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SCENE XI.

Ee GRAND INQUISITEUR, FONTANARES, QUINOLA, le DUC d'OLMEDO.

Quinola. Ca n'est pas sain, la torture.
Fontanarès. Quinola ! et dans quelle livrée !
Quinola. Celle du succès, vous serez libre.

Fontanarès. Libre? Passer de l'enfer au ciel en un moment?
Le duc d'Olmedo. Comme les martyrs.

Le Grand Inquisiteur. Monsieur, vous osez dire ces paroles ici !

Le duc d'Olmedo. Je suis chargé par le roi de vous retirer cet homme des mains, et je vous en réponds.

Le Grand Inquisiteur. Quelle faute !

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Quinola. Ah! vous vouliez le faire bouillir dans vos chaudières pleines d'huile, merci! Les siennes vont nous faire le tour du monde comme ça ! (Il fait tourner son chapeau.)

Fontanarès. Embrasse-moi donc, et dis-moi comment.
Le duc d'Olmédo. Pas un mot ici.

Quinola. Oui (il montre les talons de l'Inquisiteur), car les murs ont ici beaucoup trop d'intelligence. Venez. Et vous, monsieur le duc, courage! Ah! vous êtes bien pâle, il faut vous rendre de couleurs; mais ça me regarde.

SCENE XIII.

Les précédents, le Roi, la REINE, la MARQUISE de MONTDEGAR, le CAPITAINE DES GARDES, le GRAND INQUISITEUR, le PRESIDENT DU CONSEIL DE CASTILLE, toute la Cour.

Philippe II. (au Capitaine des Gardes). Notre homme est-il

venu ?

Le Capitaine. Le duc d'Olmédo, que j'ai rencontré sur les degrés du palais, s'est empressé d'obéir au roi.

Le duc d'Olmedo (un genou à terre). Le roi daigne-t-il pardonner un rétard. impardonnable?

Philippe II. (le relève par le bras blessé). On te disait mou(il regarde la marquise) d'une blessure reçue dans

rant

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une rencontre de nuit.

Le duc d'Olmédo. Vous me voyez, sire.

La Marquise (à part). Il a mis du rouge.

Philippe II. (au duc). Où est ton prisonnier ?

Le duc d'Olmedo (montrant Fontanarès). Le voici

Fontanarès (un genou à terre). Prêt à réaliser, à la très-grande gloire de Dieu, des merveilles sur la splendeur du règne de mon maître.

Philippe II. Lève-toi, parle : quelle est cette force miraculeuse qui doit donner l'empire du monde à l'Espagne?

Fontanarès. Une puissance invincible, la vapeur. Sire, étendue en vapeur, l'eau veut un espace bien plus considérable que sous sa forme naturelle, et pour le prendre elle souleverait des montagnes. Mon invention enferme cette force: la machine est armée de roues qui fouettent la mer, qui rendent un navire rapide comme le vent, et capable de résister aux tempêtes. Les traversées deviennent sûres, d'une célérité qui n'a de bornes que dans le jeu des roues. La vie humaine s'augmente de tout le temps économisé. Sire, Christophe Colomb vous à donné un monde à trois mille lieues d'ici; je vous le mets à la porte de Cadix, et vous aurez, Dieu aidant, l'empire de la

mer.

La Reine. Vous n'êtes pas étonné, sire?

Philippe II. L'étonnement est une louange involontaire qui ne doit pas échapper à un roi. (A Fontanarès.) Que me demandes-tu ?

Fontanarès. Ce que demanda Colomb: un navire et mon roi pour spectateur de l'expérience.

Philippe II. Tu auras le roi, l'Espagne, et le monde. On te dit amoureux d'une fille de Barcelone. Je dois aller au delà des Pyrénées, visiter mes possessions, Roussillon, Perpignan. Tu prendras ton vaisseau à Barcelone.

Fontanarès. En me donnant le vaisseau, vous m'avez fait justice; en me le donnant à Barcelone, vous me faites une grâce qui change votre sujet en esclave.

Philippe II. Perdre un vaisseau de l'état, c'est risquer ta tête. La loi le veut ainsi..

Fontanarès. Je le sais, et je l'accepte.

Philippe II. Eh bien, hardi jeune homme, réussis à faire aller contre le vent, sans voiles ni rames, ce vaisseau comme il irait par un bon vent. Et toi,-ton nom?

Fontanarès. Alfonso Fontanarès.

Philippe II. Tu seras Don Alfonso Fontanarès, duc de . Neptunado, grand d'Espagne.

Le duc de Lerme. Sire, les statuts de la grandesse

Philippe II. Tais-toi, duc de Lerme. Le devoir d'un roi est d'élever l'homme de génie au-dessus de tous, pour honorer le rayon de lumière que Dieu met en lui.

Le Grand Inquisiteur. Sire
Philippe II. Que veux-tu?

Le Grand Inquisiteur. Nous ne retenions pas cet homme parce qu'il avait un commerce avec le démon, ni parce qu'il était impie, ni parce qu'il était d'une famille soupçonnée d'hérésie ; mais pour la sûreté des monarchies. En permettant aux esprits de se communiquer leurs pensées, l'imprimerie a déjà produit Luther, dont la parole a eu des ailes. Mais cet homme va faire, de tous les peuples, un seul peuple; et devant cette masse le Saint-Office a tremblé pour la royauté.

Philippe II. Tout progrès vient du ciel.

Le Grand Inquisiteur. Le ciel n'ordonne pas tout ce qu'il laisse faire.

Philippe II. Notre devoir consiste à rendre bonnes les choses qui paraissent mauvaises, à faire de tout un point du cercle dont le trône est le centre. Ne vois-tu pas qu'il s'agit de réaliser la domination universelle que voulait mon glorieux père? . . . . (A Fontanarès.) Donc, grand d'Espagne de première classe, je mettrai sur ta poitrine la Toison d'Or : tu seras enfin grand-maître des constructions navales de l'Espagne et des Indes. (A un ministre.) Président, tu expédieras aujourd'hui même, sous peine de me déplaire, l'ordre de mettre à la disposition de cet homme, dans notre port de Barcelone, un vaisseau à son choix, et . . qu'on ne fasse aucun obstacle à son entreprise.

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H. de Balzac.

78. Le Secret de la Confession.
SCENE VIII.

Les précédents, le Roi.

Le Roi. (On lui présente des suppliques.) C'est bien, messieurs. Amiral, vous ici?

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L'Amiral (aux pieds du Roi). Sire

Le Roi. Qu'est-ce? pourquoi vous troublez-vous ainsi?
L'Amiral. Votre flotte

Le Roi.

N'est plus; des malheurs, des naufrages

Vous n'étiez pas chargé de vaincre les orages.
L'océan a tout fait. . . . L'amiral est connu
Pour un brave marin: qu'il soit le bien venu.
Entendez-vous, messieurs, je le veux; il doit l'être.

Guzman. L'ordre de Calatrave a perdu son grand-maître ;
On rapporte sa croix, sire.

Le Roi.

Noble ornement !

Amiral, la voilà, portez-la dignement.

L'Amiral (à genoux). Quoi, sire, c'est sur moi que votre main

dispense

Le Roi. C'est la fidélité qu'en vous je récompense;

D'autres ont aujourd'hui mérité mon courroux.

D'Albe. Sire, mes ennemis . .

Le Roi.

Qui vous dit que c'est vous?

(Il monte sur le trône après avoir parcouru la salle d'audience.) (Du haut du trône.) D'Egmont!

D'Egmont.

Permettez, que sa voix

Le Roi.

Sire, l'Infant daignera nous défendre ;

Je suis prêt à l'entendre.

Don Carlos. Révolté contre d'Albe et soumis à vos lois,

Sire, un état jadis conquis par nos exploits,

La Belgique, qu'opprime un envoyé sinistre,
Ose se plaindre au Roi des fureurs du ministre;
Partout la mort; et d'Albe y grave en souverain
Le code des tyrans sur un livre d'airain;

Règne par le supplice, et sous sa main sauvage
Dans ces champs avilis fait germer l'esclavage:
Tout s'indigne et tout fuit. L'hymen épouvanté,

Maudissant le bienfait de sa fécondité,

Ne veut plus à ses fils, si rien ne le rassure,

Du joug universel léguer la flétrissure.

Quand sous le poids des maux le peuple est abattu,
Un prince doit trembler devant chaque vertu.
Sire, n'en croyez plus l'indigne flatterie;
La publique raison par les siècles mûrie
Reprend sa dignité. Partout dans l'univers
A son jour éclatant les yeux se sont ouverts.
Quand tout marche et grandit, resté seul immobile
Quel prince arrêterait avec sa main débile
L'irrésistible essor d'un monde révolté

Qu'un souffle impétueux pousse à la liberté?
L'Europe pressentait son aurore prochaine :
Des préjugés vieillis rompez la longue chaîne,
Rendez à la pensée et son culte et ses droits,
Dans ce brillant chemin devancez tous les rois.
Gardant de votre nom l'empreinte impérissable!
Marchez à sa lumière, et de vos nobles mains,
Sire, laissez tomber le bonheur des humains.
Le Roi. Qu'ai-je entendu ? quels sont ces discours sacriléges?
Moi, reconnaître ici d'orgueilleux priviléges?
Carlos et d'Egmont. Ciel!

Le Roi.

[Tous les courtisans s'éloignent du prince.
Irai-je, accueillant un désir insensé,

Calomnier d'un mot tout mon règne passé?
Mauvaise politique et rêves de jeune homme,
Les rois ont derrière eux, si grands qu'on les renomme,
Des abîmes cachés qu'ils n'aperçoivent pas ;
Ils y tombent toujours s'ils reculent d'un pas.
On crie autour de moi: Liberté.
Quel fantôme!
Quel géant inconnu se lève en mon royaume ?
De la toute-puissance il mesure les droits;

Il prétend grandir l'homme en abaissant les rois,
Et lorsqu'il ne devrait que fléchir quand je passe,
Pour ramper sous mes yeux n'a plus assez d'espace.
Pense-t-il ébranler de son repaire obscur

Le rocher de mon trône avec son souffle impur?
Lasse après quatorze ans d'un sommeil léthargique,
Au fond de ses marais s'agite la Belgique.

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