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ment débattu et concerté avec les trois branches du pouvoir législatif. >>

Il fallut appeler M. Durbach dans le sein de la commission, composée des mêmes membres qui avaient présenté le célèbre rapport sur les communications diplomatiques à la fin de 1813, c'est-à-dire de MM. Laîné, Maine de Biran, Flaugergues, Raynouard, Gallois. Ils eurent de la peine à obtenir de M. Durbach le sacrifice de son discours. Il ne suffit pas d'invoquer cet esprit de conciliation dont le Roi avait donné l'exemple, on dut lui fournir quelques explications sur le mot d'octroi, et entrer en discussion avec lui sur la portée de la déclaration de Saint-Ouen. Dans cette déclaration, Louis XVIII n'avait pas l'intention, dit M. de Montesquiou, de s'engager à soumettre à toutes les corrections du Sénat et du Corps législatif la Constitution promise, mais seulement à la placer sous leurs yeux. M. Durbach céda à cet entraînement qui poussait alors tous les esprits, du moins dans la Chambre, à ne pas troubler l'accord général; mais il se repentit bientôt de cette déférence, et son discours publié par la voie de la presse produisit une vive impression. Les obstacles que devait rencontrer l'avenir commençaient ainsi à se montrer.

Cependant l'adresse de la Chambre des députés fut, comme celle de la Chambre des pairs, pleine de témoignages de confiance, de joie et d'assentiment.

« La Charte constitutionnelle, disait la Chambre, promet à la France cette jouissance de la liberté politique qui, en élevant la nation, donne plus d'éclat au trône lui-même, et les bienfaits de cette liberté civile qui, en faisant chérir l'autorité royale, rend l'obéissance à la fois plus douce et plus sûre. La durée de ces bienfaits parait devoir être inaltérable, lorsqu'ils arrivent au moment d'une paix que le ciel accorde enfin à la France. L'armée qui a combattu pour la patrie et pour l'honneur, et le peuple qu'elle a défendu, reconnaissent à l'envi que cette paix, signée dès les premiers mois du retour de Votre Majesté dans la capitale, est due à l'auguste maison de Bourbon autour de qui la grande famille

française se rallie tout entière dans l'espoir de réparer ses malheurs.

« Oui, Sire, tous les intérêts, tous les droits, toutes les espérances se confondent sous la protection de la couronne. On ne verra plus en France que de véritables citoyens, ne s'occupant du passé qu'afin d'y chercher d'utiles leçons pour l'avenir, et disposés à faire le sacrifice de leurs prétentions opposées et de leurs ressentiments. Les Français, également remplis d'amour pour leur patrie et d'amour pour leur Roi, ne sépareront jamais dans leur cœur ces nobles sentiments, et le Roi que la Providence leur a rendu, unissant ces deux grands ressorts des États anciens et des États modernes, conduira des sujets libres et réconciliés à la véritable gloire et au bonheur qu'ils doivent à Louis le Désiré. »

Cette expression officielle des sentiments de la Chambre, qui attestait à la fois la persistance du courant qui l'entraînait, depuis les derniers jours de l'Empire, vers le rôle des Communes d'Angleterre, et son loyal désir de concilier ce sentiment avec un dévouement sincère à la royauté, qui rapportait a paix et la liberté politique à la France, se trouvait déjà contredite au dehors par la violence de la polémique que la Charte suscitait entre les partis. Ce gage de la réconciliation du passé et du présent devenait une pomme de discorde. Cette transaction destinée à contenter tout le monde ne satisfaisait, pour ainsi dire, personne.

Les partisans des constitutions librement débattues, M. Durbach en tête, l'attaquaient vivement comme insuffisante dans le fond, vicieuse et peu sûre par la forme dans laquelle elle avait été discutée et donnée.

Elle n'était pas moins vivement attaquée, dans les opinions adverses, par ceux qui trouvaient toute nouvelle constitution inutile. Ceux-là mêmes qui, sans être partisans des constitutions à priori, comprenaient qu'après une si longue absence et de si grands changements, le Roi ne pouvait point ne pas constater les principes essentiels qui avaient survécu au naufrage des révolutions, critiquaient non-seulement la manière dont les choses avaient été faites, mais le fond même des choses.

Cette commission, formée de membres de deux assemblées faisant partie intégrante du régime impérial, leur paraissait sans mission comme sans aptitude pour l'œuvre dont elle avait été chargée. Pourquoi ne point s'être mis en présence de la France, en l'invitant à élire de nouveaux mandataires? En agissant ainsi, on aurait évité des concessions inutiles et dangereuses réclamées par des intérêts individuels appartenant au dernier régime, et on aurait donné au pays les garanties réellement réclamées par les intérêts généraux. Mais le Roi, qui défendait avec une fermeté invincible tout ce qui intéressait la dignité de sa couronne, de sa personne, de sa famille, de son royaume, contre les prétentions de l'étranger, qui eût renoncé au trône plutôt que de transiger sur la reconnaissance de son droit, et de laisser le Sénat changer la constitution du pays, se montrait facile dès qu'on lui proposait de faire lui-même ce qu'il n'aurait laissé faire à

personne.

Encore eût-il été possible de ménager des ressources à l'autorité royale, par la rédaction de la Charte. Au lieu de cela, on avait donné une mince satisfaction aux prétentions royales, dans les mots sonores et vides du préambule, et, dans les articles, l'on avait concédé les réalités à la Révolution. N'étaitce pas une chose singulièrement fâcheuse que de voir le Roi mettre les propriétés confisquées révolutionnairement sur la même ligne que les propriétés légitimes, sans annoncer aucune indemnité pour les propriétaires spoliés? L'effet d'une pareille déclaration était d'affaiblir le sentiment de respect pour la propriété et le sens moral dans les âmes; on avait entendu des hommes honnêtes, et même royalistes, des classes moyennes s'écrier, en lisant l'article de la Charte qui proclamait inviolable et sacré l'achat des biens dits nationaux : Pourquoi ne l'ai-je pas su plus tôt? En outre, abolir la confiscation pour l'avenir, en la laissant subsister dans le passé, c'était désarmer le Roi

Пist, de la Restaur. I.

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contre la Révolution, qu'on laissait armée contre lui dans les intérêts. Pourquoi la Charte, allant plus loin que la déclaration de Saint-Ouen qui garantissait seulement la liberté des cultes, substituait-elle à cette promesse, nécessaire mais suffisante, celle d'une égale protection? Qu'est-ce que la religion de l'État dans un pays où la loi fondamentale accorde une égale protection à tous les cultes? N'était-il pas facile d'apercevoir, sous cette incohérence de termes, l'intention de faire taire les prétentions opposées, en accordant aux unes la forme, aux autres le fond? Pour la liberté de la presse, aussi, la Charte allait au delà de la déclaration de Saint-Ouen, qui disait que « la liberté de la presse serait respectée, sauf les précautions nécessaires à la tranquillité publique '. » D'où vient que cette restriction avait disparu?

N'y avait-il pas imprudence à laisser à une Chambre issue de l'Empire le soin de faire la loi d'élection, de toutes les lois la plus importante pour la durée des institutions qu'on voulait fonder? Que pouvait-on attendre d'une Chambre des pairs composée en grande partie d'hommes formés dans la Révolution, et chez lesquels le génie de l'intrigue s'était allié, dans l'ancien Sénat, à la servilité? Espérait-on corriger cet élement en introduisant dans la pairie ce qui restait de l'ancienne cour, dont un grand nombre de membres, par leur vanité, leur incapacité et leurs exigences pécuniaires avaient contribué à la première révolution? C'était aussi une faute que d'aborder une situation nouvelle avec une Chambre qui appartenait à une situation périmée.

Donner le droit électoral aux contribuables payant cent écus, c'était concentrer la puissance politique dans les mains

1. L'article de la Charte disait : « Les Français ont le droit de faire imprimer leurs opinions en se conformant aux lois qui doivent réprimer les abus de cette

liberté. »

des Français jouissant d'un revenu net de 1,500 francs. Or cette classe, mobile par nécessité, est jalouse par situation des classes élevées, peu capable de sacrifice, et à la fois âpre et dure envers les classes inférieures aux dépens desquelles elle cherche à s'enrichir. En outre, la concentration des droits électoraux dans une classe si restreinte, investie exclusivement du privilége de nommer directement les députés, paralysait dans les mains du Roi la plus précieuse de ses prérogatives contre une Chambre factieuse, le droit de dissolution.

N'y avait-il-pas une iniquité flagrante dans l'article de la Charte qui déclarait « toute espèce d'engagement pris par l'État inviolable, » admettait tout l'arriéré de l'Empire, et donnait un titre aux réclamations excessives ou mal fondées de tous les spéculateurs et fournisseurs du régime précédent, tandis que, par l'application des vieilles lois de déchéance, les victimes des spoliations révolutionnaires, les rentiers de l'État réduits au tiers, et les rentiers viagers se trouvaient éconduits? Ces trois lignes insérées dans la Charte allaient faire surgir une masse de réclamations d'une légitimité contestable, et, la plupart du temps, contestée par le chef du dernier gouvernement. Pourquoi ce privilége exorbitant attribué aux créanciers plus ou moins réels de l'Empire?

C'étaient là les principales objections que, dans les écrits et dans les conversations, on élevait contre la teneur de la Charte. Parmi ces objections, il y en avait de graves et de motivées. Celles contre l'incompétence de la commission tirée du Sénat et du Corps législatif étaient générales; celles contre la précipitation avec laquelle on avait procédé à la rédaction de la Charte presque universelles. Les révolutionnaires ajoutaient à ces critiques des insinuations sur la possibilité d'une réaction dont ils affectaient de voir les

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