Haussez, qui embrassent toute la Restauration ;

La correspondance de M. le prince de Polignac avec M. de Villèle et avec M. le comte de Laferronays;

La correspondance intime du duc de Montmorency avec M. de Villèle pendant le congrès de Vienne;

Les Papiers politiques de M. de Guernon-Ranville, etc.; La publication des Mémoires pour servir à l'histoire de mon temps de M. Guizot, des Mémoires du duc de Raguse, de quelques parties des Mémoires de M. Beugnot, de plusieurs fragments importants puisés dans les archives du duc Decazes par M. Duvergier de Hauranne, la communication d'une partie des Mémoires de M. le comte d'Andigné, de quelques fragments des Mémoires du prince d'Eckmühl, des notes communiquées par M. le duc des Cars, etc., etc., m'ont fourni des lumières précieuses.

Les deux premiers volumes que je publie contiennent l'histoire d'une époque qui, tout en faisant partie de la Restauration, forme un tout complet. Ils renferment en effet la chute du premier Empire, le rétablissement de la maison de Bourbon en France, la discussion et la promulgation de la Charte, les premiers essais du gouvernement représentatif, le traité de Paris et le congrès de Vienne, le retour de l'île d'Elbe, la chute de la première Restauration, les Cent-Jours, la rapide et désastreuse campagne de 1815, Waterloo, la seconde abdication de Napoléon et son départ pour Sainte-Hélène, événements si divers, si extraordinaires et si multipliés qu'ils semblent s'être pressés pour tenir dans le cadre étroit mesuré entre ces deux dates: 31 mars 1814 et 4 août 1815.

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Depuis la funeste campagne de Russie, l'Empire tombait comme un de ces édifices gigantesques, mais bâtis trop à la hâte et mal construits, dans lesquels l'architecte n'a pas proportionné les résistances aux pesanteurs. Venu à la suite d'une révolution qui avait provoqué, par l'excès de l'anarchie, une réaction en faveur des idées de pouvoir, il avait été le résultat de la rencontre de l'esprit d'indépendance nationale de la France, exalté par des circonstances extraordinaires et mêlé bientôt à l'esprit militaire et à l'esprit de conquête, avec le génie d'un homme. Cet homme avait jeté la France sur l'Europe comme sur une proie, et, aspirant à faire toujours marcher les frontières de ses États déjà agrandis de quarante nouveaux départements, et plus encore- son influence, il avait remanié tous les territoires européen trôné et établi des

Hist. de la Restaur. 1.

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