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n'avait rien négligé pour le tirer de l'oubli et le mettre dans le chemin de la fortune; il fit plus, il le calomnia, il déchira ses bienfaiteurs. « Le gouvernement, dit-il dans une adresse, fut oppresseur, parce qu'il fut faible; celui qui lui succède s'impose le devoir d'être fort, pour remplir celui d'être juste. » ( Moniteur, 23 brumaire an 8.)

Malgré cette force qui résidait dans l'audace de l'usurpateur revêtu du titre de 1er Consul, et surtout dans le despotisme militaire, Fouché n'en craignait pas moins les réactions, et, dans sa crainte, il les signalait comme impossibles. « Les réactions, disait-il dans une autre adresse, sont le produit de l'injustice et de la faiblesse des gouvernemens; il ne peut plus en exister parmi nous, puisque nous avons un gouvernement fort et par conséquent juste. »

Ce qui prouve la justice de ce gouvernement, ce fut la conduite que tinrent alors Bonaparte et

allons transcrire comme l'œuvre d'un libelliste, et quoique surtout nous n'en partagions ni les principes moraux, ni les opinions politiques; comme dans ces lignes imbibées de fiet, il se rencontre des renseignemens vrais et quelques faits curieux, notre respect pour la vérité nous prescrit le devoir de ne pas les rejeter. C'est ainsi que celui qui prépare des matériaux à l'histoire, lui fournit les moyens de se montrer véridique et impartial.

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Fouché a l'egard de Barras. Le premier consul ne pouvait pas supporter en France cet ancien directeur, dont la présence lui reprochait sans cesse la plus noire ingratitude. « Que faire de cet homme, dit-il un jour à Fouché ? Le faire voyager. Faites-le voyager, dit le premier consul. » Aussitôt Fouché mande Barras, et lui intime l'ordre du despote. « Je veux bien consentir à m'expatrier, dit Barras; mais avec quoi? je suis ruiné. On vous donnera les fonds nécessaires. En effet, Barras reçut, dit-on, le lendemain, un mandat de 24,000 francs sur le trésor public: il fut ainsi récompensé d'avoir élevé deux hommes qui avaient également con couru à sa chute.

L'administration de Fouché, conforme à l'esprit du jour, ou plutôt à la volonté du nouveau despote, ne laisse pas que de montrer encore de temps en temps l'empreinte de ses premières idées, et surtout de son antipathie pour les prêtres; quoiqu'il eût, à cette époque, brûlé tous ses bonnets rouges, et qu'il fit une guerre continuelle à tous ceux qui, comme lui, avaient porté cet emblême odieux de l'anarchie, il n'en saisissait pas moins avec empressement toutes les occasions de ressaisir les jouissances que l'influence de ce bonnet magique lui avait, de son aveu, procurées à Nevers, lorsqu'il renver

sait les autels et s'emparait de leurs richesses: aussi le vit-on réduire, de gaîté de cœur, à une ruine perpétuelle, en 1800, un malheureux professeur de Paris, qui, en rétablissant l'ancien collége de Navarre, avait eu l'imprudence d'annoncer, dans un prospectus, qu'on y dirait la messe, et que M. l'abbé Sicard y donnerait des leçons de morale religieuse.

L'arrêté que Fouché prit au sujet de ce prospectus, ayant paru dans quelques journaux, mérite d'être cité : il est du 50 messidor an 8.

Le ministre de la Police générale au citoyen Préfet de Police.

« Je vous charge, citoyen préfet, de faire disparaître des murs de Paris des placards d'un soi-disant LE COLLÉGE DE Navarre.

» Si le fanatisme d'une secte intolérante pouvait corrompre dans sa source l'opinion publique et jeter dans le cœur des jeunes gens les fermens dangereux des dissensions religieuses, le gouvernement s'efforcerait en vain de ramener tous les partis à la concorde; le temps lui-même ne pourrait rétablir la paix intérieure que nous garantit la douceur de nos institutions républicaines, et les générations à venir continueraient de s'égorger au nom du ciel.

» La police doit diriger l'esprit public dans

une voie plus saine, et le ramener sans cesse aux maximes avouées par la raison et la philosophie.».

Signé FOUCHÉ.

Mais qui donc étaient ces hommes qui devaient corrompre, dès sa source, l'opinion publique, jeter dans les cœurs des jeunes citoyens les fermens dangereux des dissensions religieuses, opposer une barrière à la paix intérieure que garantissait la douceur des institutions républicaines, en un mot, forcer les générations futures à continuer de s'égorger au nom du ciel? C'étaient M. Delneuf, principal, âgé de près de quatre-vingts ans, et pouvant à peine parler; M. Mauduit, âgé de plus de soixante-dix ans, enseveli depuis son enfance dans les mathématiques; M. l'abbé Sicard, justement surnommé le philantrope; M. Geoffroy, la terreur sculement des comédiens et des mauvais écrivains.

Le seul crime que le ministre imputait à ces professeurs, était d'avoir, dans leur prospectus, attribué à l'absence de la religion la démoralisation générale, dont l'enfance même était universellement atteinte, et d'avoir annoncé que la principale chaire du collége serait consacrée au développement des principes religieux. Quel attentat aux yeux de Fouché! Aussi exerça-t-il à

cet égard la toute-puissance de sa vengeance ministérielle.

Ce philosophe ombrageux, qui ne rêvait qu'intolérance, ne fut pourtant pas aussi heureux avec M. de Bonald qu'avec le professeur qui avait établi le collége de Navarre. Cet écrivain avait inséré dans un numéro du Mercure, en 1806, un article relatif à l'intolérance, et qui déplut à Fouché. Aussitôt celui-ci donna l'ordre à M. de Saint-Horent, préfet du département de l'Aveyron, de mander M. de Bonald auprès de sa personne, à Rhodez, pour lui infliger une correction convenable. M. de Bonald, qui résidait à Millaud, reçut de M. le préfet une lettre qui l'invitait à se rendre, courrier par courrier, au chef-lieu de la préfecture. Mais ce publiciste, qui mit toujours autant de courage dans sa conduite que dans ses écrits, n'obéit ni au préfet, ni au ministre.

Il serait inutile de chercher à peindre Fouché pendant sa carrière ministérielle sous Bonaparte; autant il s'était montré à découvert sous Robespierre, autant il s'enveloppa des plus profondes ténèbres sous le nouveau Cromwel, en ce temps où un seul homme absorbait, pour ainsi dire, tout le reste des hommes, où il ne voulut pas souffrir à la tête d'un livre le portrait d'aucun souverain, même celui de son

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