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procureur du roi a clairement désigné les écrivains et les prévenus de délits politiques auxquels il ne veut pas probablement permettre d'avoir des défenseurs.

Ce n'est point avec de telles doctrines qu'on éclairera les esprits; puisqu'il devait y avoir contradiction entre les organes du ministère public, il est fàcheux que M. Colomb n'ait pas parlé le second, on aurait pu croire que c'était le dernier mot de l'autorité.

Mais ce ne sont pas seulement les administrations et les tribunaux qui ont rendu les électeurs attentifs au choix de leurs députés. La manière arbitraire dont se sont donnés les emprunts, la préférence qu'ont obtenue les étrangers sur les nationaux, le défaut de concurrence, tout le mystère qui a environné les opérations financières, ont jeté de la défiance dans les esprits, et les citoyens ont cherché des mandataires clairvoyans qui pussent porter la lumière dans ce dédale.

Ainsi donc, les ministres, en supposant qu'ils ne soient pas satisfaits de tous les choix nouveaux, ne doivent les attribuer qu'à eux-mêmes. Il faut aujourd'hui qu'ils s'y résignent; on ne peut se résoudre à croire qu'ils aient sérieusement le dessein de proposer le chaugement de la loi des élections à des hommes qui viennent d'être nommés par elle. Ce serait un outrage pour les élus de la France, et le ministère, de quelques formes qu'il l'enveloppåt, ne pourrait jamais en dissimuler le scandale. Je sais bien qu'on se récrie contre l'article de la loi relatif aux patenfés; ces petits négocians ont l'esprit détestable; ils s'avisent d'avoir de l'indépendance.. Le commissaire de police n'est pas un oracle pour eux, et ils poussent l'irrévérence jusqu'à déchirer les bulletins tout faits que leur envoie une préfecture officieuse. Cet inconvénient, en supposant que c'en soit un, n'existe guère que pour Paris, où le prix des patentes se règle sur le prix des loyers; mais n'est-il pas bien compensé par l'armée d'employés, de fonction

naires et de subalternes qui se meuvent au gré de la police et de la trésorerie. Est-ce le commerce qui a nommé M. Manuel dans la Vendée? Est-ce le commerce qui a nommé M. de La Fayette dans la Sarthe? non, ce sont les cultivateurs, ce sont les hommes qui représentent la riche sse territoriale de la France.

Mais ces députés, qui inspirent tant d'effroi au ministère, sont-ils donc, comme l'impriment ses écrivains, d'insensés démagogues qui ne rêvent que des révolutions nouvelles? La plupart sont de grands propriétaires dont la sagesse égale la fermeté, et qui, persécutés sous toutes les terreurs, connaissent le prix du repos. Dans le département de la Sarthe, par exemple, où, quelques jours après les élections, l'arrivée d'un régiment a donné lieu aux bruits les plus calomnieux contre le gouvernement; dans ce département dont les choix font jeter les hauts cris aux ultra-ministériels, deux des nouveaux élus, MM. Delahaye et Hardouin, ont gémi en 1793 sous les verroux de Robespierre; alors on les persécutait comme fédéralistes, on les a depuis exilés comme libéraux. Et le général La Fayette, dont le nom seul donne des convulsions aux familiers du ministère, ne demandait-il pas en 92 la clôture de la société des jacobins? C'était alors un titre de proscription que celui de farétiste, et tel dénonce aujourd'hui le général comme un ennemi de la monarchie, qui le dénonçait peut-être alors comme un ennemi de la liberté. Il la voulut, comme toute la France en 89, sans violence et sans excès; il nous la présentait, comme tous les hommes célèbres de cette époque, sous les couleurs séduisantes de l'espérance; ils nous l'avaient fait aimer, et c'est ce qu'on ne leur pardonne point aujourd'hui. On est bien plus indulgent pour ceux qui nous la rendirent odieuse.

C'est ici le lieu de rappeler une mémorable discussion du parlement d'Angleterre en 1795. Quand, au mépris du droit des gens, le général La Fayette, qui croyait trouver

un refuge dans l'étranger, ne put y obtenir qu'un cachot, lord Fitz Patrick, l'un des membres de la chambre des communes, se plaignit de cette violation de la foi publique, et demanda que le gouvernement de la Grande-Bretagne intercédât auprès des puissances coalisées pour obtenir la liberté du général. M. Fox appuya cette motion avec sa loyauté ordinaire, et M. Pitt la combattit avec sa finesse accoutumée; mais l'irascible Windham se livra à toute la fougue de son caractère et à toute la violence de sa haine. C'est l'ultra qui parle après l'indépendant et après le ministériel. A la suite de mainte phrase furibonde qu'on croirait avoir lue la veille dans quelques-uns de nos recueils semi-périodiques, le fougueux orateur prétend qu'il vaudrait mille fois mieux appeler la pitié publique sur Collot-d'Herbois et sur Billaud-Varennes que sur le prisonnier d'Olmutz. La réplique de M. Fox est admirable: Vous avez laissé échapper votre secret, s'écrie-t-il avec une généreuse in~ dignation le guerrier qui défendit la liberté dans les deux mondes, le citoyen qui lui éleva des autels, et qui lui soumit tous les cœurs, excite votre haine; et les hommes qui renverserent son culte, qui la chassèrent de son temple, et qui, dans leurs affreuses saturnales, lui substituerent la sanglante anarchie, sont ceux qui émeuvent yotre sensibilité et qui appellent votre sollicitude. Ah! ils sont bien dignes de votre intérêt ! ils ont fait haïr la liberté qui vous est odieuse, ils ont fait regretter le despotisme qui vous est cher; élevez-leur des statues, ils les ont bien méritées!

La philippique de M. Fox peut s'appliquer aux hommes qui, aux talens près, sont les Pitt et les Windham de notre temps.

Nos nouveaux élus, je le répète, vont confondre leurs accusateurs par le développement d'un système aussi sage que constitutionnel. Sans doute ils s'étonneront que, sous l'empire d'une charte qui ne permet pas que les citoyens soient distraits de leurs juges naturels, une multitude de

T. IV.

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Français languissent dans l'exil; ils solliciteront des lois en harmonie avec nos mœurs et avec nos institutions; ils réclameront contre l'abus de ce système des ordonnances qui altère trop souvent les lois; ils ne souffriront pas que, dans des projets qui semblent favorables à la liberté, on laisse des faux-fuyans à l'arbitraire; ils oseront s'élever contre la multitude des pensions, contre l'excessive prodigalité des traitemens; ils s'affligeront, quand tant de guerriers oisifs sont forcés de s'exiler sur des bords lointains, de voir des troupes étrangères garder les remparts de nos villes et les palais de nos rois ; ils ne seront pas aveugles pour toutes les dilapidations, ils ne seront pas sourds pour toutes les plaintes; ils solliciteront à haute voix non-seulement la responsabilité des ministres, mais la responsabilité bien plus importante de leurs agens; ils s'élèveront contre ce tribunal inconstitutionnel qui, à la fois amovible et dépendant, usurpe des pouvoirs dont la charte ne l'a point investi, et dont les juges se multiplient tellement, qu'ils finiront pas surpasser en nombre les députés de la nation. Ils voudront surtout que les lois constitutionnelles soient si solidement établies, qu'aucun événement ne puisse les ébranler, , que dans aucun cas le changement des hommes ne puisse exercer la moindre influence sur les institutions; ils réclameront en un mot la stabilité qui inspire la confiance, qui fonde le crédit, et qui peut seule prévenir les révolutions. Qu'on accorde à la France ce qu'elle a droit d'exiger, qu'on lui tienne les promesses solennelles qu'on lui a faites, et ses députés ne feront entendre que des expressions de gratitude; c'est ainsi qu'ils répondront aux calomniateurs qui les appellent les Hunt de la France, et qui, voulant sans doute exciter leur colère, ne parviendront pas même à provoquer leur mépris.

Mais si, par un déplorable aveuglement, si, par une funeste obstination, on persistait dans ce système insidieux, qui ne fait de la charte qu'une fiction, et de la liberté qu'une

chimère, il faudrait se résoudre à entendre des vérités courageuses, et le ministère s'exposerait à perdre cette majorité dont il se croyait assure pour toujours. Nombre de députés qui consentaient à ajourner leurs espérances jusqu'au départ des troupes étrangères, pourront bien désormais changer de langage. Nous sommes arrivés au temps où les gouvernemens, comine les particuliers, ne peuvent inspirer la confiance que par la droiture de leurs actions et la rectitude de leur conduite. La politique doit se réconcilier avec la bonne foi; et, puisque la presse met tout en évidence, il ne faut rien faire qu'on puisse craindre de voir publier. Ne valait-il pas mieux, par exemple, laisser les élections dernières suivre leur cours naturel, que de les entraver par des intrigues, et par des menées dont la publicité seule est un scandale? La nomination non contestée de M. Benjamin Constant pouvait blesser l'amour-propre de quelques ministres; la manière dont on l'a combattue, a nui à la considération du ministère, l'élection d'un candidat populaire peut même honorer le gouvernement qui ne s'y oppose point; mais l'attaquer, pár des libelles, le repousser par la calomnie, c'est se décréditer soi-même, parce que c'est se jouer de la morale publique, et que l'autorité ne l'oublie jamais sans danger pour l'état. Certains écrivains ministériels essaient de contester les faits que nous avons cités (1); nous sommes loin

(1) J'ai dit, dans ma dernière lettre, que M. Ternaux avait adressé particulièrement à scs amis sa profession de foi politique, suivie d'un post-scriptum, où il désavouait hautement les libelles imprimés contre ses concurrens, et j'ai ajouté qu'il désirait avec d'autant plus d'instance qu'on fit circuler cette déclaration, que le Journal de Paris n'avait point inséré le post-scriptum qui la termine.

Aujourd'hui le Journal de Paris, avec la politesse ordinaire des écrivains ministériels, prétend que j'ai avancé un fait faux, et il me défie de le prouver. Je répliquerai par la lettre même de M. Ternaux. Voici comment elle se termine:

« Vous me ferez plaisir de les répondre (mes protestations) au

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