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posé d'hommes décidés à sauver une race ou à mourir pour elle. Après une délibération lente, molle, tout officielle, et qui semblait destinée seulement à se renvoyer les uns aux autres la responsabilité d'une retraite, on se sépara à minuit sans avoir conclu. Nul n'osait prendre une résolution qui pouvait devenir un crime si l'empereur venait à vaincre encore et à demander compte à ses frères de sa capitale abandonnée. On s'en référa à la lettre de Napoléon, qui défendait le séjour de Paris à sa femme en cas de péril extrême. On préjugea le péril, on ne le déclara pas.

XVI

Cambacérès et Joseph voulaient se décharger sur MarieLouise elle-même de la résolution qui pouvait sortir de leurs lèvres. Ils la suivirent après le conseil dans ses appartements intérieurs. Ils l'obsédèrent de leurs instances ambiguës pour obtenir d'elle une volonté qui les couvrît. Soit qu'elle redoutât la colère de son mari, soit qu'elle inclinât vers l'immobilité dans sa capitale, où elle se sentait plus environnée du respect pour son sexe et pour son rang, soit qu'elle craignît de devenir entre les mains de ses beauxfrères une victime errante de l'ambition de Bonaparte et un instrument de guerre civile rejeté de province en province au milieu des camps, Marie-Louise vainquit sa timidité. Elle répondit avec fermeté à Joseph et à Cambacérès que la résolution leur appartenait, qu'elle ne la prendrait jamais sur elle, qu'ils étaient ses conseillers obligés, et qu'elle n'obéirait, soit qu'elle dût rester ou partir, qu'à un ordre

délibéré et signé par eux. Ils éludèrent cette responsabilité. L'ordre de départ éventuel donné par Napoléon dans sa lettre resta donc comme un texte absolu auquel l'impératrice était résolue à obéir. On prépara la fuite. On chargea le trésor sur des fourgons de suite. Les papiers secrets de l'empereur furent emballés, ainsi que les diamants de la couronne. Le départ fut fixé au 29 mars.

XVII

Mais chaque galop d'un cheval dans la cour du palais pouvait annoncer un courrier et apporter un contre-ordre de l'empereur. On donna du temps à l'inconnu. L'impératrice, entourée des femmes, des courtisans et des officiers désignés pour la suivre, attendit depuis l'aube jusqu'au milieu du jour le signal du départ. Il devait lui être donné par Joseph. Ce prince, montant à cheval dans la nuit, était allé visiter et animer les avant-postes aux barrières et sur les principales entrées de Paris. Mais la masse de la population ignorait même cette dernière démonstration de résistance. Elle accusait Joseph d'une mollesse royale contractée sur les trônes de Naples et de Madrid, au sein des voluptés des cours du Midi.

Joseph ne revenait pas et ne faisait rien dire à l'impératrice. Les officiers de la garde nationale dont le poste était au palais la conjurèrent de rester. Ils espéraient que la présence à Paris de la fille de l'empereur d'Autriche serait une sauvegarde contre les extrémités d'une ville bientôt assiégée. Marie-Louise, en larmes, cédait et résistait tour à tour.

On voyait qu'une certaine violence faite à sa volonté d'obéir à l'empereur en quittant Paris l'aurait soulagée d'une grande incertitude, en l'enlevant aux obsessions des frères de Napoléon. D'un autre côté, les hommes prévoyants et le parti de M. de Talleyrand, embarrassés de la présence de cette princesse dans les négociations qu'ils nouaient déjà pour livrer son trône à d'autres princes, pressaient secrètement son départ. Clarke, ministre de la guerre, lui envoya dire à midi qu'il ne répondait plus de la sûreté des routes, sillonnées par les bandes des Cosaques, si elle tardait jusqu'au lendemain. Douze voitures de cour, attelées depuis le matin, attendaient dans les cours. Une forte escorte de cavalerie de la garde les entourait. Marie-Louise s'arracha enfin à son palais. Un de ses écuyers portait dans ses bras le roi de Rome. Ce bel enfant, déjà superbe par l'adulation qui devance l'âge, s'attachait aux rampes du grand escalier eť refusait de se laisser exiler de ce trône. « Je ne veux pas partir, s'écria-t-il; quand l'empereur est absent, n'est-ce pas moi qui suis le maître? On eût dit qu'il pressentait qu'entre les pompes des Tuileries et les caveaux funèbres de Schoenbrunn il n'y avait pour lui que quelques courtes années d'adolescence et de mélancolie. Les voitures défilèrent lentement, comme un cortége mortuaire, sur les quais. A peine quelques groupes de curieux s'arrêtaient çà et là pour voir passer ce convoi d'une dynastie. Nulle voix ne s'éleva pour saluer d'un adieu du peuple cette femme et ce fils de Napoléon fuyant au hasard et traînant les dernières pompes de la puissance.

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Telle était la popularité de ce règne, que l'histoire peignait quelques années après comme le fanatisme du peuple.

XVIII

Pendant que l'impératrice suivait ainsi lentement la route du château impérial de Rambouillet, le rappel du tambour appelait les citoyens à la défense des postes. La garde nationale prenait les armes, moins pour combattre que pour veiller à ses foyers. Mais la jeunesse des écoles, et quelques-uns de ces hommes que le patriotisme et le danger suscitent d'autant plus que les moments sont plus désespérés, volaient aux barrières et sur les hauteurs de Montmartre. Les faubourgs, en les voyant passer, demandaient à grands cris des armes. Tout manquait. L'empire avait tout usé sur les champs de bataille étrangers. La nouvelle du départ de l'impératrice et de la translation du gouvernement hors de la capitale abattit, consterna les cœurs. On attendit en silence le dernier coup qui fait écrouler les empires.

Joseph, rentrant dans Paris après avoir vu de loin le débordement de troupes qui couvraient les plaines et les routes de la capitale, évita les rues populeuses, et, convoquant nuitamment les ministres et le conseil de régence, se disposa à suivre avec ces derniers débris du règne de Napoléon les pas de l'impératrice.

LIVRE QUATRIÈME

Course de Napoléon sur Paris.

Il traverse Troyes et Sens. - Arrivée des armées coalisées devant Paris. - Bataille de Paris. Joseph or

Proclamation de Joseph.

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Fuite de

donne à Marmont de capituler. Joseph, de Jérôme et du gouvernement. Mortier offre une suspen

sion d'armes. Dernière résistance de Marmont.

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Il propose une suspension d'armes. Députation du conseil municipal près de MarCapitulation de Marmont le 30 mars. MM. de Chabrol et Pasquier au quartier général d'Alexandre. Alexandre. Il reçoit

mont.

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· Entrée des

Physionomie de Paris. Pétition des

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Manifestation royaliste sur le passage

I

Tandis que Paris se résignait ainsi presque désarmé aux forces innombrables dont il était entouré, Napoléon calculait avec anxiété les étapes et les heures qui le séparaient de sa capitale. Il avait soixante-dix lieues à faire franchir à une armée fatiguée de marches et de contre-marches, mais impatiente de revoir les murs de Paris et d'y retrou

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